Le documentaire Hold Up, qui a été vu sur les plateformes internet des centaines de milliers de fois au cours des dernier jours, déchaîne les passions. Les médias traditionnels accusent le film de Pierre Barnérias d’être un tissu de fake news alors qu’un grand nombre d’internautes le défendent, accusant ces derniers de complicité avec le NWO (nouvel ordre mondial). Alors, pourquoi le documentaire Hold Up est dangereux? Réponses.

1-L’absence d’enquête sur le protocole Raoult

Le premier constat qui s’impose est le suivant : si les journalistes avaient véritablement fait leur travail sur la question de l’hydroxychloroquine, nous n’en serions sans doute pas là. Car tout part de l’absence d’enquête véritable sur cette question. Pendant des mois, Didier Raoult a occupé l’espace médiatique en expliquant avec une hauteur déconcertante que son traitement donnait des résultats satisfaisants. La lecture de ses publications semble pourtant prouver le contraire. Trois de ses publications controversées datant de la première vague sont disponibles ici, ici et ici. Que montrent-elles ?

La première est en soi un véritable défi à l’entendement. Passons sur le fait que l’essai clinique soit non randomisé et allons tout de suite à l’essentiel. Un groupe de 26 patients a reçu un traitement à base d’hydroxychloroquine et 16 étaient dans le groupe contrôle (« A total of 26 patients received hydroxychloroquine and 16 were control patients »). Or sur ce groupe de 26 patients, 6 patients ont été « perdus » en raison de l’arrêt du traitement (« Six hydroxychloroquine-treated patients were lost in follow-up during the survey because of early cessation of treatment »). Les raisons évoquées sont les suivantes :

  • Trois patients ont été transférés en soins intensifs respectivement 2, 3 et 4 jours après le début du traitement. Premier constat : la prise d’hydroxychloroquine s’est avérée inefficace pour ces trois patients.
  • Un patient est mort lors du troisième jourone patient died on day 3 post inclusion »). Dans son cas, la prise d’hydroxychloroquine s’est donc avérée totalement inefficace.
  • Un patient est parti lors du troisième jour de l’essai.
  • Un patient a décidé d’arrêter le traitement en raison de nausées.

Notons que six patients ont également reçu de l’azithromycine afin d’éviter une surinfection et que cette bi-thérapie est désormais connue sous le nom de protocole Raoult. Les résultats de cette première étude sont donc sans appel : un mort et trois sévères aggravations sur 26 cas, nous sommes loin des chiffres annoncés par Raoult (de l’ordre de 0,7%). Nous avons en effet un taux de létalité de 3,8% (1 patient mort sur 26 ; nous sommes par conséquent au-dessus du taux de létalité mondial qui est de 2,4% et du taux de létalité en France qui est de 2,2%) et un taux d’échec du traitement de 15,3% (4 patients : un mort et trois en soins intensifs) !

Dans la deuxième étude, les mêmes failles sont relevées, avec des arrangements avec le réel qui laissent perplexe. Il y a cette fois-ci un mort sur quatre-vingt patients, ce qui représente tout de même un taux de mortalité de 1,25%, toujours supérieur aux chiffres de l’IHU. Mais au moment de la publication, nous apprenons qu’un patient est toujours en soins intensifs. Ce qui signifie qu’une publication qui se veut de portée mondiale laisse de côté un des patients qu’elle inclue dans l’étude ; on appréciera cette rigueur toute scientifique ! Dans une autre étude publiée le 18 avril, nous apprenons qu’il est finalement décédé. En termes de pourcentage, nous avons donc 2,5% de patients pour lesquels le traitement a été inefficace (un chiffre 3,5 fois supérieur au 0,7% revendiqués par l’IHU).

Dans la troisième étude concernant 1061 patients et datant du 9 avril, les conclusions de Raoult sont une nouvelle fois édifiantes. Dans un premier temps, un taux de létalité de 0,5% est annoncé, ce qui semble impressionnant. Mais il y a un problème de taille, puisque les patients traités ont 43.6 ans d’âge moyen (« Their mean age was 43.6 years old »). A cet âge, on n’est théoriquement pas à risque et il n’y a aucune raison de mourir de la covid. Le taux de létalité très faible de l’IHU n’est donc pas une preuve de l’efficacité du protocole Raoult.

