Nous sommes tous familiers avec l’acte de sentir notre pouls pour vérifier notre rythme cardiaque. Ce phénomène résulte de la propagation d’une onde générée par l’expansion des artères sous l’afflux sanguin émanant du cœur. Des scientifiques viennent de faire une découverte étonnante sur le pouls. Explications.

Depuis 1820, l’onde de pouls a été largement utilisée dans notre quotidien pour mesurer la fréquence cardiaque des athlètes, évaluer l’état de santé des artères ou encore diagnostiquer l’état de conscience d’une personne. Elle est causée par la dilatation de la paroi artérielle due au flux sanguin résultant des contractions cardiaques, se propageant ondulatoirement à travers tout le corps.

Une découverte étonnante sur le pouls

Une équipe de chercheurs internationaux, dirigée par Stefan Catheline, chercheur à l’Inserm au sein du Laboratoire des applications thérapeutiques des ultrasons (Inserm/Université Claude Bernard Lyon 1/Centre Léon Bérard), vient de faire une découverte étonnante. Ils ont démontré qu’en réalité, il n’y a pas une seule onde de pouls, mais deux. En plus de l’onde principale, bien connue et palpable au niveau de la carotide ou du poignet, une seconde onde, plus discrète mais facilement observable par échographie, existe : l' »onde de flexion ». Cette dernière n’avait jamais été décrite jusqu’à présent.

La découverte d’une onde

C’est par pur hasard que l’équipe de Stefan Catheline a fait cette fascinante découverte. Spécialisés dans les ondes et les thérapies par ultrasons, ils ont été sollicités pour tester une nouvelle technologie révolutionnaire d’analyse de la rétine : l’holographie laser Doppler. Cette technique consiste à capturer des images de l’organe à une vitesse extrêmement élevée et avec une résolution fine afin d’observer en détail ce qui s’y déroule, notamment le mouvement des artères. Les chercheurs à l’origine de cet outil souhaitaient déterminer s’il était possible de mesurer la vitesse de propagation de l’onde de pouls dans la rétine. L’équipe de Stefan Catheline a non seulement réussi à mesurer cette onde – qui se propage à environ un mètre par seconde – mais a également détecté un second signal ondulatoire près de mille fois plus lent.

« Pour visualiser cela il faut s’imaginer un serpent qui a avalé une proie qui glisse le long du tube digestif, et qui s’en va en même temps en ondulant », explique Stefan Catheline.

C’est grâce aux principes de la physique fondamentale sur la propagation des ondes dans les tubes que les scientifiques ont pu mieux comprendre ce phénomène. Le long des artères, les deux types d’ondes observées se propagent en réalité de deux manières distinctes sous l’effet de l’écoulement sanguin. La première est symétrique par rapport à l’axe central du vaisseau et correspond à la dilatation des parois artérielles avec une augmentation de leur diamètre. La seconde est asymétrique et résulte d’une torsion du tube de manière sinusoïdale.

À la suite de cette percée scientifique, l’équipe de chercheurs a entrepris de nouvelles mesures du pouls en utilisant l’échographie (ultrasons) le long de l’artère carotide chez des individus. Les résultats ont confirmé avec succès la présence des deux ondes identifiées précédemment.

« Il nous a fallu moins d’un après-midi pour confirmer le résultat. Cette seconde onde, appelée “onde de flexion”, est présente sur tous les enregistrements et n’est pas difficile à observer. Si elle n’avait jamais été décrite, c’est tout simplement parce qu’elle n’était pas recherchée », ajoute Stefan Catheline.

A quoi va service cette découverte scientifique sur le pouls ?

L’onde de pouls principale est largement utilisée en médecine comme un indicateur clé de la santé cardiovasculaire d’un individu. Sa vitesse de propagation est étroitement liée à l’état des parois artérielles : plus elles sont souples et jeunes, plus la vitesse de propagation est lente, et inversement, elle augmente avec le vieillissement. En effet, des artères rigides constituent un facteur de risque pour les problèmes cardiovasculaires. Cependant, en raison de la grande rapidité de propagation de cette onde, il est nécessaire de la mesurer sur plusieurs centimètres pour obtenir une valeur fiable et précise.

« Avec l’onde de flexion que nous décrivons ici, dont la vitesse lente va d’un dixième à un millième de mètre par seconde selon le diamètre de l’artère, il est plus facile d’étudier le signal sur des fragments très courts et avec d’autres types d’appareil que l’échographie, en particulier la radiographie et l’IRM, explique Stefan Catheline. Un millimètre suffit pour obtenir une valeur précise permettant par exemple d’évaluer l’état des artères dans la rétine », précise-t-il.

Le chercheur identifie un autre avantage potentiel de l’utilisation de cette onde de flexion en milieu clinique : alors que l’onde de pouls principale n’est plus détectable dans les veines en raison de leur éloignement du cœur, cette onde de flexion continue à se propager à travers elles. Cela pourrait fournir des informations sur la rigidité de la paroi veineuse. Cependant, le chercheur souligne qu’il sera nécessaire de mener des études sur des sujets humains afin de corréler la vitesse de propagation de cette onde avec l’élasticité de la paroi veineuse, tout comme cela a été réalisé précédemment pour l’onde principale de dilatation. De telles recherches permettraient de transformer cette découverte en un outil clinique fiable et précieux.