La cryoablation percutanée, une avancée révolutionnaire dans le traitement de l’endométriose pariétale est une forme méconnue mais douloureuse de la maladie. Grâce à cette technique de radiologie interventionnelle mini-invasive, les nodules peuvent être gelés, offrant une guérison rapide et durable. Explications.

L’endométriose est un problème de santé publique, synonyme de douleurs invalidantes lors de chaque cycle menstruel. Grâce à la mobilisation des associations de patientes et du corps médical, cette maladie a enfin été reconnue comme telle, avec le lancement en 2022 d’une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose. Cependant, en attendant que cette stratégie produise des résultats, environ trois millions de femmes en France continuent de souffrir de cette maladie chaque mois, pendant plusieurs jours voire des années.

L’endométriose pariétale : une forme rare et méconnue de la maladie

L’endométriose pariétale, une forme moins connue et décrite de la maladie, est la plus fréquente des atteintes extra-pelviennes, touchant la paroi abdominale. Les cellules de l’endomètre se nichent dans le tissu musculaire de l’abdomen, formant des nodules de taille variable. Bien que cette forme soit cliniquement moins fréquente et superficielle par rapport à l’endométriose pelvienne, elle peut sérieusement altérer la qualité de vie des patientes. Les nodules deviennent sensibles au toucher en permanence et provoquent des douleurs insupportables à chaque retour des règles. L’errance diagnostique moyenne pour cette forme d’endométriose est de sept ans, voire plus.

L’endométriose pariétale semble être liée à des antécédents de chirurgie abdomino-pelvienne, notamment la césarienne. Les études ont montré que cette forme de la maladie apparaît généralement près d’une cicatrice, dans les deux années suivant l’intervention chirurgicale. La dissémination de cellules d’endomètre en dehors de l’utérus lors de l’intervention est la supposition la plus logique pour expliquer l’origine de l’endométriose pariétale.

Comment diagnostiquer l’endométriose paritale ?

Le diagnostic de cette forme d’endométriose peut être établi lorsque les patientes palpent elles-mêmes un nodule douloureux, souvent situé dans un pli inguinal ou près du nombril. Cependant, de nombreux cas restent sous-diagnostiqués ou diagnostiqués tardivement. Une fois le diagnostic posé, le traitement de l’endométriose pariétale peut être envisagé.

 

« En pratique, l’examen clinique suffit, à 95 %, pour poser avec quasi-certitude le diagnostic d’endométriose pariétale, assez rapide dès lors que l’on se trouve face à ces trois signes : cyclicité des douleurs, présence d’une cicatrice et de nodules à la palpation » explique le Dr Host,, chirurgienne gynécologue au centre expert EndoAlsace.

Ces petits nodules, bien qu’étant superficiels et de taille réduite, peuvent avoir un impact significatif sur la qualité de vie. Ils se forment généralement dans des plis inguinaux ou près du nombril. En raison de leur sensibilité constante au toucher, ils deviennent extrêmement douloureux lors de chaque retour des règles. Lorsque les patientes les palpent pendant une consultation à ce moment-là.

« Les patientes en sautent au plafond » résume le Dr Host , « à chaque cycle, sous l’influence des hormones, les nodules forment de petites poches de sang, localisées dans la paroi extérieure du muscle, qui ne se laisse pas distendre facilement. »

Cette hypertrophie hémorragique cyclique, qui provoque une inflammation locale récurrente, devient une source de problèmes. Malheureusement, le sang accumulé ne peut pas s’évacuer, ce qui entraîne progressivement la formation d’une fibrose cicatricielle autour du nodule. Ce processus conduit à la création d’une sorte de coque autour du nodule, aggravant ainsi la situation.

Une origine post opératoire ?

Bien que les douleurs soient aussi intenses que celles de l’endométriose pelvienne, l’origine de cette forme spécifique de la maladie semble plus claire. Des études de cas et des revues d’études ont montré que l’endométriose pariétale se manifeste principalement près d’une cicatrice, généralement dans les deux années suivant une intervention chirurgicale abdomino-pelvienne telle qu’une chirurgie gynécologique, une coelioscopie ou plus fréquemment, une césarienne. Le risque d’endométriose pariétale est ainsi associé à des antécédents de chirurgie utérine ou pelvienne. Le Pr Afshin Gangi, chef du service de radiologie interventionnelle au CHRU de Strasbourg et pionnier du traitement de l’endométriose pariétale par cryoablation en Europe, précise que le risque après une hystérectomie est estimé à 2 %, tandis qu’il est de 4 sur 1000 après une césarienne. En l’absence d’autres explications physiopathologiques à ce jour, il est logiquement supposé que la dissémination des cellules de l’endomètre est directement liée à l’intervention chirurgicale, qui les implante en dehors de l’utérus. Lors d’une césarienne, par exemple, le bébé lui-même peut contribuer à leur dissémination. L’histoire chirurgicale des patientes souffrant de douleurs est donc un critère essentiel que les médecins ne doivent pas négliger lors du diagnostic.