Mais une nouvelle publication datant du 18 avril (dont nous avons déjà parlé) vient compléter cette troisième étude. Nous apprenons ainsi que parallèlement à la troisième étude, 107 autres patients ont été traités avec le protocole HDQ+AZ à l’AP-HM. Parmi eux, 6 sont morts, ce qui représente un taux de létalité de 5.6% (6 other patients (5.6%) died out of 107 patients treated with the same drug regimen at AP-HM apart from IHU), encore une fois à des lieux de l’efficacité proclamée du protocole et très au-dessus du taux de létalité en France et dans le monde !

Une lecture attentive des publications montre donc que les taux de létalité réels calculés à partir des études sont supérieurs au taux de létalité déclaré par l’IHU (0,7%), ce qui est un très grave problème. Si les journalistes étaient passés par la nécessaire étape de lecture de la littérature scientifique de l’équipe de l’IHU, la question de l’hydroxychloroquine aurait été réglée depuis plusieurs mois. N’ayant pas fait ce nécessaire travail, les journalistes ont fait le jeu des conspirationnistes. Notons que l’équipe de Hold Up s’est elle aussi dispensée de tout travail d’investigation scientifique, ce qui est un sérieux manquement puisque le film s’appuie sur la prétendue efficacité du protocole Raoult pour développer sa thèse d’un complot mondial. Un journaliste sérieux pourrait-il demander à Pierre Barnérias s’il a lu les publications scientifiques du prophète marseillais ?

2-Un documentaire potentiellement dangereux pour la santé

Si vous vous demandez pourquoi le documentaire Hold Up est dangereux pour notre santé, voyez donc ceci. Certaines positions défendues dans le documentaire sont assez dangereuses en termes de santé publique puisqu’il y a un parti pris anti masques et certaines déclarations de spécialistes font passer la covid-19 pour une maladie qui n’est pas si grave. Ainsi, même si la cacophonie gouvernementale sur les masques est relevée, le documentaire donne la parole à un médecin qui déclare : « Les médecins qui imposent les masques aux gens qui ne sont pas malades sont des jean-foutre, ce sont des médecins de Molière » ou encore « le masque ne sert à rien quand vous n’êtes pas malade ». Pourquoi ne pas avoir interrogé d’autres médecins qui ont un avis totalement différent sur la question du masque et qui sont très largement majoritaires ? Puisque Pierre Barnérias pense qu’il ne sert à rien, il devrait suggérer aux soignants d’arrêter de le porter en hôpital dans les services de maladies infectieuses…

Quant à la pandémie, on a donc l’impression qu’elle n’est pas si grave. Petit florilège de citations :

« Qui sont les charlatans, pour faire peur avec des courbes faussées par des test dévoyés, pour regretter que la courbe des morts soit toujours aussi plate et dont les soubresauts à l’entrée de l’hiver questionnent sur l’origine réelle des nouveaux décès ».

« Finalement, il est pas dangereux ce virus. Il est un peu plus dangereux que le coronavirus naturel … ce qui est très dangereux, c’est le vaccin qui va en sortir ».

« Le virus était prévu pour tuer, la nature nous a encore sorti d’un mauvais pas« .

Et bien entendu, pour nous persuader de l’innocuité du virus, nous avons droit à l’apologie du modèle suédois. Or, le fait est qu’il n’y a pas de miracle suédois. Tout part de la comparaison du nombre de décès pour 100.000 habitants entre la Suède et la France, respectivement 61,46 pour 100 000 et 63,48. Mais c’est 11 fois plus que la Norvège (5,47/100.000) et 10 fois plus que la Finlande (6.65/100 000) qui ont choisi de confiner. Hold Up oublie aussi de dire que des mesures de distanciation sociale ont été mises en place et que les Suédois sont beaucoup plus rigoureux que les Français dans leur application ! Quant au fait que les pays scandinaves aient été moins touchés que la France, c’est un fait indéniable que les épidémiologistes ne peuvent pas véritablement expliquer. Proposons une analogie : durant l’épidémie de peste noire au Moyen-Age, certaines régions ont été épargnées comme comme Bruges, Milan ou Nuremberg au prix de mesures d’exclusion drastiques. Faut-il pour autant en conclure à l’innocuité du bacille Yersinia Pestis ? Avancer que le virus est peu virulent en raison de l’exception scandinave (et non suédoise) n’a donc aucun sens. Et cela peut mener à une baisse de la vigilance au sein de la population qui peut se traduire par des morts. Les positions défendues par Pierre Barnérias sont donc excessivement discutables, d’autant que la deuxième vague n’a pas du tout été anticipée.

