La rectocolite hémorragique est une maladie inflammatoire chronique très handicapante qui peut conduire au développement d’un cancer du côlon. Ses causes sont mal connues et les traitements existants donnent des résultats variables pour une maladie qui reste aujourd’hui incurable. Une équipe INRAE a analysé les données de 353 patients, montrant l’existence de quatre états différents du microbiote intestinal et quatre niveaux d’inflammation. En construisant un modèle à partir de ces données, les scientifiques prédisent qu’agir à la fois sur l’inflammation (traitement anti-inflammatoire) et sur l’état du microbiote (greffe de microbiote par exemple) augmenterait significativement les chances de rémission du patient. Ces résultats, publiés le 8 septembre dans la revue Gastroenterology, ouvrent de nouvelles perspectives pour le développement de stratégies de bithérapies personnalisées, combinant les deux types de traitement.

La rectocolite hémorragique est une maladie chronique qui affecte une personne sur 500 en Amérique du Nord et en Europe du Nord, et est en forte progression dans les pays en développement. Les traitements habituels visent la suppression de l’inflammation, mais conduisent à un faible taux de rémission et n’empêchent pas les rechutes. Il a été démontré que le remplacement du microbiote altéré du patient par le microbiote d’une personne en bonne santé peut conduire à une rémission. Les résultats d’une telle « transplantation de microbiote fécal » sont cependant très variables sans qu’on en comprenne réellement les raisons.

C’est en se concentrant sur le dialogue moléculaire entre l’être humain et son microbiote intestinal, indispensable au maintien de la santé, que les scientifiques d’INRAE apportent une vision nouvelle1. Le modèle, mis au point dans cette étude, montre qu’une rémission complète de la maladie doit passer à la fois par la suppression de l’inflammation et la reconstitution d’un microbiote sain.

Découverte de différents états de la maladie

Les scientifiques ont analysé les données sur le microbiote et le degré d’inflammation de 353 patients souffrant de rectocolite hémorragique, collectées durant une année par une équipe Américaine2. Ils ont découvert l’existence de quatre classes de microbiote chez les patients, séparées selon leur composition, ainsi que de quatre niveaux d’inflammation, de 1, le niveau le plus faible, à 4, le niveau le plus élevé. Les quatre classes de microbiote correspondent à des « états stables alternatifs », c’est-à-dire que même lorsque le niveau d’inflammation du patient baisse grâce au traitement, son microbiote a une forte tendance à rester dans le même état sous-optimal. Les quatre classes de microbiote sont ainsi retrouvées pour chaque niveau d’inflammation. L’analyse des données montre également qu’il est difficile de changer le niveau d’inflammation des patients, et seuls 36% avaient atteint un état d’inflammation non-pathologique après un an de traitements anti-inflammatoires personnalisés.

La mise au point d’un nouveau modèle prédictif d’évolution de la maladie

Les scientifiques d’INRAE ont intégré les résultats de ces analyses à un nouveau modèle prédictif de l’évolution de la maladie. Le modèle prédit très clairement qu’agir seulement sur l’inflammation ou seulement sur le microbiote ne permet pas le retour vers un état sain chez l’ensemble des patients, et explique pourquoi les traitements actuels ne sont pas optimaux. Le modèle prédit surtout qu’en agissant à la fois sur l’inflammation et sur le microbiote, les chances de rémission des patients augmentent significativement, dans les limites d’un environnement favorable à cette rémission (régime alimentaire, mode de vie …).

La découverte de plusieurs états alternatifs du microbiote et niveaux d’inflammation stables apportent une meilleure compréhension de l’évolution de l’état des patients atteints de rectocolite hémorragique, et du fait que certains patients « ne répondent pas ou plus » aux traitements habituels. Les résultats de cette étude ouvrent des pistes de prise en charge basées sur une bithérapie, combinant traitement anti-inflammatoire et prise en charge du microbiote intestinal, personnalisée selon le niveau d’inflammation et l’état du microbiote du patient.

 

Références

1. Van de Guchte M, Mondot S, Doré J. Dynamic properties of the intestinal ecosystem call for combination therapies, targeting inflammation and microbiota, in ulcerative colitis. Gastroenterology 2021. DOI : https://doi.org/10.1053/j.gastro.2021.08.057

2. Schirmer M, Denson L, Vlamakis H, et al. Compositional and Temporal Changes in the Gut Microbiome of Pediatric Ulcerative Colitis Patients Are Linked to Disease Course. Cell Host Microbe 2018;24:600-610 e4.

 

Inrae