Pour comprendre le syndrome de l’intestin irritable il faut déjà savoir qu’entre 10 à 20% des populations occidentales1 en souffrent. Mais c’est quoi et comment en être soulager? Réponses.

Le syndrome de l’intestin irritable, c’est quoi?

Pour comprendre le syndrome de l’intestin irritable il faut tout d’abord savoir que c’est une pathologie essentiellement colique c’est à dire avec de fortes douleurs abdominales, le syndrome de l’intestin irritable ou SII s’exprime chez les patients par une diversité de symptômes :

  • ballonnements,
  • diarrhée,
  • constipation
  • ou alternance des deux…

La physiopathologie du SII, complexe et multifactorielle, est de plus en plus détaillée. De nouveaux mécanismes impliqués dans cette pathologie ont été mis en avant ces dernières années : l’hypersensibilité viscérale, une micro-inflammation tissulaire et une implication de l’axe cerveau-intestin. D’ailleurs, les derniers critères diagnostiques (Rome IV2 en 2016) définissent le syndrome de l’intestin irritable comme étant caractérisé par une douleur abdominale récurrente (au moins une fois par semaine, durant les trois derniers mois), associée à au moins deux des critères suivants :

  • En lien avec la défécation
  • Une modification de la fréquence des selles
  • Une modification de la consistance des selles

Au cœur du syndrome de l’intestin irritable : la perturbation de l’écosystème intestinal

L’intestin est bien plus qu’un simple organe de transit des aliments. Outre son rôle essentiel dans la digestion et l’assimilation des nutriments, il est extrêmement impliqué dans l’activité du système immunitaire puisqu’il héberge 70 à 80% de cellules immunitaires 7.

Pour fonctionner correctement, l’écosystème intestinal est composé de 3 acteurs principaux :

Le système immunitaire intestinal : qui assure la défense de l’organisme face aux pathogènes et gère la tolérance des aliments

Le microbiote : impliqué dans la digestion, la protection de l’organisme contre les bactéries « ennemies » et le renforcement du système immunitaires.

L’épithélium intestinal : qui couvre la paroi du tube digestif et représente une immense surface d’échanges. C’est la plus grande surface de contact et d’échanges chez l’homme.6

Pourtant, certains facteurs liés aux modes de vie peuvent grandement perturber cette harmonie et malmener cet écosystème intestinal en provoquant un déséquilibre. Il peut entrainer de nombreux troubles digestifs et être responsable d’un SII. Aujourd’hui, la survenue des symptômes de SII après une gastro-entérite aigüe est bien établie. En effet, un épisode infectieux de cette envergure provoque un bouleversement plus ou moins intense de l’écosystème intestinal. Affaibli et appauvri de ses bonnes bactéries, il ne peut plus empêcher la croissance de certains organismes pathogènes dans l’organisme.

D’autre part, une mauvaise alimentation, le stress ou encore la prise de médicaments (antibiotiques, AINS…) sont également de grands perturbateurs de l’écosystème intestinal car ils vont appauvrir le microbiote, altérer la muqueuse et perturber le système immunitaire. Cela peut provoquer une dysbiose (déséquilibre de la flore intestinale) ou encore une hyperperméabilité intestinale pouvant accentuer la douleur ainsi que les troubles du transit.

La douleur dans le SSI

Au sein du système intestinal, on trouve le système nerveux entérique (SNE). C’est la partie du système nerveux autonome qui contrôle le système digestif. Le SNE est constitué d’environ 500 millions de neurones distribués le long du tube digestif. Souvent appelé « deuxième cerveau » en raison du nombre important de neurones qu’il contient, le SNE régule les fonctions intestinales (motricité digestive, circulation sanguine…) et contrôle la barrière épithéliale intestinale. Le système nerveux entérique entretient des relations étroites avec le système immunitaire puisque le système digestif concentre 70 à 80 % de celui-ci.

Le système nerveux entérique est connecté au système nerveux central notamment via le nerf vague, qui joue un rôle primordial dans la régulation végétative (digestion, fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, etc.). Le nerf vague permet une communication permanente entre le cerveau et le système digestif. Cette communication est permise grâce à une vingtaine de neurotransmetteurs initialement présents dans le cerveau (sérotonine, glutamate..). D’ailleurs, 95% de la sérotonine est produite par les cellules de l’intestin qui va ensuite agir sur le cerveau. On peut dire que c’est également grâce à ce système que nos émotions arrivent jusqu’à notre ventre et peuvent impacter le système digestif. « Avoir des papillons dans le ventre », « avoir l’estomac noué avant un examen », « digérer une information » : sont autant d’exemples qui illustrent ce lien évident entre le cerveau et l’intestin.