3-L’étude Discovery

Il y a là un exemple frappant de fake news qui n’a pas été révélé par la presse. Pour indiquer que le manque de transparence de l’étude, Hold Up avance le nom du professeur Yazdanpanah, lié à la sulfureuse firme Gilead. Citons ici le documentaire :

« Enfin il aura piloté l’étude Discovery dont on connait la fin. La coûteuse enquête française a dû être annulée, officiellement faute de patients, l’épidémie étant derrière. Officieusement, pour faire barrage à l’hydroxychloroquine qui affichait les meilleurs résultats intermédiaires face au placébo, comme le montre ce croquis« .

Or pour compromettre ce médecin et la portée de l’étude Discovery, l’équipe de Hold Up propose un croquis qui est faux : le voici à partir d’une capture d’écran :

Or le problème est que ce graphique ne vient pas de l’étude Discovery puisque cette dernière ne testait pas l’association azithromycine/hydroxychloroquine (lire ce point d’étape de l’étude ici). Encore un arrangement avec la réalité pour tenter de démontrer l’efficacité de ce médicament controversé. Or nous avons déjà précédemment démontré (comme tant d’autres) l’inefficacité du traitement.

4-La question des experts : Laurent Alexandre et Jacques Attali et Luc Montagnier

Le documentaire cherche ensuite à mettre en avant le fait que le virus a été créé en laboratoire et nous propose une interview de Luc Montagnier qui a reçu le prix Nobel de médecine en 2008 pour ses recherches sur le VIH. Le problème de la médecine, comme de nombreuses sciences, est que ce n’est pas une science exacte et dans le cas de la covid-19, des discours s’opposent alors qu’ils n’ont aucun fondement véritable. Le documentaire commente abondamment l’étude bidon du Lancet qui en est l’exemple parfait. L’étude anglaise Recovery, financée par la Fondation Bill and Melinda Gates aurait également pu être mentionnée, tant elle est de mauvaise facture (ils ont donné des doses d’hydroxychloroquine considérées comme mortelles en France aux patients volontaires pour cette étude). Sur la question du traitement, des discours antagonistes (Lancet/Recovery vs IHU de Marseille) sans valeur s’opposent donc. Il est par conséquent inutile d’accorder une importance démesurée aux déclarations du professeur Montagnier, bien qu’il soit prix Nobel. Rappelons que de nombreux médecins se sont opposés à ses déclarations et en ce qui concerne le prix Nobel, rappelons aussi que son obtention n’est pas gage de probité. De nombreuses personnes ennemies du genre humain l’ont obtenu. Il aurait donc été intéressant d’enquêter véritablement et d’interviewer d’autres médecins qui se sont opposés à Montagnier. Mais la pseudo caution apportée par un Prix Nobel était inespérée et permettait de valider l’hypothèse du complot des élites.

C’est à ce moment-là que le documentaire s’oriente vers Laurent Alexandre et Jacques Attali qui font l’apologie de l’élitisme et parlent d’un gouvernement mondial. Les arguments effraient, c’est le moment où le documentaire semble le plus percutant. Du reste, le point Godwin est atteint à la suite de la vidéo de Laurent Alexandre. Mais si l’on met les choses en perspective, on s’aperçoit qu’il n’y a aucun complot. La confiscation du pouvoir par les élites est en effet un projet lié à la nature même des politiques néolibérales en vogue depuis la première expérience économique de ce type au Chili sous Pinochet à partir de 1973. On ne saurait trop conseiller à Pierre Barnérias de délaisser la paresse intellectuelle qui le caractérise et de se plonger dans l’œuvre de Walter Lippman qui pose les bases du néolibéralisme et qui met en avant la nécessité d’un gouvernement d’experts en raison de la complexité toujours croissante du réel. Aucun complot donc, si ce n’est celui bien connu des technocrates néolibéraux qui confisquent le pouvoir depuis des décennies.

