Plusieurs mois après leur infection par le SARS-CoV-2, certains patients continuent de présenter des symptômes, phénomène connu sous le nom de « Covid long ». Des chercheurs ont mis découvert une possible explication biologique de ce phénomène. En effet, des anomalies du système immunitaire liées à la présence persistante du virus dans les muqueuses de l’organisme ont été mises en évidence. Explications.

Selon différentes études, le Covid long toucherait entre 10 et 30% des personnes infectées par le SARS-CoV-2. Cependant, le diagnostic et le traitement de cette affection demeurent complexes. L’équipe du chercheur Inserm Jérôme Estaquier, en collaboration avec celle de Ricardo Silvestre de l’université de Minho au Portugal, se penche actuellement sur une explication biologique de ce phénomène.

Aujourd’hui, il est difficile de diagnostiquer le Covid long, car peu de critères biologiques permettent de l’identifier en dehors de la persistance des symptômes au-delà de trois mois après l’infection aiguë. En l’absence d’un moyen de diagnostic plus fiable, il est difficile de proposer une prise en charge adaptée.

Afin de mieux comprendre le Covid long et d’identifier des marqueurs diagnostiques, les chercheurs ont étudié le système immunitaire de 164 personnes six mois après leur infection. Ils ont analysé les échantillons sanguins de 127 personnes dont la moitié souffrait de Covid long (fatigue, essoufflements, toux, douleurs musculaires ou thoraciques, anxiété…) et de 37 personnes n’ayant pas été infectées (groupe de contrôle).

Les auteurs se sont intéressés en particulier à des cellules immunitaires spécifiques : les lymphocytes T (y compris les cellules CD8) qui jouent un rôle dans l’élimination du virus, et les anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2. De plus, ils ont pu comparer le niveau d’inflammation au stade précoce chez les patients ayant développé par la suite un Covid long ou non, grâce aux échantillons sanguins prélevés lors de la phase aiguë de la maladie chez 72 de ces patients.

Des marqueurs immunitaires multiples ont été identifiés

Les chercheurs ont découvert plusieurs marqueurs immunitaires qui peuvent aider à diagnostiquer le Covid long. Ces marqueurs ont été trouvés dans le sang de 70 à 80% des personnes atteintes de Covid long, alors qu’ils étaient rares chez les personnes qui n’ont pas développé cette forme prolongée de la maladie.

Les équipes ont notamment constaté un excès de cellules CD8 exprimant la protéine inflammatoire granzyme A, tandis qu’une autre sous-population de CD8 essentielle pour contrôler les virus dans les muqueuses, exprimant l’intégrine b7, était en faible quantité. De plus, les anticorps IgA spécifiques du virus étaient en surnombre, ce qui suggère la persistance du virus dans l’organisme et en particulier dans les muqueuses.

Le virus SARS-CoV-2 resterait dans les muqueuses dans les muqueuses intestinales

Les scientifiques émettent l’hypothèse que le SARS-CoV-2 pourrait se cacher dans la muqueuse intestinale en raison de sa perméabilité immunitaire et y persister sans être éliminé totalement par le système immunitaire. D’autres virus, comme le VIH, utilisent cette même stratégie.

Enfin, en évaluant le niveau d’inflammation initial au cours de la phase aiguë, les chercheurs ont découvert une association entre une réponse inflammatoire et le risque de développer un Covid long. Les taux très élevés d’interféron IP-10 ou d’interleukine IL-6 peuvent en effet favoriser l’apparition du Covid long.

« Cela confirme des observations cliniques selon lesquelles la sévérité initiale de la Covid est associée à un risque plus élevé de développer un Covid long », expliquent les chercheurs. « Une des hypothèses est que des personnes qui présentent précocement une immunodéficience plus exacerbée développent des formes initiales plus graves de la Covid-19 et ne parviennent pas à éliminer efficacement le virus qui passe dans les muqueuses intestinales, où il s’installe durablement. Le système immunitaire finit en quelque sorte par le tolérer au prix d’une persistance des symptômes d’intensité et de nature variables », déclare Jérôme Estaquier.

L’objectif maintenant est de confirmer ces résultats dans de nouvelles études pour déterminer si certains de ces marqueurs pourraient être utilisés comme outil de diagnostic pour le Covid long.

« Si un dosage d’IgA à distance de la phase aiguë et éventuellement de cellules CD8 b7 permettait de diagnostiquer un Covid long, les médecins pourraient poser un diagnostic objectif. Dans un second temps, nous pourrons réfléchir à des cibles thérapeutiques sur la base de ces travaux », conclut Jérôme Estaquier.

Ces résultats, qui ont été publiés dans la revue Nature Communication, pourraient éventuellement conduire à la création d’un outil de diagnostic pour identifier les patients atteints de Covid long.

Ces travaux en France ont été soutenus par la Fondation pour la Recherche Médicale, l’Agence nationale de la recherche (ANR) et l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes.

 

INSERM