La socio-esthétique est une discipline qui allie les soins esthétiques et les sciences humaines, visant à améliorer le bien-être des personnes fragilisées. En intégrant les aspects sociaux, psychologiques et culturels, cette approche offre une expérience unique qui s’adapte aux besoins spécifiques de chaque individu. Cet article explore les bienfaits de la socio-esthétique et met en lumière l’importance de ce domaine dans notre société moderne.

Qu’est-ce que la socio-esthétique ?

La socio-esthétique a vu le jour, en 1962 à San Francisco, en psychiatrie et en 1963 à Lyon [1]. Elle se situe à l’intersection de l’esthétique et du travail social. Elle vise à aider les personnes en difficulté ou en situation de vulnérabilité, en leur apportant des soins esthétiques adaptés à leurs besoins spécifiques. Il s’agit de soins esthétiques, spécifiquement conçue pour les populations éprouvées et vulnérables en raison d’une atteinte à leur intégrité physique (maladie, accident, vieillesse, etc.), psychique ou confrontées à une détresse sociale (chômage, incarcération).

Ces soins spécifiques ont trouvé leur place dans diverses situations, aussi bien en milieu médical (notamment en oncologie) qu’en milieu médico-social (tels que les Ehpad).

La socio-esthétique propose une large gamme de prestations, incluant les soins :

  • du visage,
  • des pieds,
  • des mains (manucure, pose de vernis),
  • le maquillage,
  • des conseils beauté et sur les produits,
  • ainsi que des massages corporels ou de la tête.

La socio-esthétique, une approche global

La socio-esthétique englobe différentes dimensions pour offrir une expérience complète. Elle prend en compte les aspects physiologiques, psychologiques et sociaux afin de proposer des soins personnalisés.

Les bienfaits de la socio-esthétique

La socio-esthétique contribue à améliorer la qualité de vie des personnes fragilisées. Elle favorise l’estime de soi, la confiance en soi et le bien-être psychologique, tout en favorisant les interactions sociales et la cohésion au sein des groupes.

L’impact de la socio-esthétique se manifeste de différentes manières :

Sur le plan physique : elle redonne à la peau une apparence saine et atténue les imperfections cutanées.

Sur le plan psychologique : elle contribue à améliorer le sentiment de bien-être, renforce l’image corporelle et l’estime de soi.

Sur le plan social : elle prévient l’isolement en encourageant la réinsertion sociale et en rendant les personnes plus présentables aux yeux des autres. Ces aspects ont un impact positif sur les relations sociales et familiales.

« En se concentrant sur l’écoute, les conseils et le toucher, à l’aide de produits cosmétiques, la socio-esthétique sollicite le patient par contact physique et travaille sur la perception de l’image de son corps ou de sa représentation »[2].

Dr Guillaume Buiret, praticien hospitalier, chef de service du Pôle de Chirurgie ORL et Cervico-Faciale du CH de Valence

La socio-esthétique : une solution pour accompagner les adolescents en détresse psychologique

L’adolescence est une période de grands bouleversements, où le corps et la relation à celui-ci évoluent considérablement. La puberté peut être source d’angoisse et provoquer des symptômes corporels allant de l’inconfort à la douleur. Le regard des autres, notamment des adultes et des pairs, joue un rôle crucial. Ces adolescents sont souvent fragilisés tant physiquement que psychologiquement, parfois en situation de rupture sociale. La souffrance morale se manifeste fréquemment par des douleurs physiques telles que migraines, céphalées de tension, douleurs abdominales et dorsales.

La socio-esthétisme explore la question du corps à travers une médiation corporelle attentive, bienveillante et apaisante. Elle est utilisée pour soulager le corps et l’esprit, aider les patients à exprimer leurs souffrances grâce à l’espace d’échange et de bien-être qu’elle crée. Les ateliers proposés favorisent une image positive du corps, encouragent l’acceptation, le respect, et renforcent l’estime et la confiance en soi des adolescents.

Situé dans quatre communes des boucles de la Seine, le Centre Hospitalier de Rives de Seine (CHRDS) abrite une Unité d’Accueil et de Crise de l’Adolescent (UACA) au sein de son service de pédiatrie. Cet espace de soins médico-psychologiques s’adresse aux jeunes âgés de 12 à 17 ans en situation de détresse, exacerbée par la crise sanitaire inédite (crises suicidaires avec ou sans tentative de suicide, symptômes dépressifs, déscolarisation, psycho traumatismes, troubles somatoformes, troubles des conduites alimentaires, intoxications alcooliques aiguës, etc.).

Des soins bien-être innovant en oncologie

« La douleur est un processus physique et psychique très complexe, en raison de sa subjectivité et de sa dimension très personnelle. Notre étude a prouvé que la douleur a été surtout réduite par le massage, ce qui concorde avec d’autres études sur la réduction à court terme de la douleur par des massages en oncologie. Notre étude a également montré un niveau élevé de satisfaction de la socio-esthétique puisqu’aucun patient ne l’a trouvé inutile, confirmant d’autres études. Une séance de socio-esthétique est plutôt perçue comme une distraction pendant le traitement (temps de relaxation et temps plus agréable passé.) »

Dr Guillaume Buiret, praticien hospitalier, chef de service du Pôle de Chirurgie ORL et Cervico-Faciale du CH de Valence

Le Centre hospitalier de Valence assure la prise en charge de diverses pathologies, allant du diagnostic au traitement, tout en intégrant l’éducation sanitaire des patients et de leurs familles dans le processus de soins. Depuis juin 2014, la plateforme de coordination des soins oncologiques de support offre un guichet unique pour les patients, les aidants, les médecins traitants et les spécialistes. Financée par les fonds propres de l’établissement, cette plateforme dispense uniquement des soins gratuits.