L’hypersensibilité viscérale

En cas de SII, la perturbation du microbiote module la communication de l’axe intestin-cerveau. Cette multitude de messages est mal identifiée par le cerveau qui les perçoit comme un danger et renvoie une réponse non adaptée au système digestif (diarrhée, douleur…), contribuant ainsi à l’aggravation du déséquilibre de l’écosystème intestinal.

Ces réponses inadaptées sont susceptibles d’influencer ou d’interférer avec la perception centrale de la douleur et de contribuer au phénomène de l’hypersensibilité viscérale très présent chez les malades de SII8.

Les influences du microbiote sur la sensibilité viscérale ont été démontrées sur des souris par l’apparition d’une hypersensibilité viscérale après transplantation de microbiote de patients atteint de SII9.

L’impact de la douleur sur le quotidien de la personne

En raison de sa chronicité et du degré de douleur qu’il engendre, le SII impacte fortement la qualité de vie des malades que ce soit au niveau social,

professionnel ou encore émotionnel. En effet, les crises de douleurs et de diarrhée présentent un caractère imprévisible qui pèsent au quotidien : absentéisme au travail en cas de crise, renoncement à des sorties ou loisirs, altération de la vie sexuelle (2/3 femmes et 1/2 homme, étude 2016 de l’APSSII ou Association des Patients Souffrants du Syndrome de l’Intestin Irritable)… L’état émotionnel de ces patients s’en retrouve également impacté. D’après une étude de l’APSSII de 2013, les patients atteints de SII sont plus à risques de dépression et de troubles anxieux par rapport à la population générale. D’ailleurs, selon un article de la revue Hépato-Gastro et Oncologie Digestive, cette altération de la qualité de vie est aussi importante que celle notée au cours du diabète insulinodépendant ou de l’insuffisance rénale chronique10.

Pourtant, les conséquences psychologiques du SII sont souvent mal appréhendées par le corps médical qui privilégie le traitement des symptômes au détriment de l’état émotionnel engendré par la chronicité de la douleur et des troubles digestifs.. D’ailleurs, le stress peut influencer la douleur et les troubles du transit car il perturbe l’écosystème intestinal notamment le microbiote.

Les solutions pour soulager le syndrome de l’intestin irritable

En raison de la diversité des symptômes du SII, il est difficile d’offrir aux patients une prise en charge type. Les symptômes aigus de ce syndrome sont traités par des solutions efficaces et ponctuelles : anti-diarrhéiques pour les personnes ayant des diarrhées, laxatifs pour soulager la constipation, antispasmodiques pour diminuer la douleur ou encore antidépresseurs lorsque l’apparition du SII est dû à l’état émotionnel de l’individu. Cependant, ces traitements ne vont s’intéresser qu’à une partie des symptômes et n’agissent pas sur la cause du SII.

  1. Une alimentation adaptée

L’importance de l’alimentation dans le SII n’est plus démontrer. En effet, en raison de son impact direct sur la sphère digestive, une bonne alimentation est le premier levier pour enrayer la maladie. Ces dernières années, une amélioration des symptômes du SII chez les patients ayant suivi un régime appauvri en Fodmaps11-12 a permis de dresser un modèle d’alimentation type pour notamment éviter la fermentation et les ballonnements.

Laurence Benedetti, médecin nutritionniste nous explique  le rôle de l’alimentation dans le syndrome de l’intestin irritable : « Pour les patients atteints du syndrome de l’intestin irritable, l’alimentation est un levier essentiel pour réduire les symptômes. Une alimentation adaptée comme le propose le modèle d’épargne digestive peut permettre le ré-équilibrage du microbiote et une diminution des douleurs abdominales et des ballonnements. Ce modèle alimentaire est à suivre au moins pendant 3 mois, la totalité de la muqueuse intestinale représentant une surface est de 300m² soit l’équivalent d’un terrain de tennis. Il est nécessaire de remplace les crudités par des cuidités, en évitant les légumes riches en fibres qui favorisent la fermentation comme le chou, l’oignon, les topinambours, etc. Les légumineuses peuvent être consommées avec prudence ou si elles sont très cuites sous forme de soupe ou de purée. On préférera les fruits très murs ou cuits en papillote, au four ou en compote.

