Le dépistage précoce du cancer du sein est essentiel pour améliorer les chances de guérison. Pourtant, le taux de participation à ce dépistage est en baisse constante. Mais qu’est-ce qui retient les femmes de se faire dépister ? Quels sont les obstacles au dépistage du cancer sein ?

En France, le cancer du sein chez la femme est le plus répandu, touchant environ 62.000 individus chaque année. Pourtant, malgré les risques, une fraction non négligeable de la population hésite encore à passer le cap du dépistage (dépistage qui a lieu tous les deux ans chez un radiologue). Un récent sondage de la Ligue contre le cancer révèle que 12% des femmes entre 50 et 74 ans, la catégorie la plus susceptible de développer ce type de cancer, confessent n’avoir jamais réalisé de dépistage. Cela équivaut à plus d’un million de femmes sur le territoire français. Mais alors quels sont les obstacles au dépistage du dépistage du cancer du sein ?

La baisse du taux de dépistage du cancer du sein : quels sont les obstacles et raisons

Préoccupé par la baisse alarmante du taux de participation à la campagne de dépistage du cancer du sein, la Ligue contre le cancer prend des mesures. Une enquête menée en août 2023 a permis de confirmer les principaux obstacles au dépistage du cancer du sein signalés par les comités départementaux, acteurs essentiels sur le terrain. À l’occasion d’Octobre rose, la Ligue contre le cancer lance un important programme de dépistage invitant les femmes à surveiller attentivement la santé de leurs seins.

1 femme sur 3 ne se fait pas dépister

Suite à une commande de la Ligue contre le cancer, une enquête d’OpinionWay[1] apporte des informations supplémentaires aux chiffres de Santé Publique France, qui montrent une diminution continue depuis 10 ans de la participation aux campagnes de dépistage du cancer du sein. En 2022, seulement 44,9 % des femmes âgées de 50 à 74 ans ont pris part à la campagne nationale de dépistage. Ce chiffre place malheureusement la France en bas du classement européen, loin derrière des pays tels que le Danemark ou la Finlande, où le taux de participation dépasse les 80 %.

Cette étude d’OpinionWay a principalement permis d’identifier les raisons avancées par les femmes ne participant pas au dépistage.

L’Institut national du cancer recommande néanmoins aux femmes dès l’âge de 25 ans de se faire examiner les seins (observation et palpation surtout si elles ont des antécédents familiaux) chaque année par un professionnel de santé (médecin généraliste, gynécologue, sage-femme). Il est aussi demandé aux femmes de pratiquer régulièrement un auto-examen de leurs seins pour s’assurer de l’absence d’anomalies telles que des masses, des ganglions ou des écoulements du mamelon (ainsi qu’un examen clinique entre le dépistage réalisé par son médecin-traitant ou son gynécologue). Bien que moins fréquents, 6 % de l’ensemble des cas (soit 38 459 cas par an) de cancers du sein chez les femmes de moins de 50 ans sont souvent très agressifs en raison de la forte imprégnation des seins par les œstrogènes.

« Lorsque le cancer du sein est détecté tôt, neuf femmes sur dix s’en remettent. La clé réside dans un diagnostic précoce possible uniquement grâce au dépistage. Je peux affirmer sans équivoque que cette surveillance minutieuse m’a sauvé la vie. J’ai conçu le podcast « My Boob story », le journal optimiste de mon cancer du sein, pour témoigner de la réalité d’un tel trajet et pour que mon expérience puisse aider d’autres femmes ou leurs accompagnateurs. » témoigne Sophie Hoffmann, journaliste et auteure du podcast « My Boob story ».

La peur du diagnostic

34% d’entre elles justifient leur abstention par l’absence de symptômes. Toutefois, la Ligue contre le cancer conteste cette raison.

« Le dépistage s’adresse justement aux personnes qui ne se plaignent de rien, pour trouver une maladie débutante avant que les signaux n’apparaissent« , explique Emmanuel Ricard, porte-parole de la Ligue.

« L’intérêt du dépistage, c’est d’arriver avant les symptômes. Quand on a des symptômes, comme une boule qu’on peut palper, ça veut dire qu’elle fait au moins 2 cm pour être palpable. Quand on fait une radiographie, on trouve des tumeurs qui font 0,5 cm. Plus les tumeurs sont petites, moins les gestes chirurgicaux seront importants, moins les séquelles seront importantes, et donc les traitements moins toxiques et plus faciles à supporter. »

Lorsque des symptômes se manifestent, la crainte est que la tumeur cancéreuse progresse, non seulement localement, mais aussi en s’étendant au-delà du sein, via des ganglions envahis ou la formation de métastases. C’est pourquoi il est essentiel de commencer le dépistage du cancer du sein au plus tôt, dès 50 ans. En effet, 80% des cancers du sein sont diagnostiqués après cet âge, ce qui en fait l’âge idéal pour initier la démarche de dépistage à celles qui y sont invitées afin de voir toute anomalie éventuelle.

