Où en est l’épidémie de Covid-19 ? Dans son récent avis, non encore publié, du 5 octobre 2021, « Une situation apaisée : quand et comment alléger ? », le Conseil scientifique envisage avec une certaine prudence l’évolution de la pandémie de COVID-19.

LE SUCCÈS DE LA VACCINATION

Après environ 20 mois de pandémie, la situation sanitaire en Europe s’est considérablement améliorée grâce à la vaccination, initialement ciblée, puis de masse, associée à des mesures de restriction (variable selon les pays). Des connaissances scientifiques très nombreuses ont été acquises au cours des 12 derniers mois permettant de mieux éclairer les décisions politiques et stratégiques. Enfin, il existe une meilleure compréhension de l’infection par l’ensemble des citoyens dont la résilience et l’adhésion aux dispositions prises pour lutter contre l’épidémie sont, pour la plus grande partie d’entre eux, remarquables.

En France métropolitaine, la 4ème vague liée au variant Delta, apparue très rapidement début juin 2021 a été, jusqu’ici, moins importante que prévue. Elle diminue rapidement et régulièrement depuis début septembre. Cette situation est en grande partie liée au succès de la vaccination en population générale, avec aujourd’hui environ 50,5 millions de Français vaccinés dont 73% des adolescents de 12 à 17 ans. Mais parallèlement, un nombre encore trop important de personnes à risque, en particulier les personnes âgées de plus de 80 ans, restent non ou insuffisamment vaccinées.

Le niveau des nouvelles contaminations est d’environ 5 000 cas par jour, en baisse régulière, avec plus de la moitié des départements ayant un taux d’incidence inférieur à 50 par 100 000 par semaine. La situation est assez proche dans la plupart des grands pays européens avec une situation un peu particulière au Royaume-Uni où la circulation virale reste plus élevée.

Cette amélioration de la situation sanitaire permet la reprise d’activités économiques et sociales dans des conditions se rapprochant de la normale. Il parait donc légitime de poser la question d’une levée plus ou moins rapide des mesures de restriction et plus précisément de l’usage du passe sanitaire, qui a joué un rôle majeur dans l’accélération de la dynamique de vaccination, et qui a peut-être permis de réduire la transmission dans un certain nombre de lieux à risques.

 LES LIMITES POSSIBLES DU SUCCES ACTUEL

  • Durant l’été 2021, les connaissances sur les vaccins se sont précisées : confirmation de l’efficacité des vaccins, en particulier ARNm, pour protéger (>85%) de la survenue de formes sévères et graves ; baisse progressive de la protection contre l’infection (autour de 50% après 6 mois) ; baisse progressive de l’efficacité de la protection au cours du temps, en particulier chez les personnes âgées, ce qui a fait proposer une dose de rappel, chez les populations à risque, 6 mois après la dernière dose, dont la dynamique d’administration est encore un peu limitée (35% des personnes éligibles à une 3ème dose seraient actuellement vaccinées, avec encore des situations inégales, en particulier dans les EHPAD). Par ailleurs, le niveau de vaccination en France chez les populations les plus âgées (plus de 80 ans) et les plus fragiles doit être encore amélioré.
  • D’un point de vue virologique, la situation est dominée depuis fin décembre 2020 par l’apparition de variants (Alpha puis Delta) nettement plus transmissibles et un peu plus pathogènes. Le variant Delta n’a pas de mutation associée à un échappement immunitaire mais est un peu moins sensible aux vaccins actuels. Il faut se souvenir qu’en décembre 2020 (avant l’apparition du variant Alpha et sans les vaccins), et fin mai 2021 (avant le variant Delta et avec une vaccination incomplète), devant une circulation virale basse, certains avaient espéré, à tort, la fin de l’épidémie.
  • La saison automnale et hivernale est propice à la circulation et à la transmission des coronavirus en Europe, possiblement favorisée par un relâchement des mesures barrières et le regroupement des personnes en milieu clos avec aération insuffisante.
  • Enfin, les données épidémiologiques seront plus difficiles à interpréter dès mi-octobre avec la réduction du nombre de tests réalisés en raison de leur déremboursement. A l’inverse, la capacité de séquençage et donc de détection de nouveaux mutants s’est nettement améliorée (environ 15 000 séquençages par semaine).

