Lorsque nous mettons en œuvre des processu!s cognitifs complexes, par exemple lors de la prise de décisions, nous sommes soumis à des biais cognitifs. Mais qu’en est-il de processus plus simples comme ceux impliqués dans les apprentissages les plus élémentaires ? Certains biais cognitifs contamineraient nos mécanismes mentaux les plus simples.

Les biais cognitifs, tels que les biais d’optimisme et de confirmation, sont connus pour influencer nos croyances et nos décisions. Jusqu’à récemment, on supposait qu’ils étaient spécifiques aux processus cognitifs dits de « haut niveau », c’est-à-dire qui sont mis en œuvre lorsque que l’on raisonne sur des propositions complexes et incertaines. Par exemple il est bien connu que les gens surestiment les probabilités des évènements désirables (la France gagne la coupe du monde) et sous-estiment celles des évènements indésirables (un mariage se termine en divorce).

Dans une étude publiée dans la revue scientifique Trends in Cognitive Sciences, Stefano Palminteri, chercheur Inserm au Laboratoire de neurosciences cognitives et computationnelles de l’ENS-PSL et de l’Inserm et Maël Lebreton, chercheur à l’Ecole d’Economie de Paris, remettent en cause cette conception de l’implication des :.

Les chercheurs se sont appuyés sur l’ensemble des données existantes dans la littérature scientifique sur l’apprentissage dit « par renforcement ». Il s’agit d’un processus cognitif élémentaire d’apprentissage par récompenses et punitions, que l’humain partage avec de nombreux animaux. Il ressort de cette revue de littérature que des tests très simples d’apprentissage par renforcement, permettent de mettre en évidence des signatures comportementales propres aux biais d’optimisme et de confirmation chez les personnes qui y sont soumises. Ces biais apparaissent comme beaucoup plus répandus qu’estimé jusqu’à aujourd’hui, et sont présents même dans les processus cognitifs les plus simples comme celui d’apprendre à prendre une bonne décision par essaie et erreur (récompense et punition).

De plus, ces biais ne semblent pas exclusifs à l’être humain : les signatures comportementales apparaissent également dans des tests similaires chez l’animal. Cela suggère que ces biais auraient émergé dans l’évolution chez un ancêtre commun, bien avant l’apparition de Homo sapiens, ce qui soulève la question de savoir pourquoi l’évolution a sélectionné et maintenu ce qui peut être perçu, à première vue, comme des processus pouvant générer des comportements apparemment irrationnels.

Stefano Palminteri et Maël Lebreton pensent avoir identifié une partie de la réponse à cette question à travers les résultats d’études basées sur des simulations informatiques. Ces études ont comparé les performances d’algorithmes d’apprentissage par renforcement – certains algorithmes intégrant des biais d’optimisme et de confirmation et d’autres n’en intégrant pas. Ces simulations montrent que la présence d’un biais de confirmation dans l’algorithme lui permet en fait un apprentissage plus efficace dans une large gamme de situations. Ces biais pourraient donc, en réalité, favoriser la survie, ce qui expliquerait pourquoi ils n’ont pas été corrigés au cours de l’évolution.

L’article ouvre la voie à de nouvelles pistes de recherche qui permettraient d’affiner notre compréhension des biais et processus cognitifs liés à l’apprentissage par renforcement. Les chercheurs proposent notamment d’explorer le rôle de ces biais dans l’apparition et le maintien d’états pathologiques, tels que l’addiction ou la dépression. Sur un autre registre, ces résultats suggèrent que l’ajout de ces biais dans des algorithmes d’intelligence artificielle pourrait, paradoxalement, améliorer leurs performances.

Pour comprendre les biais cognitifs

Déjouez les manipulations de votre cerveau !

Juste avant de partir au travail, vous croisez votre voisin qui passe devant vous sans vous dire bonjour. D’emblée, vous pensez qu’il vous en veut et recherchez toutes les raisons possibles. En réalité, il n’était juste pas bien réveillé et ne vous a pas vu… Mais votre cerveau a décidé pour vous de noircir le tableau. Voilà un exemple de « biais cognitif ».

Vous aimeriez pouvoir être rationnel mais l’humain que vous êtes n’en est pas capable. Tout simplement parce que votre cerveau est soumis à de multiples biais. Ces distorsions mentales du traitement des informations affectent votre quotidien. Elles faussent de manière systématique votre appréciation de vous-même et des autres, mais aussi votre compréhension des événements, du monde et de ses enjeux. Ainsi, votre cerveau vous trompe ; pas tout le temps, mais très souvent et, parfois, durablement.

Les biais cognitifs sont d’autant plus pernicieux et « dangereux » qu’ils ne sont pas conscients, qu’ils opèrent dans l’ombre. Mettez-les en lumière, et ils perdent alors de leur force de nuisance ! C’est la voie sur laquelle ce livre vous guide pas à pas, pour libérer vos idées.

Dans les coulisses de votre cerveau, Gilles Azzopardi – Eyrolles, 17,90 euros

 Sources :

The computational roots of positivity and confirmation biases in reinforcement-learning

Stefano Palminteri(1,2,3) and Maël Lebreton(4,5,6)

(1) Laboratoire de Neurosciences Cognitives et Computationnelles, Institut National de la Santé et Recherche Médicale, Paris, France
(2) Département d’études cognitives, Ecole Normale Supérieure, Paris, France
(3) Université de Recherche Paris Sciences et Lettres
(4) Paris School of Economics, Paris, France
(5) LabNIC, Department of Fundamental Neurosciences, University of Geneva, Geneva, Swiss
(6) Swiss Center for Affective Science, Geneva, Swiss

 

Trend in Cognitive Sciences : https://doi.org/10.1016/j.tics.2022.04.005

 

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