5-L’extrême-droite sort du bois

Mais il y a également d’autres choses graves dans ce documentaire. La présence de Valérie Bugault et Silvano Trotta doit être dénoncée. La première gravite dans les sphères d’extrême-droite et a été proche de Soral puisqu’elle avait accepté d’assurer des formations pour Égalité et Réconciliation, le mouvement d’Alain Soral :

Quant à Silvano Trotta, il n’a jamais caché son admiration pour Donald Trump, et toute la nébuleuse qui l’entoure. Que le documentaire fasse appel à des personnalités liées à l’extrême-droite pour révéler une vérité cachée est donc très discutable. D’autant que le passage sur les nanotechnologies injectées grâce au vaccin contre le coronavirus (commenté par Valérie Bugault) est un désastre de la pensée. Il est effet question du minage de cryptomonnaie via l’activité corporelle, Microsoft ayant en effet déposé un brevet allant dans ce sens en 2018. Or le documentaire laisse penser que le minage de cryptomonnaie est une technologie qui va permettre le supprimer la monnaie fiduciaire. Citons Bugault (à partir de 2:06:15) :

« Comprenez ce que ça veut dire. Donc ça veut dire que déjà ils sont capables de tracer les activités corporelles et ensuite d’affecter la monnaie en fonction du fait… des critères corporels qui auront été prédéterminés pour générer la monnaie. C’est-à-dire que là, on arrive à un contrôle total de l’individu selon lequel, ben… si vous allez à tel endroit qui est interdit, vous n’aurez pas votre affectation monétaire (…), l’affectation monétaire va être robotisée en fonction de critères qui seront déterminées par ces entreprises qui contrôlent les données personnelles, qui circuleront de façon dématérialisée.« 

Doit-on rappeler à Valérie Bugault et à Pierre Barnérias que le minage de la cryptomonnaie équivaut à une opération de création monétaire et n’a donc aucun rapport avec les transactions monétaires courantes ? Quant au minage de cryptomonnaie via l’activité corporelle, cela ressemble pour l’instant à du patent-trolling (une chasse au brevet), et l’ensemble des données générées par ce nouveau type de minage doit se substituer aux ressources de calcul nécessaires aujourd’hui pour miner de la cryptomonnaie, qui sont très énergivores. Mais nous sommes encore très loin de tout cela. Encore une fois, une analyse de bas étage mène à une théorie complotiste assez lamentable.

Résumons rapidement la théorie de Pierre Barnérias : le SARS-CoV2 a été créé en laboratoire dans le but de nous injecter un vaccin qui permettra à l’élite mondiale de nous contrôler. Donc, la question qui se pose est la suivante : qu’est-ce qui peut nous sauver ou qui peut nous sauver ? A partir du moment où Trotta et Burgault apparaissaient dans le documentaire, on sentait l’ombre de QAnon et la réponse est bien évidemment Donald Trump. Barnérias approuve-t-il la solution Trump ? La fin du documentaire est suffisamment ambiguë pour laisser planer le doute. Citons-le :

« Alors que je boucle mon enquête au pied levé, je découvre une lettre du 25 octobre écrite par l’un des représentants du plus grand gouvernement mondial qu’est le Vatican et dont on connait l’influence diplomatique. La lettre est signée par l’ancien ambassadeur du Vatican aux États-Unis. Ses propos me glacent. Le président Trump comme ultime recours face à une élite mondialiste qui agit dans l’ombre. Il est temps que je m’arrête… »

La boucle est bouclée. Le documentaire révèle un complot mondial qui nous mène à la solution Trump, donc à une solution ouvertement fasciste. Le naufrage est absolu. Le documentaire, dont le but était de dessiller les yeux d’une population manipulée, manipule cette même population puisqu’il lui offre en guise de solution, l’instrument de son propre asservissement.

Conclusion

Ce documentaire déchaîne les passions car il souligne la corruption des élites mondiales et l’impéritie du gouvernement. Mais devait-on pour cela en passer par des thèse complotistes qui n’ont aucun fondement ? Assurément, non ! Le manque total de travail d’investigation scientifique de l’équipe de Hold Up est source de sidération. J’ai tenté de montrer quelles étaient les failles du raisonnement de Pierre Barnérias et d’autres journaux comme Le Monde l’ont également fait. Mais ils ont commis l’erreur de ne pas partir de la critique de Raoult et ont omis de relever l’arrière-plan idéologique qui sous-tend le film de Barnérias. Espérons à présent qu’il ne soit pas censuré. Car même s’il est dangereux, sa censure serait un sérieux coup porté à la liberté d’expression dans notre pays.

 

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Source : renversements.fr