La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), avec la collaboration de Santé Publique France publie une étude alarmante : de plus en plus de jeunes femmes et d’adolescentes sont hospitalisées pour tentatives de suicide et d’auto-mutilation. Explications.
Selon l’étude récente de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), le nombre des hospitalisations pour automutilations et tentatives de suicide chez les adolescentes et jeunes femmes âgées de 10 à 24 ans a fortement augmenté depuis 2020. Cette étude révèle également que les adolescentes et jeunes femmes des communes les plus favorisées ont connu une augmentation notable des hospitalisations pour gestes auto-infligés entre 2019 et 2022. En effet, depuis la fin de 2020 . Cette hausse contraste avec la diminution continue des hospitalisations pour les mêmes motifs chez les individus âgés de 30 à 55 ans.
Augmentation des hospitalisations pour tentatives de suicide et auto-mutilations : un phénomène genré qui touche les jeunes femmes et les adolescentes
Les données récentes montrent une augmentation significative des hospitalisations pour auto-mutilation (scarification, coups contre des murs, morsures, brûlures,…) chez les adolescentes et les jeunes femmes. En 2022, 84 527 patients ont été hospitalisés pour ces motifs, dont 64 % étaient des femmes.
En 2022, environ 6 000 enfants de 10 à 14 ans, 16 000 adolescents de 15 à 19 ans et 9 600 jeunes adultes de 20 à 24 ans ont été hospitalisés pour des gestes auto-infligés. Une majorité écrasante de ces cas concerne les filles : dix fois plus chez les plus jeunes, cinq fois plus chez les 15-19 ans, et environ deux fois plus chez les 20-24 ans.
Les jeunes femmes et adolescentes de 10 à 24 ans ont particulièrement été touchées par cette hausse, avec un pic à 527 hospitalisations pour 100 000 habitantes chez les femmes de 15 à 19 ans, contre 33 hospitalisations pour 100 000 chez les garçons du même âge. Les différences de genre dans l’expression de la souffrance psychique sont bien documentées.
En effet, les jeunes femmes expriment souvent leur détresse psychique par des comportements intériorisés, tels que la dépression et les états anxieux, tandis que les jeunes hommes ont tendance à manifester leur mal-être par des comportements externalisés, tels que l’agressivité et les conduites à risque. Cette différence pourrait expliquer pourquoi les hospitalisations pour envie de se suicider et gestes auto-infligés sont plus fréquentes chez les jeunes femmes.
Cette augmentation concerne toutes les régions et tous les niveaux socio-économiques, suggérant un phénomène largement répandu et non limité à des zones spécifiques ou des groupes socio-économiques particuliers.
Facteurs socio-économiques et territoriaux
En 2022, parmi les 84 527 patients hospitalisés pour automutilation et tentatives de suicides, les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS) étaient surreprésentés, représentant un quart des patients hospitalisés pour ce motif, contre 11 % de l’ensemble des personnes ayant consommé des soins en 2022. Les taux d’hospitalisation pour automutilation sont plus élevés dans les communes défavorisées, avec un taux de 260 hospitalisations pour 100 000 habitants dans la Somme contre 30 pour 100 000 en Guadeloupe.
L’Ile-de-France très touchée par les tentatives de suicide chez les jeunes
Modes opératoires de l’automutilation
Les modes opératoires des automutilations les plus courants sont l’intoxication médicamenteuse volontaire, suivie des lésions par objet tranchant. Les hospitalisations pour automutilation chez les adolescentes et les jeunes femmes concernent tous les niveaux de gravité et types de gestes. C’est ainsi que les auto-intoxications médicamenteuses volontaires représentent près des trois quarts des hospitalisations, suivies des lésions par objet tranchant comme les couteaux. En psychiatrie, la hausse des hospitalisations est particulièrement marquée, avec une augmentation de 246 % pour les filles de 10 à 14 ans et de 163 % pour les adolescentes de 15 à 19 ans entre 2020 et 2022.
Depuis 2020, la hausse des hospitalisations concerne l’ensemble des niveaux socio-économiques, tous les modes opératoires et niveaux de gravité, suggérant que cette tendance ne résulte pas seulement d’une modification des pratiques de codage statistique dans les CHU et urgences psychiatriques des hôpitaux.
Causes et facteurs des auto-mutilations et tentatives de suicide chez les jeunes femmes et les adolescentes
Impact de la pandémie de COVID-19 sur la santé mentale des jeunes
La pandémie de COVID-19 a eu un impact significatif sur la santé mentale des jeunes. Les mesures de confinement, la fermeture des écoles et la réduction des interactions sociales ont exacerbé les sentiments d’isolement et de détresse psychologique. Des études ont montré une augmentation des syndromes anxio-dépressifs et des pensées suicidaires chez les jeunes femmes pendant la pandémie. Par exemple, une enquête de Santé publique France a révélé que 31 % des jeunes femmes et adolescentes de 15 à 24 ans ont montré des idées suicidaires accompagnés de troubles psychiques avec des symptômes dépressifs et anxieux en 2021, contre 21 % en 2019. Cette enquête met en lumière l’impact psychologique de la crise sanitaire sur cette population vulnérable.
Pression sociale et évolution des normes culturelles chez les adolescentes
Les adolescentes et jeunes femmes sont particulièrement vulnérables aux pressions sociales et aux attentes culturelles. L’impact des réseaux sociaux, la quête de l’image corporelle parfaite et les attentes académiques et professionnelles peuvent contribuer à une détresse psychologique accrue. Une étude menée par l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) a trouvé une corrélation entre l’utilisation intensive des réseaux sociaux et une augmentation des comportements auto-destructeurs chez les jeunes femmes et chez les adolescentes.
Inégalités socio-économiques
Les données montrent une corrélation entre le niveau socio-économique et les hospitalisations pour gestes auto-infligés. Les jeunes femmes issues de milieux défavorisés sont surreprésentées parmi les patientes hospitalisées pour ces motifs. L’accès limité aux soins de santé mentale, les conditions de vie précaires et le stress économique peuvent exacerber les comportements auto-destructeurs. En 2022, le taux d’hospitalisation pour gestes auto-infligés chez les femmes des communes les plus défavorisées était 2,2 fois supérieur à celui des femmes des communes les plus favorisées.