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La migraine est un mal méconnu qui empoisonne bien des couples. Comment faire face ensemble à cette maladie chronique, invalidante et mal connue ? Le neurologue Fabrice Lisovoski.

 

Qu’est-ce que la migraine ?

Dr Fabrice Lisovoski : C’est une activité anormale de groupe de neurones dans le cerveau. Cela a pour conséquence d’entraîner des céphalées, des maux de tête et parfois, des sensations d’accompagnement, comme des troubles visuels, sensitifs ou moteurs.

Un mal de tête et une migraine, est-ce la même chose ?

Dr F. L. : La migraine est un mal de tête bien particulier qui évolue par crises de quelques heures à quelques jours. Elle est trois fois plus fréquente chez la femme que chez l’homme.

La maladie débute volontiers dans l’adolescence ou à l’âge adulte. La douleur, intense, prédomine le plus souvent d’un côté de la tête.

Elle est volontiers pulsatile, donnant l’impression de coups de marteau sur la tête. Des nausées, voire des vomissements, et une intolérance au bruit et à la lumière sont souvent présentes. Ces symptômes très pénibles peuvent obliger à interrompre toute activité et à s’aliter au calme et dans le noir.

Quelles sont les causes de la migraine ?

Dr F. L. : Aujourd’hui, on ne connaît pas avec exactitude les causes de la migraine.

On a effectivement remarqué un rôle hormonal dans les causes de migraine, la pilule serait donc un responsable, dans certains cas, de par les modifications hormonales qu’elle induit. D’ailleurs, chez la femme migraineuse, environ 80 % d’entre elles seront débarrassées des crises au moment de la ménopause. Pour 10 % d’entre elles, cela ne changera rien, et pour les 10 % restants, le mal sera aggravé.

Les hormones, la pilule, les moyens de contraception ont bien souvent un rôle chez la femme migraineuse mais on ne peut pas dire pour autant qu’elles sont une des causes de migraine. Il y a aussi une prédisposition familiale qui est indéniable.

Toutes les personnes qui ont répondu à notre appel à témoins parlent de handicap, qu’en pensez-vous ?

Dr F. L. : La migraine touche 12,5 % de la population française de plus de 15 ans, et c’est la première cause de jour de travail chômé en France, et donc la première cause d’arrêt de travail. La migraine, c’est 2/3 de femmes pour 1/3 d’hommes. Ça peut devenir un handicap, si le retentissement est total pendant quelques heures.

Parfois, cette impotence fonctionnelle est générée par la douleur mais aussi parfois par les signes accompagnant la crise migraineuse, comme les défauts visuels qui empêchent toute conduite, par exemple.

Evoquez-vous en consultation les conséquences de la migraine sur le couple ?

Dr F. L. : C’est un aspect qui est parfois évoqué par le migraineux lui-même. En règle générale, le migraineux vient seul en consultation. Le problème pour le conjoint, c’est plus la fréquence des crises, pas l’intensité, puisque ce n’est pas lui qui le perçoit, et le ou la migraineuse va avoir tendance à s’isoler dans son coin. Pour le conjoint, ce sont ces absences répétées qui vont avoir un impact, parfois délétère pour un couple, ainsi que l’irritabilité d’une personne qui souffre, aussi.

Comment peut-on accompagner au mieux une personne qui a une crise de migraine ?

Dr F. L. : Je suis moi-même migraineux, en tant que malade, ce que l’on préfère, c’est être tranquille, allongé dans le noir, sans le moindre bruit, et que l’on puisse laisser la crise se passer d’elle-même.

Certaines personnes ont, avec la douleur migraineuse, des manifestations d’angoisse qui parfois nécessitent la présence du conjoint. Mais le mot d’ordre en période de crise, c’est la tranquillité !

Quelles sont les solutions pour s’en sortir ?

Dr F. L. : Le traitement de la migraine est composé de deux versants : le traitement de la crise et le traitement de fond, qui, lui, est indiqué non pas par l’intensité des crises mais par sa fréquence.

On instaure un traitement de fond lorsque les crises sont hebdomadaires pendant 24 heures. Cela peut aussi se transformer en nombre de jours chômés par mois, puisque ces crises peuvent durer jusqu’à 72 heures.

Le traitement de la crise en tant que tel passe d’abord par les antalgiques les plus courants, comme le paracétamol ou l’ibuprofène, mais en tant que neurologue, je vois des patients qui ont souvent essayé plein de molécules, en automédication. Donc en première intention, ce sont les triptans qui sont prescrits et qui donnent de très bons résultats.

Sophie Madoun