Une étude* démontre des liens particulièrement étroits entre dépression résistante et syndrome métabolique. Explications.

Entre augmentation du risque de syndrome métabolique et diminution de l’efficacité des antidépresseurs, ces résultats plaident pour un diagnostic systématique des patients afin de prévenir l’apparition de maladies cardiovasculaires et améliorer leur prise en charge psychiatrique.

Les données de la littérature internationale ont amplement démontré la forte prévalence des troubles cardio-métaboliques chez les personnes présentant un trouble psychiatrique. Certaines études suggèrent, en outre, que les maladies cardiovasculaires, l’obésité ou le diabète sont associés à une réponse clinique médiocre au traitement antidépresseur.

Après des travaux ayant étudié la prévalence du syndrome métabolique parmi les personnes présentant un trouble bipolaire ou une schizophrénie, les chercheurs ont conduit la première étude française sur les personnes atteintes de dépression résistante.

Entre 2012 et 2018, 205 individus atteints de troubles dépressifs majeurs présentant des symptômes modérés à sévères et une résistance au traitement, ont été recrutés suite à leurs consultations dans les 13 Centres Experts FondaMental dépression résistante. C’est ainsi, que les chercheurs ont découverts le lien entre dépression résistante et syndrome métabolique.

Qu’est-ce que la dépression résistante ?

Malgré les progrès de la pharmacothérapie, environ 30% des individus atteints de trouble dépressif majeur ne s’améliorent pas, et près de la moitié ne répondent que partiellement au traitement. La dépression résistante au traitement est actuellement définie par l’échec d’au moins deux séquences de traitements antidépresseurs bien conduits.

38% des personnes atteintes de dépression résistante aux traitements répondaient aux critères du syndrome métabolique

Au sein de cet échantillon, la fréquence du syndrome métabolique était significativement plus élevée chez les hommes que chez les femmes, et augmentait progressivement avec l’âge, surtout après 40 ans (46,3% contre 35,2%). En moyenne, 38% des patients dépressifs étaient atteints de syndrome métabolique, soit près de 4 fois plus que la prévalence observée en population générale (10%).

Le syndrome métabolique est défini comme étant la présence de 3 facteurs de risque de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires sur les 5 suivants :  hypertension, glycémie élevée (glucose sanguin), embonpoint abdominal, faible taux de bon cholestérol, taux élevé de triglycérides (type de gras) sanguin. L’ensemble de ces désordres métaboliques augmente considérablement le risque de diabète de type 2, de maladies cardiaques et d’accident vasculaire cérébral (AVC).

Pour Ophélia Godin, épidémiologiste au sein de la Fondation FondaMental, ces résultats sont intéressants et dénotent d’une différence marquée entre les pathologies. Nos résultats dans les troubles bipolaires et la schizophrénie montraient une prévalence du syndrome métabolique chez les patients respectivement de 20% et de 24%. Dans le cas de la dépression résistante, nous sommes bien au-dessus, même dans la classe d’âge des moins de 40 ans où la prévalence était de 30%. »

On sait qu’un mode de vie délétère (mauvaise alimentation, sédentarité, tabagisme, addiction aux drogues et à l’alcool), les effets secondaires de certains médicaments psychotropes peuvent expliquer la prévalence plus élevée d’anomalies métaboliques chez les patients déprimés.

Un déficit criant de prise en charge des problèmes métaboliques

Pour la première fois, cette étude a également mis en lumière l’insuffisance de traitement des facteurs de risque cardiovasculaires chez ces individus. Seulement 29% des individus hypertendus et 15% des individus souffrant de dyslipidémies étaient traités. Seule la prise en charge des individus diabétiques était relativement bonne (89%).

L’évaluation, le diagnostic et le traitement systématiquement du SM sont encore trop sous-estimés au cours de la prise en charge des patients souffrant de DRT.

Des soins intégrés associant les psychiatres, les médecins généralistes et les spécialistes sont nécessaires pour prévenir l’aggravation de la dépression et du risque cardiovasculaire.

Étant donné les risques élevés de mortalité et de morbidité liés aux maladies cardio-vasculaires dans cette population, une surveillance étroite et systématique du SM, et d’une manière globale de l’ensemble des facteurs de risque cardio-vasculaires (antécédents familiaux, tabac, addiction…) est nécessaire pour améliorer la prise en charge globale de ces patients.

Par ailleurs, des travaux ont suggéré que la dépression et les maladies cardio-métaboliques partageraient un certain nombre de mécanismes biologiques et génétiques communs dont :

  • la perturbation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien,
  • un dysfonctionnement du système nerveux autonome et des anomalies immuno-inflammatoires (en particulier l’augmentation de la CRP, un marqueur de l’inflammation),
  • vasculaires,
  • intestinales (au niveau des bactéries de l’intestin).

Pour le Pr Bruno Aouizerate, Université de Bordeaux, et le Dr Djamila Bennabi, CHU de Besançon, « ces résultats sont riches d’enseignement et ouvrent des perspectives d’exploration pour mieux comprendre les mécanismes de la résistance au traitement dans la dépression. »

Godin O, et al. Prevalence of Metabolic Syndrome and Associated Factors in a Cohort of Individuals With Treatment-Resistant Depression: Results From the FACE-DR Study. J Clin Psychiatry. 2019 Oct 15

 

*Étude réalisée par les Centres Experts FondaMental