Cryoablation de l’endométriose pariétale : éliminer les nodules par le froid

Au lieu de recourir à la chirurgie traditionnelle, l’utilisation de traitements thermiques (chaud ou froid) pour éliminer une masse tissulaire envahissante est l’une des spécialités de la radiologie interventionnelle. Cette discipline, émergée à la fin des années 2000, est en plein essor aujourd’hui. Réalisée par des radiologues, elle permet d’accéder à l’intérieur du corps à des fins diagnostiques ou thérapeutiques en utilisant des techniques d’imagerie telles que l’échographie, la radiographie, le scanner, l’IRM ou la fluoroscopie. Les cathéters peuvent être introduits par voie endovasculaire ou naturelle, et les aiguilles peuvent être utilisées par voie transcutanée. La radiologie interventionnelle s’est d’abord développée pour des procédures endovasculaires (déblocage ou occlusion de vaisseaux sanguins) ainsi que dans le domaine de l’oncologie. Son développement dans ce contexte faisait partie des priorités du plan cancer 2014-2019.

La cryothérapie, qui consiste à cibler les masses en les congelant à des températures inférieures à -40 degrés Celsius, faisant éclater les cellules, est principalement utilisée pour l’ablation de tumeurs inaccessibles par voie chirurgicale ou lorsque la chirurgie est déconseillée. Selon le Pr Afshin Gangi, cette méthode a d’abord été adoptée pour traiter les récidives de cancers de la prostate et les tumeurs rénales, car l’ablation de ces dernières nécessite une grande précision étant donné que le rein ne se régénère pas. La cryothérapie peut également cibler une métastase isolée dans les os ou à la base du crâne. L’avantage du traitement thermique par le froid est que la zone de destruction tumorale, transformée en glaçon, est très visible à l’IRM, ce qui permet un ciblage précis tout au long de l’intervention.

L’idée d’appliquer la cryoablation des nodules pariétaux a pris forme à Strasbourg en 2017.

Une technique avancée : la cryoablation, devenue le traitement de référence

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d’endométriose pariétale du muscle grand droit. Coupe sagittale passant par l’aiguille de cryoablation en place avant (à gauche) puis après hydrodissection (à droite)
L’hydrodissection a permis d’éloigner l’anse grêle (flèche) située initialement à proximité immédiate du bout de l’aiguille en place. Le glaçon (croix jaune, en cours de formation sur l’image de droite), ne sera ainsi pas en contact avec l’anse grêle et le traitement peut se faire en toute sécurité.

Au CHRU de Strasbourg, la cryothérapie percutanée est devenue progressivement le traitement de référence au cours des quatre dernières années. Selon les recommandations, cette intervention n’est normalement envisagée qu’en deuxième intention, après l’échec du traitement hormonal. Cependant, les gynécologues proposent désormais systématiquement cette option aux patientes et réfèrent systématiquement les cas d’endométriose pariétale éligibles à un traitement par cryothérapie aux équipes de radiologie interventionnelle. Le critère essentiel de sélection est la douleur ressentie par les patientes, indépendamment de la taille des nodules, précise le Dr Host. La cryoablation n’est contre-indiquée que dans de rares cas, selon le Pr Gangi : lorsque le nodule d’endométriose pariétale envahit la peau ou chez les patientes sous traitement anticoagulant, où l’arrêt d’un éventuel saignement ne serait pas possible.

Une intervention courte réalisée en ambulatoire

Lorsque cela est possible, la cryoablation percutanée présente l’avantage de pouvoir être réalisée en ambulatoire. L’intervention a lieu dans une salle équipée de radiologie interventionnelle. Généralement effectuée sous anesthésie locale, elle dure environ une heure, la majeure partie du temps étant consacrée aux préparatifs avant l’ablation proprement dite. L’IRM réalisée préalablement permet déjà de localiser précisément le nodule et de mesurer ses contours. Le jour de l’intervention, le radiologue insère sous contrôle échographique une ou plusieurs fines aiguilles de cryothérapie, en fonction de la taille du nodule, à travers la peau de l’abdomen préalablement anesthésiée. Ensuite, les structures adjacentes telles que la peau, le tube digestif, les nerfs, etc., sont protégées en injectant un sérum physiologique contrasté ou un gaz (CO2) pour les éloigner du nodule et du risque de congélation, explique le Dr Luigi Cazzato, onco-radiologue au CHRU de Strasbourg. L’opération consiste alors à faire circuler un gaz réfrigérant non toxique dans les deux ou trois aiguilles de cryothérapie, au cœur du nodule, afin de détruire les cellules.

