La-méthode-Montessori-appliquée-aux-malades-d-Alzheimer-santecoolLa méthode Montessori propose un accompagnement des personnes âgées présentant des troubles cognitifs (une « démence ») en se fondant sur des idées humanistes fortes et en particulier sur trois valeurs indéfectibles : le respect de la personne (qui elle est et quels sont ses choix), de sa dignité et un principe fondamental d’égalité. Explications.

Initiée en 1896 par Maria Montessori (1870-1952), première femme médecin en Italie, cette pédagogie conçue pour des enfants, repose sur leur observation, leur éducation sensorielle et leur épanouissement par l’activité qu’ils accomplissent eux-mêmes. Il est essentiel, selon Maria Montessori, de prendre en compte leurs besoins et leurs capacités : qu’aiment-ils faire, que sont-ils capables de faire ? Et de développer l’éveil du lien aux autres. Quant à l’environnement, il doit soutenir les comportements et l’autonomie. La même démarche a été adaptée par le Pr Cameron Camp pour les personnes ayant la maladie d’Alzheimer.

En France, une étude réalisée en 2016*, encore non publiée, vient de récolter les données de validation d’une batterie d’évaluation, basée sur les principes et la démarche de la méthode Montessori et destinée à être administrée à des personnes âgées présentant des troubles cognitifs modérés à sévères : La M.A.S. (Montessori Assessment System). La spécificité de cette batterie est d’évaluer non pas les déficits ou la sévérité des troubles, comme dans les outils d’évaluation existant actuellement, mais bien les capacités restant préservées chez la personne évaluée.

La M.A.S. (Montessori Assessment System) consiste en la réalisation de sept activités basées sur la méthode Montessori (lavage de mains, lecture et discussion autour d’une histoire courte, activité de catégorisations, motricité fine, enfilage d’un vêtement, perception des couleurs et de la profondeur, utilisation d’un calendrier). Chacune de ces activités sollicite une variété de compétences et capacités non évaluées dans les outils classiques d’évaluation (telles que la lecture, les capacités d’imitation, les capacités de motricité fine et plus large, l’utilisation de modèles, l’utilisation d’une aide externe, la capacité à donner son avis, etc.).

L’objectif de la M.A.S. est de fournir des informations qui peuvent aider les professionnels dans l’établissement d’un projet d’accompagnement ou de réhabilitation pour la personne évaluée. En effet, certaines des capacités évaluées par la M.A.S. sont utilisées dans des activités de vie quotidienne, telles que l’habillage ou l’alimentation.

La M.A.S. informe également sur des capacités sociales et de communication restantes chez la personne, ainsi que sur les niveaux d’aide dont elle peut avoir besoin pour pouvoir répondre positivement à une demande. Les informations obtenues par l’évaluation peuvent donc être directement utiles pour des aidants interagissant au quotidien avec la personne.

Par ailleurs, la M.A.S. fournit des informations sur des programmes d’activités adaptées, essentiellement basés sur la méthode Montessori, auxquels la personne pourrait prendre part. Les activités Montessori peuvent servir de base à des programmes de rééducation ou de réhabilitation d’activités de la vie quotidienne offrant la possibilité d’améliorer l’autonomie. Les informations obtenues à l’évaluation permettraient d’orienter des personnes vers de tels programmes en vue du maintien ou de la récupération de certaines compétences.

Enfin, la M.A.S. évalue également la possibilité pour la personne de bénéficier de l’utilisation de techniques de réhabilitation cognitive, comme par exemple les aides externes, visant à diminuer certaines problématiques rencontrées au quotidien, ce qui, là aussi, peut fournir des informations précieuses pour les professionnels travaillant avec des personnes âgées présentant des troubles cognitifs sévères.

Un outil validé

Les données de l’étude de validation de la M.A.S. ont été recueillies auprès de 196 personnes âgées présentant des troubles cognitifs modérés à sévères et des niveaux de dépendance élevés, vivant en EHPAD.
Elle a démontré d’excellentes qualités psychométriques (cohérence interne, validité concurrente, fidélité inter-juge et fidélité test-restest), confirmant qu’il s’agit d’un outil valide pour l’évaluation dans ce contexte. Son administration a été particulièrement bien acceptée par les sujets de l’étude, y compris ceux présentant des troubles cognitifs sévères, mais également des problématiques comportementales.
Elle présente enfin l’avantage de pouvoir être administrée complètement ou par parties, selon les besoins de l’évaluateur ou de la personne évaluée.

