Certains patients présentent encore des symptômes persistants plusieurs mois après une infection par le SARS-CoV-2. Ce phénomène, désigné sous le nom d’état « post-Covid » ou plus communément « Covid long » demeure encore assez mal documenté. Afin d’y remédier et d’améliorer la prise en charge des patients, des équipes de recherche tentent de mieux comprendre les mécanismes biologiques et immunologiques sous-jacents. Dans une nouvelle étude, des scientifiques ont mis en lumière le rôle éventuel de la dérégulation d’une partie de la défense immunitaire innée. Ils suggèrent notamment que la production de « pièges extracellulaires de neutrophiles », un mécanisme de défense de première ligne contre les pathogènes, pourrait avoir un rôle dans la persistance de symptômes à six mois, chez des patients ayant développé une forme sévère de Covid-19.

Les neutrophiles constituent la classe de globules blancs la plus abondante et la première ligne de défense contre les virus et les bactéries. Lorsqu’ils sont activés, ils sont notamment capables de produire un mécanisme de défense particulier appelé « pièges extracellulaires » (ou NETs, pour neutrophil extracellular traps). Composés de fibres d’ADN, d’enzymes bactéricides et de molécules pro-inflammatoires, ces pièges extracellulaires contribuent à la lutte contre les pathogènes, mais ils peuvent aussi dans certains cas déclencher une inflammation excessive, délétère pour l’organisme.

Dans de précédents travaux, l’équipe du chercheur Inserm Alain Thierry à l’Institut de Recherche en Cancérologie de Montpellier avait montré qu’une partie de la réponse immunitaire inné est dérégulée chez les patients atteints de formes graves de Covid-19. Chez ces derniers, la formation de NETs est en effet amplifiée, ce qui se traduit par des lésions multi-organes.

Dans leur nouvelle étude, les scientifiques ont voulu aller plus loin dans l’étude des biomarqueurs caractéristiques de la Covid-19. Ils ont pour cela analysé les échantillons biologiques de plus de 155 patients. Il s’agissait à la fois d’individus atteints de Covid-19 en phase aiguë non-sévère (hospitalisés) et sévère (placés en soins intensifs), et qui ont eu un bilan post-infection aiguë plus de six mois après leur sortie du service de soins critiques. Ces échantillons ont été comparés à ceux de 122 individus sains.

NETS et auto-anticorps persistant dans l’organisme

Les analyses effectuées dans ce travail confirment que, par rapport à des individus sains, la production des NETs est plus élevée chez les patients infectés par le SARS-CoV-2. Par ailleurs, les patients présentent une quantité plus importante d’auto-anticorps dits « auto-anticorps anti-cardiolipine ». Produits par le système immunitaire, ces auto-anticorps sont souvent associés à la formation anormale de caillots dans les veines (phlébites) et dans les artères (thromboses artérielles).

Par ailleurs, les données récoltées par l’équipe de recherche suggèrent aussi que cette réponse immunitaire dérégulée se maintient chez les personnes qui présentent des symptômes de Covid long, six mois après une hospitalisation pour forme grave. La production amplifiée et incontrôlée des NETs six mois après l’infection ainsi que la présence persistante des auto-anticorps pourraient expliquer en partie les symptômes du Covid long, via notamment la formation de micro-thromboses.

« Nos résultats pourraient indiquer la persistance d’un déséquilibre soutenu de la réponse immunitaire innée, et une activité potentielle pro-thrombotique prolongée pouvant expliquer les séquelles de post-infection aiguë ou « Covid long ». Il est nécessaire de poursuivre les recherches afin d’une part de confirme cela et d’autre part de mieux comprendre la nature de ce phénomène pouvant être grave et durable, pour améliorer la prise en charge thérapeutique des patients », conclut Alain Thierry.

Des travaux de recherche sont d’ores et déjà en cours dans certains laboratoires dans le monde, pour consolider ces données et pour explorer d’autres pistes d’intérêt, dans le but de mieux appréhender le phénomène du Covid long dans toute sa complexité. L’équipe d’Alain Thierry a également déposé une demande de brevet internationale en août 2022.

 

[1] Par ailleurs, le SIRIC Montpellier Cancer a financé en partie les travaux de recherche.

 

INSERM