Chaque année, environ 35 000 personnes en France et 1,24 million de personnes dans le monde sont touchées par les cancers du sang. Des chercheurs ont réalisé une étude prometteuse dans le domaine de l’immunothérapie pour le traitement de ces cancers : la destruction à distance des cellules cancéreuses.

La thérapie par cellules CAR-T a révolutionné le traitement de certaines leucémies et lymphomes en obtenant des résultats remarquables. Cependant, certains patients subissent une rechute, car les cellules cancéreuses parviennent à échapper à cette thérapie. Pour mieux comprendre le fonctionnement de cette approche et obtenir des réponses encore plus efficaces, une équipe multidisciplinaire de chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et de cliniciens de l’AP-HP s’est penchée sur cette question.

Le principe de la thérapie par cellules CAR-T repose sur l’isolement des lymphocytes T du patient, leur modification génétique pour qu’ils ciblent spécifiquement les cellules cancéreuses, et leur multiplication avant d’être réinjectés en grand nombre chez le patient. Cette armée de cellules tueuses CAR-T est composée de lymphocytes T CD4 et CD8, avec des proportions variables d’un patient à l’autre. Alors que l’on sait que les cellules tueuses CD8 doivent entrer en contact direct avec les cellules cancéreuses pour les détruire, le mode d’action des CD4 était moins exploré jusqu’à présent.

Tuer à distance des cellules cancéreuses

En se concentrant sur les cellules CAR-T CD4, l’équipe de recherche a fait une découverte fascinante : leur capacité à tuer des cellules cancéreuses à distance en sécrétant une molécule impliquée dans la réponse immunitaire, l’interféron-gamma (interféron-γ).

Cette nouvelle propriété des cellules CAR-T CD4 offre de nouvelles perspectives dans le traitement des cancers. Elle ouvre la voie à des approches thérapeutiques plus complètes et potentiellement plus efficaces pour lutter contre les rechutes et permettre une meilleure destruction des cellules cancéreuses.

Ces résultats de recherche offrent un espoir concret pour l’amélioration des traitements des cancers et suscitent un intérêt considérable dans la communauté scientifique. Ils ouvrent la voie à de futures études pour exploiter pleinement le potentiel des cellules CAR-T CD4 dans la lutte contre le cancer.

« Pour certains cancers sensibles à l’interféron, ce mode de destruction est très efficace. Nous avons pu constater que, parmi les patients qui ont beaucoup de CD4, ceux qui produisent beaucoup d’interféronmontrent de meilleures réponses au traitement », explique Philippe Bousso, Directeur de l’unité Dynamiques des réponses immunes à l’Institut Pasteur (Inserm 1223) et auteur principal de l’étude.

Comprendre le fonctionnement des cellules tueuses à distance : Une recherche préclinique et clinique approfondie

Afin de dévoiler le mécanisme d’action unique de ces cellules tueuses à distance, les scientifiques ont entrepris une étude approfondie en utilisant des modèles précliniques. Ils ont analysé en détail ce mécanisme en recourant à des techniques d’imagerie in vivo pour observer les interactions cellulaires. Par la suite, ils ont vérifié la pertinence de ces résultats en examinant des échantillons prélevés sur des patients.

En utilisant des modèles précliniques, les chercheurs ont pu étudier et comprendre comment les cellules tueuses à distance agissent pour éliminer les cellules cancéreuses. Grâce à des techniques d’imagerie in vivo, ils ont pu observer ces interactions cellulaires en temps réel, fournissant ainsi des informations cruciales sur le fonctionnement de ces cellules tueuses.

Les résultats obtenus à partir de ces modèles précliniques ont ensuite été confirmés par l’analyse d’échantillons provenant de patients. Cela a permis de vérifier que les mécanismes observés en laboratoire étaient également présents dans un contexte clinique, renforçant ainsi la pertinence de ces découvertes.

Cette approche combinée de recherche préclinique et clinique a permis aux scientifiques de mieux comprendre le mécanisme d’action des cellules tueuses à distance. Ces informations essentielles ouvrent la voie à de nouvelles avancées dans le développement de traitements plus efficaces pour les patients atteints de cancers du sang et peuvent éventuellement être étendues à d’autres types de cancers.

Cette étude nourrit de nouveaux espoirs pour les patients atteints de cancers du sang ayant une réponse non complète à la thérapie par cellules CAR-T et pour les cancers sensibles à l’interféron-γ.

« Cette découverte fournit des pistes d’ajustement des traitements pour éviter l’échappement des cellules cancéreuses au traitement par la thérapie CAR-T. Et elle soulève de nouveaux espoirs thérapeutiques pour les patients avec la possibilité de personnaliser davantage la thérapie, selon la sensibilité des cellules cancéreuses, en activant l’interférongrâce une plus grande quantité de CAR-T CD4, » commente Philippe Bousso.

La meilleure compréhension du fonctionnement des lymphocytes tueurs T CD4 ouvre également de nouvelles perspectives pour étendre l’utilisation de cette thérapie à d’autres types de cancers, notamment les cancers à tumeurs solides qui sont sensibles à l’interféron-γ. Cependant, ces données cliniques prometteuses nécessitent d’être confirmées par des études supplémentaires portant sur d’autres groupes de patients.

Ces travaux de recherche sont soutenus financièrement par les instituts mentionnés précédemment, tels que l’Institut Pasteur, l’Inserm, l’Inca (Institut national du cancer) et le Conseil européen de la recherche. Ces financements témoignent de l’importance accordée à ces études et de l’engagement des institutions à promouvoir la recherche dans le domaine de l’immunothérapie des cancers.

Cette collaboration entre organismes de recherche et institutions de financement contribue à stimuler les avancées scientifiques et cliniques dans la lutte contre le cancer. Elle permet de poursuivre les investigations et d’envisager de nouvelles applications de l’immunothérapie pour un plus grand nombre de patients, ouvrant ainsi des perspectives d’amélioration significative dans le traitement des cancers.

 

Ces résultats sur la destruction à distance des cellules cancéreuses dans les cancers du sang ont été publiés le 29 mai 2023 dans la revue Nature Cancer.

 

Sources destruction à distance cellules cancéreuses pour les cancers du sang :

Tumor-intrinsic sensitivity to the pro-apoptotic effects of IFN-γ is a major determinant of CD4+ CAR T-cell antitumor activity, Nature Cancer, 29 mai 2023

 

Morgane Boulch1, Marine Cazaux1, Alexis Cuffel 2,3, Marion V. Guerin1, Zacarias Garcia1, Ruby Alonso1, Fabrice Lemaître1, Alexander Beer1, Béatrice Corre1, Laurie Menger4, Capucine L. Grandjean1, Florence Morin2, Catherine Thieblemont5, Sophie Caillat-Zucman2,3 & Philippe Bousso1

 

1 Institut Pasteur, Université de Paris Cité, INSERM U1223, Equipe Labellisée Ligue Contre le Cancer, Paris, France.

2 Université de Paris Cité, Hôpital Saint-Louis, AP-HP Nord, Laboratoire d’Immunologie, Paris, France.

3 INSERM UMR976, Institut de Recherche St-Louis, Paris, France.

4 Gustave Roussy, Villejuif, France ; INSERM U1015, Villejuif, France.

5 Service d’Hémato-Oncologie, Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Université de Paris Cité, Paris, France.

 

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