COMMENT ANTICIPER L’AVENIR DANS CETTE SITUATION APAISÉE MAIS INSTABLE ?

Au vu de l’ensemble de ces données évolutives et parfois contradictoires, il est donc légitime de se poser les questions suivantes :

    A court terme : d’ici la fin de l’année 2021

On peut s’attendre à une reprise de la circulation virale avec la baisse des températures, le regroupement des personnes en milieu clos qui l’accompagne, et la baisse progressive de l’efficacité vaccinale contre l’infection. Dans ce contexte, deux évolutions sont possibles :

  • Cette reprise de la circulation virale s’accompagne d’une remontée des hospitalisations du fait d’une couverture vaccinale insuffisante chez les plus de 80 ans, d’une baisse de la protection vaccinale contre les formes graves avec le temps, et d’une adhésion insuffisante des personnes éligibles à la dose de rappel. Cette situation est éventuellement aggravée par des épidémies concomitantes de grippe et de bronchiolite. Le système hospitalier est mis sous tension, nécessitant un ajustement des mesures de contrôle de la circulation du virus (passe sanitaire, fermeture de certains lieux à risque, télétravail, …), mais grâce à la protection globale apportée par la vaccination, cet ajustement devrait suffire et on ne s’attend pas à devoir retourner vers des mesures plus contraignantes comme un couvre- feu ou un
  • Cette reprise de la circulation virale ne s’accompagne pas d’une remontée significative des hospitalisations, l’efficacité de la vaccination contre les formes graves se maintenant à un niveau élevé (>90%) plus de six mois après la deuxième dose, ou via l’administration d’une dose de rappel qui bénéficie d’une forte adhésion auprès de la population éligible.

  A moyen terme, en 2022 :

  • Le contrôle de l’épidémie se maintient, et la couverture vaccinale est ajustée selon les nouvelles connaissances obtenues sur la persistance de l’efficacité vaccinale contre l’infection et la survenue de formes graves, l’épidémie prend un caractère de plus en plus saisonnier, et les rebonds épidémiques sont anticipés en proposant des doses de rappel aux personnes vulnérables le cas échéant.
  • Ce scénario favorable pourrait être perturbé par l’émergence d’un nouveau variant après le variant Delta. Il pourrait être issu d’un sous-variant du variant Delta (certains existent déjà mais ne se développent pas), être un variant connu capable d’échappement immunitaire, devenu plus compétitif en population très largement immunisée (ex: Beta, Gamma, Lambda, ou Mu), ou être un nouveau variant issu en particulier de pays ayant une couverture vaccinale insuffisante et où la circulation intense du virus favorise l’émergence de nouvelles
  • La période d’accalmie que nous vivons actuellement doit être accompagnée activement en optimisant la stratégie de Tester, Tracer, Alerter, Protéger et en poursuivant la vaccination de personnes à risque encore peu protégées, tout en insistant sur le maintien des mesures barrières individuelles (port du masque et lavage des mains) et d’aération/ventilation des locaux.
  • La situation en France métropolitaine sera très dépendante de la situation sanitaire dans le reste de l’Europe, mais aussi dans le reste du monde, avec des niveaux de vaccination très variables, et une circulation parfois sous-estimée du SARS-CoV-2 (séroprévalence de l’ordre de 20% à 40% en zone urbaine mais aussi rurale dans plusieurs pays d’Afrique intertropicale).
  • A côté de la question même de l’allégement des mesures et de leur proportionnalité, la question probablement plus opérationnelle est celle du « meilleur moment » pour le faire, incluant une phase de préparation et de pédagogie.

 

Conseil Scientifique