L’allongement du délai de l’IVG est une mauvaise réponse aux problèmes d’accessibilité aux soins d’après le  Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF). Explications.

Le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) a comme priorité absolue le respect et la qualité des soins apportés aux femmes en France. L’IVG est un sujet complexe et clivant mais est une liberté accordée aux femmes dans notre pays depuis la loi VEIL, liberté que le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français a toujours soutenue. Le CNGOF est parfaitement conscient du fait que l’accès à l’IVG en France n’est pas évident pour toutes les femmes et que de réels progrès doivent être faits. Hélas, l’allongement du délai de l’IVG est une mauvaise réponse à cause des problèmes d’accessibilité et de réalisation de l’IVG en France.

La principale raison du dépassement du délai légal de l’IVG en cours en France est la difficulté d’accès aux soins. Elle s’explique par le non-respect des recommandations et lois déjà existantes, qui demandent à tous les acteurs impliqués, dont les services de gynécologie-obstétrique, de prendre en charge rapidement les femmes demandant une IVG. Cependant, les moyens accordés aux centres sont très insuffisants.

Cette proposition d’allongement du délai ne réglera donc pas les problèmes d’accessibilité à l’IVG, ne permettra pas aux femmes d’avoir une IVG rapidement lorsqu’elles le décident et ne diminuera que partiellement le nombre de femmes qui continueront de devoir aller à l’étranger pour réaliser une interruption volontaire de grossesse. Différentes études montrent que nombre de femmes vont à l’étranger parce qu’elles ne se savaient pas enceintes, en raison de cycles irréguliers ou de saignements interprétés comme des règles.

Une étude récente (de Zordo) menée à propos des femmes françaises qui doivent aller à l’étranger en raison d’un délai dépassé, démontre que 70 % d’entre elles ne se savaient pas enceintes avant 14 semaines ; elles sont prises en charge en moyenne à 19 semaines.

Le délai accordé aux femmes pour décider d’interrompre leur grossesse est très variable dans les pays où l’IVG est autorisée. Il dépend de facteurs culturels, religieux et historiques qui sont très divers d’un pays à l’autre. Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) a jugé qu’il n’y avait pas d’arguments éthiques pour s’opposer à cet allongement mais que celui-ci ne résoudrait pas les problèmes s’il ne s’accompagnait pas d’une meilleure offre de soins. Sans cela « l’allongement s’apparenterait à un palliatif non bienfaisant d’une prise en charge bienfaisante. …Le CCNE ne saurait cautionner une mesure prise pour pallier les multiples dysfonctionnements matériels, économiques, juridiques d’une politique de santé publique majeure pour les femmes », souligne le Comité dans son avis.

L’Académie de Médecine s’est opposée à cet allongement en raison des risques ultérieurs dus à l’ouverture forcée du col de l’utérus en cas d’IVG chirurgicale ; plus le terme de la grossesse est avancé plus le pourcentage de complications augmente, mais les complications graves sont très rares, précise-t-elle.

Le CNGOF regrette que les responsables de ce projet n’aient pas pris en compte ces réflexions et ses demandes concernant l’amélioration de la prise en charge de l’IVG en France pour se focaliser uniquement sur l’allongement du délai. L’allongement du délai

n’est pas une réponse appropriée aux problèmes de prise en charge de l’IVG en France. Cet allongement du délai, en l’état actuel de la prise en charge de l’IVG dans notre pays, ne résoudra que très partiellement les problèmes existants et ne constitue pas une amélioration de la prise en charge des femmes. Plus l’IVG est réalisée tard, plus elle implique un nombre important de soins, complexifie sa prise en charge et limite le choix de la méthode.

Ceci signifie que les mesures gouvernementales devraient s’attacher à ce que les IVG soient faites le plus tôt possible, afin que leur réalisation soit plus simple et dans le respect du choix de la patiente. Allonger ce délai est bien insuffisant pour régler le problème. Le secteur planning /IVG est trop souvent mal considéré dans nos établissements : insuffisance de locaux, de personnel dédié et formé, de places aux blocs opératoires, acte jugé peu rentable par nos établissements à juste titre, car très mal rémunéré.

Proposer un allongement du délai parce qu’il existe une carence dans l’organisation des soins ne permettant pas une prise en charge précoce est donc une solution inappropriée selon les soignants. Ceci explique la réaction de nombre d’entre eux, opposés à cet allongement du délai comme réponse médicale aux problèmes de l’accès à l’IVG en France.

Le CNGOF demande qu’en complément de l’adoption de ce projet de loi, les problèmes d’accès et de réalisation des IVG soient pris en compte au même titre que pour les autres pathologies féminines. Il est en effet inadmissible que les coûts de remboursement de prise en charge de l’IVG fassent de celle-ci une activité déficitaire pour les structures de soins.

Enfin, le CNGOF est en attente des propositions en termes de temps médical et de budget attribués aux structures qui vont appliquer la nouvelle loi.

Le CNGOF a salué la gratuité de la contraception pour les 19 -25 ans mais il renouvelle ses demandes de contraception gratuite pour toutes les femmes. Il souligne aussi le caractère indispensable d’une information à la sexualité à mener dans les écoles, pour que près d’une grossesse sur quatre ne se termine pas par une interruption volontaire de grossesse.

La loi étant votée, il est évident que le CNGOF respectera cet allongement du délai mais il est indispensable qu’il s’accompagne de conditions de réalisation acceptables pour les femmes et conformes aux bonnes pratiques médicales.

Le CNGOF demande une réelle amélioration dans la prise en charge des IVG en France.

C’est à ce prix que la liberté de choix des femmes sera réellement respectée.