L’UNICEF rapporte que 67 millions d’enfants ont manqué des vaccins en trois ans à cause de la pandémie de COVID-19, des systèmes de santé surchargés, du manque de ressources, des conflits et de la perte de confiance envers la vaccination. Que faire contre cette chute de vaccination infantile ? Réponses.

La pandémie de COVID-19 a entraîné une baisse de la confiance envers la vaccination infantile dans 52 des 55 pays étudiés, selon un rapport de l’UNICEF intitulé « Situation des enfants dans le monde 2023 : Pour chaque enfant, des vaccins » paru le 20 avril 2023. La France a connu une chute de plus de 11 %, tandis que la République de Corée, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Ghana, le Sénégal et le Japon ont enregistré une diminution de plus de 33 %. Seuls la Chine, l’Inde et le Mexique ont maintenu ou amélioré la perception de l’importance des vaccins.

En France, les jeunes de moins de 35 ans et les femmes étaient davantage susceptibles de remettre en question l’importance de la vaccination des enfants après le début de la pandémie. Il est nécessaire d’analyser davantage de données pour déterminer si cette tendance perdure. Malgré ces baisses, la vaccination bénéficie encore d’un soutien important, avec plus de 80 % des répondants dans près de la moitié des 55 pays considérant qu’il est crucial de vacciner les enfants, et 74,6 % en France.

Le rapport souligne toutefois le danger d’une accentuation de la réticence à la vaccination en raison de facteurs tels que l’incertitude face à la réponse à la pandémie, la propagation de fausses informations, la perte de confiance envers les experts et la polarisation politique.

« Au plus fort de la pandémie, les scientifiques ont su développer rapidement des vaccins qui ont permis de sauver d’innombrables vies. Malgré ce succès historique, la crainte et la désinformation autour de la vaccination en général se sont pourtant propagées à aussi grande échelle que le virus lui-même », explique Catherine Russell, directrice générale de l’UNICEF. « Ces données sont un signal d’alerte préoccupant. La confiance à l’égard de la vaccination de routine ne doit pas compter elle aussi parmi les victimes de la pandémie, sous peine de voir prochainement un grand nombre d’enfants succomber à la rougeole, à la diphtérie ou à d’autres maladies évitables. »

Un inquiétant recul dans la confiance s’observe dans le contexte du plus important déclin continu des vaccinations infantiles en 30 ans, provoqué par la pandémie de COVID-19. Cette dernière a entraîné la suspension des services de vaccination dans presque tous les pays, principalement en raison de la pression exercée sur les systèmes de santé, de la réaffectation des ressources pour la vaccination contre la COVID-19, du manque de personnel soignant et des mesures de confinement.

Le rapport publié aujourd’hui exprime sa préoccupation quant au trop grand nombre d’enfants – 67 millions au total – qui n’ont pas été vaccinés entre 2019 et 2021, entraînant une baisse des taux de couverture vaccinale dans 112 pays. En France, le nombre d’enfants concernés entre 2019 et 2021 s’élève à 82 000. Les enfants nés peu avant ou pendant la pandémie auront bientôt dépassé l’âge habituel de vaccination : il est donc d’autant plus urgent de rattraper les retards pour prévenir des flambées épidémiques de maladies mortelles.

Chute de la vaccination infantile

En 2022, par exemple, le nombre de cas de rougeole a plus que doublé à l’échelle mondiale par rapport à l’année précédente, et le nombre d’enfants paralysés après avoir contracté la poliomyélite a augmenté de 16% sur la même période. Entre 2019 et 2021, ce chiffre a été multiplié par huit par rapport à la période précédente de trois ans – une situation qui souligne la nécessité d’intensifier durablement les efforts de vaccination.

La pandémie a également aggravé les inégalités existantes. La vaccination reste indisponible, inaccessible ou inabordable pour de nombreux enfants, en particulier ceux issus des communautés les plus marginalisées – une population déjà difficile à atteindre avant la pandémie – dans un monde où les taux de vaccination stagnent depuis près de dix ans.

Sur les 67 millions d’enfants dans le monde qui n’ont pas reçu tous leurs vaccins de routine entre 2019 et 2021, 48 millions n’en ont reçu aucun – ce sont des enfants « zéro dose ». En France, le nombre d’enfants « zéro dose » est estimé à 21 000 sur la même période. Fin 2021, l’Inde et le Nigéria (deux pays avec une forte natalité) comptaient le plus grand nombre d’enfants zéro dose, tandis qu’au Myanmar et aux Philippines, leur nombre a augmenté de manière significative.

Les enfants non vaccinés vivent dans les communautés les plus pauvres, les plus isolées et les plus marginalisées, parfois dans des pays en conflit. Selon les nouvelles données du rapport de l‘International Center for Equity in Health, 1 enfant sur 5 au sein des ménages les plus pauvres n’a reçu aucun vaccin, contre 1 sur 20 dans les ménages les plus riches. Souvent, les enfants non vaccinés vivent dans des communautés difficiles d’accès et naissent de mères ayant un faible niveau d’éducation.

Afin de vacciner tous les enfants, il est crucial de consolider les soins de santé primaires et d’apporter les ressources et le soutien nécessaires au personnel de première ligne, majoritairement composé de femmes. Le rapport indique que les femmes, actrices majeures de la vaccination, rencontrent des obstacles tels que des salaires insuffisants, l’emploi informel, le manque de formations formelles et d’opportunités de progression, sans parler des menaces à leur sécurité.

Pour remédier à cette crise de survie infantile, l’UNICEF exhorte les gouvernements à augmenter leurs investissements en faveur de la vaccination et à collaborer avec les parties concernées pour libérer les ressources disponibles, y compris les fonds restants alloués à la lutte contre la COVID-19, afin de mettre en place rapidement des campagnes de rattrapage et d’intensifier la vaccination pour protéger les enfants et prévenir les flambées épidémiques.

Le rapport demande aux gouvernements de :

· Identifier et atteindre de manière urgente tous les enfants, en particulier ceux qui n’ont pas reçu l’ensemble de leurs vaccins pendant la pandémie de COVID-19 ;

· Stimuler la demande de vaccins, notamment en établissant un climat de confiance ;

· Donner la priorité aux financements pour les services de vaccination et les soins de santé primaires ;

· Construire des systèmes de santé résistants en investissant dans les professionnelles de santé, l’innovation et la production locale.

« Les vaccins ont sauvé des millions de vies et protégé des communautés tout entières contre des maladies mortelles », a précisé Catherine Russell. « Nous savons trop bien que les maladies ne s’arrêtent pas aux frontières. La vaccination de routine et la robustesse des systèmes de santé sont nos meilleurs atouts pour éviter de futures pandémies, à l’origine de décès et de souffrances inutiles. L’heure est venue de tirer parti des ressources restées à disposition à l’issue des campagnes de vaccination contre la COVID-19 afin d’investir dans le renforcement des services de vaccination et dans la mise en œuvre de systèmes pérennes, pour chaque enfant. »

 

UNICEF