C’est un combat qui existe déjà chez les anglo-saxons, le validisme – traduction du mot « ableism » – est le système qui établit une hiérarchie entre les êtres, selon leurs capacités intellectuelles, physiques et affectives. Seuls le corps et l’esprit valides, dotés d’une raison cartésienne et d’une bonne santé, sont socialement reconnus et jugés susceptibles d’agir et de représenter la vie. C’est ce qui donnerait à une existence sa valeur. Le corps, l’esprit invalides sont eux, consciemment ou pas, dévalorisés, déconsidérés voire déclassés. Ce système, nous l’avons tous, qu’on le veuille ou non, intériorisé.

Stop au validisme contre les humains et les animaux!

Le validisme, également appelé capacitisme est un système de valeurs discriminant lié au corps. Il nuit en premier lieu aux personnes handicapées et à toutes celles et ceux qui ne correspondent pas à la norme valide : grand âge, maladies chroniques, dépressions, physiques atypiques, mais aussi timidité extrême, manque de courage par rapport à une norme conquérante…
Le validisme autorise et légitime aussi la maltraitance et l’exploitation industrielle des animaux. C’est parce que l’animal n’est pas doté des mêmes capacités intellectuelles, physiques et affectives que la personne valide que l’être humain justifie sa violence à son égard : gavages, déformations et mutilations pour atteindre une hyper-rentabilité, expérimentation sur les animaux pour l’industrie pharmaceutique, usage de l’animal à des fins touristiques et de divertissement.

Témoignage de Sunaura Taylor contre le validisme

Petite fille, Sunaura Taylor entend des enfants dire qu’elle marche comme un singe, mange comme un chien et que son handicap la fait ressembler à un animal. Elle, qui aime tant les animaux, s’étonne que cette comparaison soit péjorative car, après tout, l’être humain est un animal. Née en 1982 à Tucson en Arizona, Sunaura Taylor est atteinte d’arthrogrypose, une maladie congénitale qui affecte les articulations.
Bien entourée par sa famille pendant toute son enfance, Sunaura Taylor désire ardemment se mettre en lien avec le monde et vivre sa vie. Mais atteinte d’arthrogrypose, une maladie congénitale qui affecte les articulations. Maladie contractée, comme d’autres enfants de son quartier, car sa mère enceinte a été contaminée, en buvant de l’eau du robinet, par les déchets toxiques enterrés dans le sol de la région par l’armée américaine. elle va s’apercevoir que la société est pensée par et pour les bien-portants, les seuls qu’elle valide et légitime.
Qu’est-ce qui nous autorise à déconsidérer certains êtres vivants jusqu’à parfois les déclasser ? Militante de longue date pour la cause animale, Sunaura Taylor montre combien la discrimination envers des personnes non valides procède du même mécanisme social et culturel que la maltraitance et l’exploitation des animaux. Personnes handicapées et animaux sont vus comme des êtres incapables, des fardeaux, dépourvus des facultés qui donneraient sa valeur à l’existence.
Avec ses frères et soeurs, Sunaura Taylor devient végétarienne vers l’âge de 6 ans lorsqu’elle comprend que « viande » signifie « animal ». Elle s’engage alors en famille dans la défense des droits des animaux. Bien des années plus tard, lorsqu’elle peint les poulets qu’elle a vus, entassés dans un camion qui les mène à la mort, Sunaura Taylor comprend l’importance de considérer les animaux d’un point de vue intersectionnel. Tous les corps subissent l’oppression du validisme : son militantisme pour les personnes handicapées rejoint celui pour la cause des animaux.
Voilà comment le combat contre les oppressions vécues par les personnes handicapées et la lutte pour les droits des animaux peuvent se rencontrer dans l’analyse menée par Sunaura Taylor. « J’ai voulu montrer que validisme et spécisme étaient inextricablement liés » annonce ainsi Sunaura Taylor. Le spécisme, explique-t-elle, « c’est croire que les êtres humains sont supérieurs à tous les autres animaux et fermer les yeux sur nos pratiques et notre domination sous prétexte que nous, humains, sommes au-dessus des animaux, tant sur un plan spirituel que biologique. »
En partageant son expérience, nourrie par un corpus de connaissances, Sunaura Taylor signe un premier livre récompensé en 2018 par l’American Book Award et pour la première fois traduit en français. Braves bêtes va marquer l’histoire de la pensée mais aussi ses lecteurs, qui en sortiront transformés et grandis.
« Un livre réjouissant, accessible, parfois hilarant sur la condition humaine, abordée d’une façon tout à fait nouvelle. Ce livre pourrait être très, très important. » Rebecca Solnit, sélectionnée pour le National Book Awards 2018, autrice de Ces hommes qui m’expliquent la vie (Éditions de l’Olivier)
Braves bêtes, Animaux et handicapés, même combat ? Sunaura Taylor – Éditions du Portrait