Du côté des céréales, on évitera le complet : pain, pâtes, riz complets. On misera sur les alternatives au blé moderne : sarrazin, quinoa, millet, maïs,… On limitera l’apport de lactose et on privilégiera les aliments à base de soja, de coco… On s’abstiendra de consommer des cafés serrés et des alcools forts. »

Quels sont les bénéfices pour les patients ayant suivi ce modèle ? Estil à adopter toute la vie ?

Un syndrome de l’intestin irritable, c’est comme un volcan, on peut l’endormir mais on ne l’éteint jamais vraiment. Ce modèle alimentaire permet une diminution significative des douleurs, des ballonnements et des gaz, et l’espacement des crises. Mais pour une efficacité optimale, ce modèle alimentaire doit être associé à la prise de probiotiques adaptés et à un travail sur la gestion du stress. On sait aujourd’hui l’implication importante du stress dans le syndrome de l’intestin irritable. A plus long terme, le patient pourra réintégrer progressivement des aliments en fonction de leur tolérance individuelle. »

Le pouvoir des probiotiques

D’autre part, avec l’étude de plus en plus large du microbiote intestinal, il peut être intéressant de miser sur les probiotiques pour agir sur la dysbiose liée au SII.

Les probiotiques sont des micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont consommés en quantité adéquates, produisent un bénéfice pour la santé de l’hôte6. Dans le cas d’un SII, les probiotiques peuvent agir directement sur l’écosystème intestinal qui est perturbé dans cette pathologie.

De nombreuses études ont démontré l’efficacité des probiotiques dans la prise en charge du SII. En 2008, une étude réalisée sur 4 semaines a montré que l’administration d’un mélange de probiotiques a entrainé une diminution significative de la douleur abdominale entre la première et la dernière semaine de traitement chez les patients. Mais ce n’est pas tout, une augmentation de la fréquence des selles chez les patients souffrant de SII avec constipation prédominante a également été remarquée dès la première semaine de traitement par probiotiques13.

Cependant, comme nous l’avons vu précédemment, il existe de nombreux profils de SII avec des besoins de souches différentes en fonction du niveau de l’inflammation de la muqueuse intestinale. Pourtant, il existe bien un point commun entre les différents profils de SII : la douleur liée à l’hypersensibilité viscérale.

 

Références

  • Bennet SMP, et al. Gut microbiota as potential orchestrators of irritable bowel syndrome. Gut Liver. 2015;23;9:318-31.
  • Drossman DA. Functional Gastrointestinal Disorders: History, Pathophysiology, Clinical Features, and Rome IV. Gastroenterology, 19 Feb 2016.
  • https://www.badgut.org/centre-information/sujets-de-a-a-z/de-rome-iii-rome-iv-changements-dans-le-diagnostic-du-sii/?lang=fr
  • La revue des microbiotes- octobre 2016- numéro 6
  • Microbiote la révolution intestinale, dossier de presse INRA, 2017
  • Prise en charge nutritionnelle des hyperperméabilité intestinales – Institut Européen de Diététique et Micronutrition (IEDM)
  • https://lejournal.cnrs.fr/nos-blogs/aux-frontieres-du-cerveau/limage-de-la-semaine-le-ventre-notre-deuxieme-cerveau
  • Carabotti M, et al. The gut-brain axis: interactions between enteric microbiota, central and enteric nervous systems. Ann Gastroenterol. 2015;28:203-9.
  • Crouzet I, et al. The hypersensitivity to colonic distension of IBS patients can be transferred to rats through their fecal microbiota. Neurogastroenterol Motil. 2013;25:272-82.
  • http://www.jle.com/download/hpg-299040-quel_est_limpact_du_syndrome_de_lintestin_irritable_ sur_la_qualite_de_vie_des_patients_–W5fGbX8AAQEAAEzaml8AAAAR-a.pdf
  • Halmos EP, et al. A Diet Low in FODMAPs Reduces Symptoms of Irritable Bowel Syndrome. Gastroenterology. 2014;146:67-75.e5.
  • Staudacher HM, et al. Mechanisms and efficacy of dietary FODMAP restriction in IBS. Nat Rev Gastroenterol Hepatol. 2014;11:256-66.
  • Drouault-Holowacz S, et al. A double blind randomized controlled trial of a probiotic combination in
  • patients with irritable bowel syndrome. Gastroenterol Clin Biol. 2008;32:147-52
  • Beaufrand C. et Lactobacillus gasseri LA 806 suppresses visceral hypersensitivity and gut barrier disruption induced by chronic stress in rats.