Journée mondiale Alzheimer : déremboursement des médicaments. Quelles solutions pour une meilleure prise en charge des malades ? réponses du Dr Thierry Bautrant sur l’EHPAD de demain.

A l’heure où les personnels des établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) dénoncent leurs conditions de travail et les conséquences sur les patients ; à l’heure du déremboursement des médicaments anti-Alzheimer, quelles solutions existe-t-il ? Le Dr Thierry Bautrant, médecin psychiatre spécialisé en géronto-psychiatrie, spécialiste des troubles du comportement dans la maladie d’Alzheimer, Directeur d’EHPAD nous livre des pistes de réflexion sur l’EHPAD de demain.

En tant que Directeur d’EHPAD, quels principaux problèmes rencontrez-vous au quotidien ?


De plus en plus de personnes âgées (les plus de 60 ans devraient représenter 28 % de la population en 2025), vivent plus longtemps et mieux. Mais lorsqu’ils viennent en maison de retraite, en moyenne à 85 ans, c’est souvent avec une dépendance physique très forte ou une détérioration cognitive importante. Dans les EHPAD, il y a environ 70% de malades Alzheimer, lesquels présentent, dans environ 96%, des cas des troubles du comportement qui peuvent devenir très invalidants (opposition, fugue, agressivité, agitation, violence verbale ou physique). Les soignants sont en première ligne et subissent ces troubles au quotidien (lors des toilettes matinales, au moment des repas, des changes, du coucher). Ces troubles, qui arrivent souvent de manière très violente, sont la principale cause de l’épuisement du personnel en EHPAD.

 

Comment y remédier ? Quelles solutions mettre en place ?

Doubler le nombre de soignants ? Idéalement il faudrait 60 équivalents temps plein pour 100 patients ! Ce n’est apparemment pas possible, le budget serait trop important pour un tel effectif. Mais il existe déjà d’autres solutions : les Thérapies Non Médicamenteuses Personnalisées, dont les principales sont la réminiscence thérapie (thérapie par le souvenir), la réorientation thérapie (aménagement de l’environnement du patient) ou encore la technique de Montessori(étude des capacités restantes de la personne) et il y en a bien d’autres…Ces thérapies non médicamenteuses sont bienveillantes et bien traitantes envers les malades et surtout dépourvues d’effets secondaires. Elles peuvent simplifier la vie des aidants et des soignants si elles sont personnalisées et adaptées aux troubles du malade. Elles peuvent également retarder l’entrée du malade en institution car elles favorisent le ralentissement de la perte d’autonomie.
 

Quelles sont les bénéfices ?

La baisse de ces troubles du comportement bien sûr (et surtout de l’opposition aux soins), une prescription de psychotropes plus restreinte, une mise en sens du travail des soignants avec une meilleure connaissance du résident (risques psycho-sociaux), une meilleure implication des familles, et un projet de vie individuel respecté. C’est donc une réponse adaptée à un des risques majeurs en EHPAD : les troubles perturbateurs des résidents. Et cela permet aux soignants d’éviter une souffrance au travail. Elles sont l’une des solutions de l’EHPAD de demain, et permettent une meilleure prise en charge des patients dans le cadre du déremboursement des médicaments anti-Alzheimer.
 

Comment mettre ce système en place ?

Ces méthodes ont déjà été développées dans plusieurs EHPAD en PACA, dont le « Le Domaine de la Source » que je dirige à Roquefort La Bédoule, où elles ont démontré leur efficacité : prescriptions médicamenteuses réduites jusqu’à 50%, amélioration des interactions entre les professionnels soignants et les résidents, bien-être et respect de l’intégrité du résident malade. Nous cherchons actuellement avec l’ARS à les généraliser dans tous les établissements en France.
 
L’ARS vient de lancer l’expérimentation sur les PASA de nuit dont vous êtes le pilote, en quoi cela consiste-t-il ?
Il s’agit de mettre en place un environnement et une prise en charge propices au sommeil et au lever du résident, pour diminuer les 3 troubles les plus fréquents la nuit (le cri, l’opposition, la déambulation), favoriser le sommeil et le retour en chambre ; Pour cela, nous renforçons les repères spatiaux temporaux avec variation de la lumière, modulation de la musique, changements d’habits des soignants de nuit, mise en place d’horloges et nous utilisons des TnMP adaptées à chaque situation et au projet personnalisé de chaque résident . C’est une première en France qui a lieu pour le moment dans 21 EHPAD. Ils font l’objet d’une expérimentation qui va durer 2 ans.