L’intérêt de la méthode Montessori pour les malades d’Alzheimer

Les intérêts de la méthode Montessori adaptée aux personnes âgées présentant des troubles cognitifs ont été étudiés dans un certain nombre de travaux scientifiques à travers le monde. Ils ont mis en évidence :

l’efficacité de la méthode Montessori sur l’amélioration de l’engagement et des affects positifs durant les activités, en comparaison à des activités traditionnelles (voir par exemple Orsulic-Jeras et al., 2001 ; Skrajner et al., 2007)
les effets bénéfiques de cette méthode sur l’autonomie en vie quotidienne (Lin et al., 2010, 2011), les interactions sociales dans les activités (Stevens et Camp, 1996), les problématiques de comportement, notamment une baisse des comportements d’agressivité et d’agitation (Lin et al., 2009 ; Van der Ploeg et al., 2013)
le fait que les activités Montessori étaient plus particulièrement efficaces pour les personnes présentant des troubles cognitifs sévères et des capacités verbales réduites (Van der Ploeg et al., 2013 ; Roberts et al., 2015) et donc sur la qualité de vie des personnes et de leur entourage.

Une étude publiée en 2016, par Dewitt-Hobblit et collaborateurs a évalué au sein de 16 établissements accueillant des personnes présentant une « démence » l’impact d’un programme associant les principes de la méthode Montessori à un programme visant à organiser de manière adaptée des activités tout au long de la journée pour les résidents (le « Memory in Rythm Program »). Les résultats mettent tout d’abord en évidence une réduction marquée de la consommationde psychotropes (neuroleptiques, anxiolytiques, anti-dépresseurs et hypnotiques).

A noter que la consommations d’hypnotiques a baissé en moyenne de 96 % ( !) dans ces établissements, ce qui s’explique aisément par le fait que les résidents étant engagés dans des activités tout au long de la journée, ils n’ont plus besoin d’un traitement pour dormir le soir. De manière intéressante, cette baisse s’accompagne d’une réduction très significative des problématiques de déambulation et d’agitation (respectivement de 85 et 87% en moyenne), confirmant que lorsque les personnes sont engagées dans des activités porteuses de sens, elles ne présentent pas en même temps des comportements problématiques.
Ces bénéfices s’accompagnaient en outre d’une amélioration du sommeil et des résidents et d’une augmentation de leur poids. A noter que plusieurs résidents (en moyenne 10 par établissement) ont récupéré de l’autonomie dans des actes
de bases de la vie quotidienne (alimentation, toilette, habillage, etc.).

Enfin, des bénéfices sur le fonctionnement des institutions furent également observés, notamment une diminution du turn-over des équipes soignantes et une augmentation du taux d’occupation des lits.

Trois études récentes ont montré également une amélioration de la capacité à s’alimenter de manière autonome chez des personnes atteintes de démence vivant en institution, avec un bénéfice sur toutes les mesures nutritionnelles notamment, après avoir appliqué les principes de la Méthode Montessori à cette activité particulière et en utilisant des activités Montessori comme support de rééducation (Lin et al., 2010 ; 2011 ; Wu et al., 2014). A noter que les effets de ces interventions se maintenaient au-delà de 6 mois (Wu et al., 2014).

La vision classique traditionnelle : une maladie La « démence » est vue comme une maladie qu’il faut traiter. Une maladie avec ses déficits, ses troubles et des comportements systématiquement interprétés en fonction de ce diagnostic. Une colère qui signifiera « énervement » chez un individu « normal » sera diagnostiquée « symptôme d’agitation » chez la personne âgée ayant reçu un diagnostic de « démence ».

La vision Montessori de la démence : un handicap

La méthode Montessori représente d’abord une révolution quasiment conceptuelle dans la manière de considérer les personnes âgées atteintes de troubles cognitifs et également dans la manière de les accompagner.

La perception de la personne est changée : avec ses émotions, ses envies, ses moments heureux, ceux plus difficiles, la personne atteinte de « démence » est une personne normale, avec un handicap cognitif qui peut être un trouble du langage, de mémoire, etc... Il ne s’agit plus de voir une maladie qu’il faudrait traiter mais des difficultés qui gênent dans la vie quotidienne (ce qui constitue la définition du handicap selon l’OMS). Et cela change tout en terme de perception et surtout d’accompagnement. Il s’agit alors d’adapter l’environnement de la personne afin de diminuer ses difficultés dans la vie quotidienne, son handicap et lui permettre de continuer à garder une vie digne, qui vaille la peine d’être vécue.

Le respect de la personne

La vision classique traditionnelle : perte d’autonomie

Une fois le diagnostic de « démence » posé, la personne est très fréquemment perçue comme n’étant plus capable de prendre des décisions. Elle perd ainsi le contrôle de sa vie puisque de nombreuses décisions sont prises pour elle, la plupart du temps sans la consulter, au nom de son diagnostic. Ce qui est fréquemment la cause de nombreuses réactions négatives de la personne (opposition, …).