A savoir :

Les mammographies pratiquées chez les femmes de 50 ans et plus présentent une sensibilité d’environ 90% pour identifier le cancer, et non une perfection à 100%. Il est essentiel d’informer les patientes à ce sujet. La performance de ces mammographies peut fluctuer selon des facteurs tels que l’âge de la femme, la densité de ses seins, l’utilisation ou non d’une hormonothérapie substitutive, ainsi que le savoir-faire du radiologiste. De plus, la présence de prothèses mammaires peut diminuer la précision de cet examen.

Les obstacles au dépistage du cancer du sein : le sur-diagnostique et le sur-traitement

Il arrive qu’un cancer diagnostiqué et traité n’aurait pas montré de progression significative. Selon les données scientifiques actuelles, il est difficile de différencier les cancers qui vont progresser – constituant la majorité – de ceux qui auront une évolution minimale ou sans conséquence pour la patiente (10 à 20% des cas détectés). C’est ainsi que la proportion de ces petites tumeurs (moins de 2 cm) a bondi de 36% à 68% (appelées stade précoce), tandis que les tumeurs plus volumineuses (plus de 2 cm) ont chuté de 64% à 32%.

Cependant, cette évolution semble liée, en partie, à la détection accrue des petits cancers (qui pourraient être bénins et disparaitre au bout de quelque temps) sans une réduction concomitante des tumeurs plus grandes. Ainsi, certains scientifiques estiment que la baisse de la mortalité par cancer du sein serait largement due non au dépistage, mais à l’efficacité croissante des traitements des tumeurs importantes. Ces experts avancent également l’idée que la réduction de mortalité associée aux tumeurs de petite taille proviendrait de la mise en évidence accrue des « sur-diagnostiquées », plutôt que du dépistage précoce.

Dans les situations où un cancer du sein est détecté uniquement grâce à une mammographie (accompagné ou pas d’une échographie et parfois d’une IRM), le dit-cancer n’aurait pas été autrement découvert. On parle alors de « sur-diagnostic ». Par mesure de prudence, les médecins  traitent tous les cancers identifiés, ce qui peut mener à un “sur-traitement”. Les scientifiques s’efforcent désormais de repérer les cancers qui évoluent lentement afin de suggérer des approches thérapeutiques appropriées.

Les « faux positifs »

L’incidence des faux positifs lors des mammographies de dépistage est si élevée dans certains systèmes de santé qu’elle devient une préoccupation majeure pour de nombreuses patientes. Cela engendre non seulement des coûts importants pour le système de santé, mais aussi une sollicitation accrue du temps des professionnels pour des suivis et des examens complémentaires. Cette situation peut potentiellement restreindre l’accès aux soins pour les femmes ayant véritablement un cancer.

Une étude américaine* remet en cause l’idée qu’un programme de dépistage du cancer du sein réduirait la mortalité de ce cancer de 25 %. Cependant, il est intéressant de remarquer qu’aux États-Unis, depuis la mise en place d’un tel programme, les cas avancés de cancer du sein ont diminué de 27 % depuis 1975. Selon une autre étude américaine**, cette réduction est en grande partie due aux mammographies, représentant entre 28 et 65 % de cette baisse, le reste étant lié aux progrès des traitements.

Il est donc essentiel de contextualiser le dépistage de certains cancers en considérant l’efficacité grandissante des données, comme le nombre total de vies épargnées, le nombre nécessaire pour sauver une vie (NNS), le taux de faux positifs et les coûts y afférant, ainsi que le coût par vie sauvée grâce au dépistage.

Une campagne pour encourager les femmes à prendre en main la santé de leurs seins

cancer-du-sein-quels-sont-les-obstacles-au-depistageSuite à ces découvertes, la Ligue contre le cancer présente cette année une campagne audacieuse et originale, car le cancer du sein reste le cancer le plus courant chez les femmes[2].

La campagne interpelle toutes les femmes avec un message puissant et positif : « Énormes, petits, galbés : vos seins sont parfaits, tant qu’ils sont en bonne santé ». Elle s’adresse aussi à l’entourage des patientes, car le fardeau des aidants[3] des femmes atteintes de cancer du sein est souvent sous-estimé. L’appel à l’action qui accompagne ce message encourage toutes les femmes à effectuer un suivi régulier et, dès 50 ans, à se faire dépister, dépistage pris en charge à 100% par l’Assurance-Maladie. La Ligue contre le cancer souhaite encourager les femmes à surmonter les complexes qu’elles peuvent avoir vis-à-vis de leur poitrine, souvent alimentés par des normes esthétiques contradictoires.