L’intervention est guidée en temps réel par une IRM ou un scanner, sans injection de produit de contraste. Contrairement à l’échographie, ces techniques d’imagerie permettent de visualiser et de contrôler directement la congélation du nodule.

Une fois le nodule entièrement transformé en glaçon, avec une petite marge autour pour s’assurer qu’aucune cellule d’endomètre ne reste et que la pathologie n’a aucune chance de revenir, « les pointes des aiguilles sont légèrement réchauffées pour pouvoir les retirer », ajoute le Dr Cazzato. La patiente reste sous observation pendant quelques heures dans le service avant de rentrer chez elle.

Une guérison rapide et peu de complications

Les séquelles post-opératoires sont non seulement légères, mais limitées, souligne le Dr Cazzato.

« Les patientes sont prévenues à l’issue de l’intervention : la cryoablation peut provoquer une réaction inflammatoire physiologique : un œdème local, qui peut parfois descendre vers le pli de l’aine et les organes génitaux. Le cas échéant il est soulagé par la prise d’anti-inflammatoires de type ibuprofène, et se résorbe en quelques jours. »

Les cellules d’endomètre détruites par la cryoablation ne peuvent plus réagir aux hormones, ce qui permet d’observer une amélioration de l’endométriose pariétale dès le cycle menstruel suivant.

Un très faible taux de récidive

Bien que cela ne fasse que quatre ans que la cryoablation de l’endométriose pariétale existe, des études menées indépendamment confirment la sécurité de la procédure2. Les experts pionniers de Strasbourg estiment que les données sont déjà suffisamment solides à ce stade.

« Lorsque les patientes passent le cap des 6-12 mois sans douleurs cycliques, il est peu probable que la maladie rechute, explique le Dr Cazzato. Dès lors que la cryoablation a complètement détruit le volume lésionnel, sans laisser de résidu de cellules, et en l’absence de petite lésion satellite qui n’aurait pas été vue lors du diagnostic, il n’y a aucune raison que le résultat de l’intervention ne soit pas garanti.  Et sans que les patientes aient besoin de poursuivre de traitement hormonal. »

« Le taux de récidive se révèle globalement inférieur à 5 % et l’on s’est encore nettement améliorés en faisant aujourd’hui des marges de 1-2 mm autour des nodules » souligne le Pr Gangi.

À la lumière de ces résultats, le spécialiste estime que la cryoablation transcutanée devrait devenir le traitement privilégié de l’endométriose pariétale en cas d’échec des traitements hormonaux. Son utilisation s’est déjà répandue au-delà de Strasbourg. Une dizaine de centres hospitaliers français, dotés de plateaux techniques de radiologie interventionnelle, proposent déjà cette option aux patientes éligibles.

« La technique nécessite bien sûr un peu d’apprentissage, convient le Dr Cazzato. Mais pour un radio-oncologue déjà formé aux techniques de thermoablation, dont la cryoablation, le geste n’est pas très compliqué à acquérir.

Il reste encore à sensibiliser les médecins qui rencontrent des femmes souffrant de douleurs et qui posent un diagnostic d’endométriose pariétale. Pour y parvenir, l’équipe de Strasbourg prévoit de publier prochainement ses recherches dans une revue spécialisée en gynécologie, afin de partager ces connaissances avec la communauté médicale.

 

Sources :

1 Percutaneous cryoablation of abdominal wall endometriosis: the Mayo Clinic approach, Welch et al. Abdom Radiol (NY) 2020 Caesarean section greatly increases risk of scar endometriosis, Nominato NS, Prates LF, Lauar I, Morais J, Maia L, Geber S. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2010;152(1):83-5.

Abdominal wall endometriosis: a surgeon’s perspective and review of 445 cases, Horton JD, Dezee KJ, Ahnfeldt EP, Wagner M.. Am J Surg. 2008;196(2):207-12.

 

2. Feasibility and safety of percutaneous image-guided cryoablation of abdominal wall endometriosis, Katherine A Smith, Brian T Welch, A Nicholas Kurup et Abdom Radiol (NY) 2022 Aug;47(8):2669-2673.

 

 

CHRU de Strasbourg