La vision Montessori : donner le choix

L’élément central est de réattribuer à ces personnes le contrôle sur leur vie à travers notamment les notions de choix et de liberté. Comment? En leur redonnant le contrôle sur ce qu’elles vivent, via des choix proposés tout au long du quotidien, en s’appuyant sur leurs capacités. Chaque interaction est en réalité une occasion d’offrir des choix : qu’ont-elles envie de porter comme vêtements, quelles activités souhaitent-elles faire, qu’ont-elles envie de manger,… ? En institution, les peuvent également être impliquées dans les décisions collectives sur la vie de l’institution via des comités de résidents : quelles sorties, quelles fleurs dans le jardin,…

Un exemple : comment faut-il appeler une personne âgée en maison de retraite ?
La réponse traditionnelle : par son nom de famille, c’est une marque de respect.

Chez Montessori : la seule marque de respect est de poser la question à la personne. Pour certains, c’est important d’être appelé par leur prénom. Le vrai respect est celui de leur choix, de leur décision.

L’environnement

La vision classique : la sécurité

Certaines structures ne sont pas systématiquement aménagées pour utiliser toutes les capacités restantes du malade et lui permettre autonomie et indépendance.

La vision Montessori : un allié

Pour que ces personnes présentant un handicap fonctionnent à leur meilleur niveau possible, comme des personnes normales, il faut adapter leur environnement physique et social à leurs capacités. C’est l’enseignement de la méthode Montessori : en effet, une très grande partie des troubles de la personne sont liées à un environnement inadapté qui va générer de la frustration, du stress, et ce que l’on appelle, des « troubles du comportement ». Il faut donc créer un environnement dans lequel ces personnes se sentent bien. Ce qui inclut le mobilier.

Une communauté

La vision classique : une vie commune

Les personnes peuvent se retrouver devant la télévision, dans un salon, au moment des repas mais il y a, en général, peu de suivi sur les activités inter-résidents, en individuel.

La vision Montessori : une appartenance

Le fait d’appartenir à une communauté, d’y avoir un rôle, de partager, empêche l’isolement trop fréquemment associé au grand âge. En leur donnant des activités porteuses de sens, des projets communs dans lesquels ils peuvent s’investir, du lien se crée entre les gens. Une communauté s’organise et chacun peut s’engager dans des projets.

Un exemple : dans un Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), les personnes ont organisé une fête des familles. Toutes ont participé à l’organisation, toutes avaient un rôle à jouer dans la préparation de cette fête, en fonction de leurs capacités : choisir les menus, préparer la décoration, réaliser les invitations, la mise sous enveloppe, l’envoie, l’accueil, le service, le rangement, …

Les capacités préservées

La vision classique traditionnelle : ce qui ne va pas

Les professionnels, les familles sont formatés à se focaliser uniquement sur les troubles sans voir ce qui fonctionne encore.

La vision Montessori : ce qui va

Avec la méthode Montessori, on travaille en partant des capacités de la personne : est ce qu’elle entend, est-ce qu’elle voit, est-ce qu’elle sent, a t-elle le sens du goût ? Sur le plan moteur, peut-elle tenir un objet, se déplacer, verser, mélanger, imiter, … ? Côté social, peut-elle donner son avis, saluer ? Enfin, sur le plan cognitif, sait-elle encore lire, etc… Avec ces informations, le champ des possibles est ouvert !

*Réalisée sous la direction de Jérôme Erkes, en collaboration avec l’Université de Montpellier III.

Pour plus d’informations :

Publications scientifiques

A lire :

Alzheimer, une école de la bienveillance

Ce document a été créé et certifié chez IGS-CP, Charente (16)

« Dans les maladies cognitives que notre société dramatise à l’excès, la bienveillance ne va pas de soi. »

Pendant dix ans Colette Roumanoff a accompagné son époux, Daniel, malade Alzheimer. Jusqu’au bout. Contre vents et marées, elle a observé très attentivement, beaucoup réfléchi et ouvert sa propre voie : celle de la bienveillance.

Car à bien la prendre, cette maladie si redoutée peut devenir une véritable école de bienveillance. Une école sans maître ni devoir, où l’élève est invité à « désapprendre » ce qui empêche le bon sens de se manifester. Mettre au rancart les idées fausses, les préjugés véhiculés par le discours social et médical, les jugements définitifs, les comparaisons inutiles et les reproches injustifiés…

Pour accueillir les autres avec bienveillance, dans le respect des changements qu’ils traversent, avec un esprit ouvert et inventif. Et dire oui à la vie.

À travers des histoires vécues, ce livre propose des conseils, des pistes de réflexion, une exploration de solutions concrètes pour échapper aux pièges et embûches qui entravent le chemin de la bienveillance quotidienne. Il est destiné aux aidants, aux familles, aux soignants, aux écoles d’infirmières, aux institutions médicales.

Pour faire de la bienveillance en action une conquête de chaque jour.

Alzheimer, une école de la bienveillance, Colette Roumanoff – La Martinière, 19,90 euros

Sophie Madoun

 

Vous aimerez aussi :

Maladie d’Alzheimer : le programme ReCODE inverse le déclin cognitif