L’objectif est de faciliter le parcours du patient et le dispositif d’annonce, tout en identifiant les différents besoins en soins oncologiques de support. La coordination et l’organisation de ces soins permettent d’éviter les déplacements multiples pour les patients et leurs proches.

Ressentir son corps grâce aux soins socio-esthétiques

Le projet de l’Unité de Soins Palliatifs et de l’Équipe Mobile de Soins Palliatifs du Centre Hospitalier de Châteauneuf-sur-Charente et de l’Angoumois (16) vise à rendre la socio-esthétique accessible aussi bien à l’hôpital qu’au domicile des patients en soins palliatifs.

L’initiative a pour but de mettre en place une activité inédite sur le territoire et d’évaluer son impact sur la douleur physique, psychologique, sociale et spirituelle. La socio-esthéticienne accompagne la personne dans sa globalité, l’aidant à renouer avec le plaisir et l’attention portée à soi. Ces moments d’échange et d’écoute privilégiée, centrés sur la relation au corps, apportent une réelle alternative non médicamenteuse. Ils permettent d’aborder en douceur des sujets délicats tels que la dégradation du corps, l’évolution de la maladie, etc.

Chaque séance offre une pause détente, une bulle d’apaisement, permettant de prendre conscience qu’au-delà de la souffrance et de la douleur, les patients demeurent engagés dans un processus de vie.

« Nous accueillons en soins palliatifs des patients atteints de maladies graves évolutives et pour lesquels les traitements curatifs sont le plus souvent suspendus. Une des missions est de soulager la douleur physique et psychologique, sociale et spirituelle ainsi que l’ensemble des symptômes gênants. Une des priorités des soignants est d’instaurer une qualité relationnelle durant cette période d’accompagnement de fin de vie. »

Madame Corinne Gourmel, cadre de santé

Le site de Châteauneuf-sur-Charente des Hôpitaux de Grand Cognac est un établissement qui abrite l’Unité de Soins Palliatifs du département et l’Équipe Mobile du grand Angoumois. La politique de soins et de prise en charge mise en œuvre vise à accentuer la réflexion éthique sur le respect de la dignité, de la vie, des droits des patients et l’accompagnement des personnes en fin de vie.

L’équipe de l’Unité de Soins Palliatifs travaille de manière interdisciplinaire pour accompagner non seulement le patient en tant qu’individu, mais aussi sa famille et ses proches. Cette équipe est composée d’un médecin, d’un pharmacien à temps partiel, d’un cadre de santé, de 9 infirmiers, de 12 aides-soignants, d’un kinésithérapeute, d’un psychologue, d’une socio-esthéticienne, d’une assistante sociale et d’une secrétaire médicale.

Les acteurs

Les socio-esthéticiens sont des professionnels formés pour travailler avec des publics spécifiques, tels que les personnes âgées, les personnes handicapées, les patients atteints de maladies chroniques, ou encore les personnes en situation de précarité.

La formation des socio-esthéticiens

Les socio-esthéticiens sont formés aux techniques de soins esthétiques, ainsi qu’aux sciences humaines, sociales et psychologiques. Ils sont également sensibilisés aux enjeux éthiques et déontologiques de leur pratique.

Les lieux d’intervention

Les socio-esthéticiens interviennent dans des structures variées, telles que les hôpitaux, les maisons de retraite, les centres de réadaptation, les prisons, ou encore les centres d’hébergement d’urgence.

La socio-esthétique, un acteur du changement social

Les approches complémentaires gagnent en importance dans la prise en charge des patients souffrant de douleurs, en particulier chez ceux atteints de maladies graves ou chroniques. Face à la chronicisation des maladies et de la douleur, ainsi qu’à l’augmentation des dépenses de santé, ces approches jouent un rôle crucial. Les soignants doivent les évaluer et les proposer pour assurer une médecine intégrative de qualité.

L’enthousiasme autour des soins socio-esthétiques ne cesse de croître. Ces dernières années, cette approche complémentaire a été adoptée par un grand nombre de centres hospitaliers : environ 40% d’entre eux font appel à eux. En effet, ceux-ci participent à la transformation de notre société en mettant en avant des valeurs d’entraide, de solidarité et d’inclusion.

Un levier pour l’inclusion sociale

La socio-esthétique contribue à réduire les inégalités et à favoriser l’inclusion sociale en offrant des soins esthétiques adaptés à tous, sans distinction de genre, d’âge, de situation sociale ou de santé.

Un vecteur de sensibilisation

La socio-esthétique permet de sensibiliser le grand public aux enjeux de la précarité, de la maladie et du vieillissement, en mettant en lumière les besoins spécifiques des personnes concernées.

Un acteur engagé

La Fondation APICIL soutient activement de nombreux projets visant à promouvoir l’utilisation des approches complémentaires. Elle le fait en mettant en place des projets pilotes, des formations et en finançant des recherches. Dans cette optique, la Fondation APICIL accompagne et soutient les équipes hospitalières et les intervenants à domicile désireux de développer de nouvelles approches non médicamenteuses pour la prise en charge de la douleur.

Depuis plus de 17 ans, la Fondation APICIL a contribué à la création de près de 13 postes de socio-esthéticiennes. La majorité de ces postes ont été pérennisés par les structures concernées.

*selon le Cours d’esthétique à option humanitaire et sociales (CODES)

 

Sophie Madoun