La campagne débutera le 1er octobre 2023 et ambitionne de toucher toutes les femmes, partout en France. La Ligue contre le cancer, forte de ses 103 comités départementaux, organisera de nombreuses actions de mobilisation dans tout le pays. La Ligue contre le cancer est active sur de nombreux fronts[4].

Informer, prévenir et mobiliser les politiques publiques dans les régions

Afin d’éviter les obstacles au dépistage du cancer du sein, La Ligue contre le cancer estime qu’il est urgent de mieux informer et soutenir les femmes, notamment dans les populations vulnérables et les « déserts médicaux ». Plusieurs propositions sont faites, notamment :

  • Faciliter le recours à des professionnels de santé complémentaires, comme les sage-femmes,
  • Améliorer l’accessibilité géographique avec le développement des mammobus (centres de mammographie mobiles),
  • Simplifier le parcours patient avec des projets tels que le « diagnostic en un jour »,
  • Promouvoir les dépistages au niveau local afin de détecter les éventuelles cellules cancéreuses,
  • Reconsidérer les critères d’éligibilité pour le dépistage organisé, étant donné que les cancers du sein chez les femmes de moins de 50 ans et plus de 75 ans représentent environ 42 % de l’ensemble des cas chez les femmes.

Soutenir la recherche de manière continue

En matière de recherche, la Ligue contre le cancer, principal bailleur de fonds associatif dans la recherche sur le cancer, finance tous les aspects de la recherche sur le cancer du sein. En 2022, la Ligue a soutenu 91 projets de recherche pour un montant total de 4,42 millions d’euros.

Quelles son les avancées dans la lutte contre le cancer du sein ?

  • Une nouvelle approche thérapeutique basée sur les technologies ARN pour traiter les cancers du sein agressifs (type Luminal B),
  • Un essai clinique pour évaluer la capacité du Mammobile (unité de radiologie mobile) à réduire les inégalités territoriales du dépistage organisé du cancer du sein,
  • Identification d’un marqueur prédictif pour identifier les patientes qui pourraient bénéficier du tamoxifène,
  • Découverte d’une nouvelle voie thérapeutique ciblant un mécanisme impliqué dans la résistance au traitement des cancers du sein,
  • Financement d’une nouvelle étude épidémiologique sur les liens entre la pollution atmosphérique aux particules fines et le cancer du sein.

 

 

 

Références :

[1] Sondage OpinionWay pour la Ligue contre le cancer, août 2023. Echantillon de 1006 femmes, représentatif de la population française féminine âgée de 18 ans et plus. L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de catégorie d’agglomération et de région de résidence. L’échantillon a été interrogé par questionnaire autoadministré en ligne sur système CAWI (Computer Assisted Web Interview). Les interviews ont été réalisées du 8 au 11 août 2023.

[2] Avec 61 214 nouveaux cas détectés en 2022, il a été responsable de 12 100 décès cette même année. C’est pour cette raison que la Ligue contre le cancer rappelle aux femmes qu’un suivi régulier auprès d’un professionnel de santé est essentiel et qu’à partir de 50 ans, seul le dépistage effectué régulièrement permet la détection précoce des tumeurs.

[3] La Journée nationale aidants est fixée cette année au 6 octobre 2023.

[4] 1er financeur associatif indépendant de la recherche contre le cancer, la Ligue contre le cancer est une organisation non-gouvernementale indépendante reposant sur la générosité du public et sur l’engagement de ses militants. Forte de près de 500 000 adhérents et 11 500 bénévoles, la Ligue est un mouvement populaire organisé en une fédération de 103 Comités départementaux. Ensemble, ils luttent dans quatre directions complémentaires : chercher pour guérir, prévenir pour protéger, accompagner pour aider, mobiliser pour agir. Aujourd’hui, la Ligue, fait de la lutte contre le cancer un enjeu sociétal rassemblant le plus grand nombre possible d’acteurs sanitaires mais aussi économiques, sociaux ou politiques sur tous les territoires. En brisant les tabous et les peurs, la Ligue contribue au changement de l’image du cancer et de ceux qui en sont atteints. Pour en savoir plus : www.ligue-cancer.net

 

*Gotzsche, PC, Nielsen, M. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database of Systematic Reviews 2006, Issue 4. Art. No.:CD001877

**Garfinkel, L, Boring ,CC, Heath ,CW. Jr. Changing trends. An overview of breast cancer incidence and mortality. Cancer. Jul 1 1994;74 (1 Suppl):222-227.

Sophie Madoun