Des chercheurs ont montré que lorsque des femmes enceintes sont exposées à des températures très élevées ou très basses pendant le deuxième trimestre de leur grossesse, cela peut affecter le développement pulmonaire de leurs bébés filles. Celles-ci pouvant, à l’âge adulte avoir des problèmes respiratoires plus tard dans leur vie.

Lorsque notre corps essaie de réguler sa température en réponse à des changements de température, cela peut affecter le flux sanguin et la fonction cardiaque de la mère pendant la grossesse, ce qui peut nuire au fœtus. Des études sur les animaux ont montré que le stress thermique peut causer des anomalies de développement placentaire avec un flux sanguin réduit, ou du stress oxydatif, qui peut affecter la santé de la mère et de son enfant. Ainsi, la température extérieure peut avoir un impact sur le développement embryonnaire et fœtal.

Une équipe de recherche dirigée par Johanna Lepeule et Ariane Guilbert de l’Inserm a voulu vérifier cette hypothèse en utilisant les données de la cohorte SEPAGES (Suivi de l’Exposition à la Pollution Atmosphérique durant la Grossesse et Effet sur la Santé). Cette cohorte est composée de femmes enceintes et de leurs enfants et permet d’étudier l’impact de différents facteurs environnementaux sur la santé.

L’exposition aux températures ambiantes tout au long de la grossesse et son effet sur la fonction respiratoire des nouveau-nés

Les chercheurs ont étudié l’exposition aux températures ambiantes de 343 femmes enceintes et de leurs enfants depuis la conception jusqu’aux premières semaines de vie du nourrisson. Ils ont également évalué la fonction respiratoire des nouveau-nés environ six à sept semaines après la naissance en mesurant différents paramètres tels que le volume d’air inspiré et expiré à chaque respiration (appelé volume courant), la fréquence respiratoire (nombre de respirations par minute) et la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF), qui correspond au volume d’air restant dans les poumons après une expiration.

Puisque le développement fœtal et la fonction respiratoire varient légèrement en fonction du sexe, l’équipe de recherche a également comparé les résultats entre les filles et les garçons.

Les résultats de l’étude ont montré que les associations entre l’exposition aux températures ambiantes et la fonction pulmonaire varient selon le sexe des nouveau-nés. Les garçons ne présentaient pas d’altérations significatives de la fonction pulmonaire associées à la température extérieure pendant la grossesse. En revanche, les filles exposées in utero dès le second trimestre de grossesse aux températures les plus élevées ou les plus basses avaient une capacité résiduelle fonctionnelle moins importante et une fréquence respiratoire plus élevée que celles exposées à des températures plus proches de la moyenne.

Les filles exposées à des températures très basses pendant la grossesse de leur mère avaient également un volume courant diminué.

« Les variations observées ne sont pas de nature pathologique et ne permettent pas de prédire un trouble respiratoire par la suite, précise Johanna Lepeule, mais les différentes mesures de la fonction pulmonaire réalisées convergent toutes vers une association chez la petite fille entre exposition in utero aux températures élevées ou basses et de moins bonnes performances pulmonaires chez le nouveau-né. »

Des analyses supplémentaires des données respiratoires recueillies chez des enfants de 3 et 8 ans devront être réalisées pour déterminer si les associations entre l’exposition aux températures ambiantes pendant la grossesse et la fonction pulmonaire persistent à long terme ou si elles sont réversibles.

« Ces résultats sous-tendent l’importance de développer des politiques publiques pour protéger les femmes enceintes et leurs enfants des températures extrêmes, en particulier dans le contexte actuel de réchauffement climatique », conclut Johanna Lepeule.

 

[1] La cohorte couple-enfant SEPAGES (Suivi de l’Exposition à la Pollution Atmosphérique durant la Grossesse et Effet sur la Santé), coordonnée par l’Inserm et l’Université Grenoble Alpes, vise à caractériser l’exposition des femmes enceintes et des enfants aux contaminants de l’environnement et à étudier l’effet de ces contaminants sur la santé de la femme enceinte, du fœtus et de l’enfant.

[2] Ce volume résiduel a un rôle essentiel dans le maintien de la fonction pulmonaire : le poumon étant élastique, il se rétracte lors du relâchement musculaire permettant l’expiration. Le volume résiduel permet, en fin d’expiration, de limiter les forces de rétractation qui s’exercent sur les poumons afin que les territoires pulmonaires restent ouverts aux échanges gazeux (O2 et CO2 essentiellement). Dans le cas contraire, le poumon se refermerait sur lui-même, les alvéoles s’affaisseraient et les échanges gazeux ne pourraient donc plus avoir lieu.

Sources :

Analysis of pre- and postnatal exposures to warm or cold air temperatures and lung function among young infants

Ariane Guilbert1, Ian Hough1,2, Emie Seyve1,3, Matthieu Rolland1, Joane Quentin1,4, Rémy Slama1, Sarah Lyon-Caen1, Itai Kloog5, Sam Bayat6, Valérie Siroux 1, Johanna Lepeule1

1 Team of Environmental Epidemiology Applied to Development and Respiratory Health, Institute for Advanced Biosciences (IAB), Université Grenoble Alpes, Inserm, CNRS, 38700 La Tronche, France

2 Institute of Environmental Geosciences (IGE), Université Grenoble Alpes, 38400 Saint Martin D’Hères, France
3 Université de Paris Cité, Inserm, INRAE, Center of Research in Epidemiology and StatisticS (CRESS), 75004 Paris, France
4 Pediatric Department, Grenoble Alpes University Hospital, 38700 La Tronche, France
5 Department of Geography and Environmental Development, Ben-Gurion University of the Negev, Be’er Sheva, Israel
6 Lung function laboratory, Grenoble Alpes University Hospital, 38700 La Tronche, France

 

JAMA Network Open, mars 2023

https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2023.3376

 

INSERM