L’évolution des connaissances et les différents projets de recherche concernant l’autisme s’accroissent. Alors, autisme : que nous enseigne la recherche ?

L’autisme est un trouble du développement qui apparaît avant l’âge de trois ans et qui perdure tout au long de la vie chez la très grande majorité des personnes atteintes.

L’autisme est caractérisé par deux types de symptômes, qui s’expriment à des degrés variables selon les individus : déficits de la communication sociale, et troubles du comportement qui correspondent à un répertoire restreint d’intérêts et d’activités, avec notamment des gestes stéréotypés (battre des mains, se balancer, tournoyer sur soi-même, faire des mouvements complexes avec son corps…). Ces signes peuvent s’accompagner d’une hypersensibilité ou au contraire d’une hyposensibilité sensorielle (sons, lumière, toucher…) et d’une forte émotivité face à tout changement dans l’environnement.

Histoire de l’autisme

L’autisme a été décrit pour la première fois par les psychiatres Leo Kanner en 1943 et Hans Asperger en 1944.

Longtemps, la prise en charge de l’autisme a reposé essentiellement sur la psychiatrie. Des études sur des familles, puis des analyses moléculaires plus poussées ont révélé que la génétique, l’inné donc, joue un rôle important dans ce type de troubles, ce qui a permis de faire évoluer, voire de bouleverser, la prise en charge des enfants atteints.

Dès les années 80, la psychiatre Lorna Wing a rompu avec une conception de l’autisme considéré jusqu’alors comme une entité binaire (présence ou absence de certains symptômes) et a suggéré que l’autisme correspond plus à un ensemble de symptômes dont l’intensité se situe sur un continuum. Par exemple, s’agissant du déficit de la communication sociale, les troubles peuvent varier d’une difficulté d’interprétation des comportements non verbaux de la communication à un retrait social majeur. De part cette approche dimensionnelle, Lorna Wing a émis l’hypothèse que l’autisme était une condition plus fréquente qu’on le ne supposait à l’époque.

De 2000 à 2012, l’autisme était inclus dans les Troubles Envahissants du Développement (TED). Les TED étaient répartis en plusieurs catégories : l’autisme, le syndrome d’Asperger, les TED non spécifiés, le trouble désintégratif de l’enfance et le syndrome de Rett. L’autisme et ses critères diagnostiques ont ensuite évolué dans une catégorie à part (hors Asperger, Rett…), nommée « Troubles du spectre de l’autisme ».

LES TROUBLES DU SPECTRE DE L’AUTISME

Depuis mai 2013 (publication du DSM-5), les critères diagnostiques de l’autisme ont évolué en une seule catégorie nommée Troubles du Spectre de l’Autisme (TSA).

Cette catégorie comprend deux critères diagnostiques principaux :

  • les déficits de la communication sociale, d’une part,
  • les comportements répétitifs, stéréotypés, associés à des intérêts restreints et/ou à des particularités sensorielles, d’autre part.

La notion de spectre de l’autisme tente ainsi de refléter l’hétérogénéité clinique de l’autisme et la variation du degré de sévérité des symptômes entre les personnes affectées.

Actuellement, les études épidémiologiques dans le monde estiment que 1 à 2% de la population pourraient être atteint d’un Troubles du Spectre de l’Autisme. En France, 700 000 personnes sont concernées par un TSA, dont 100 000 ont moins de 20 ans.

En prenant en compte l’ensemble des Troubles du Spectre de l’Autisme, les garçons sont quatre fois plus touchés que les filles. Par ailleurs, certaines formes de TSA sont directement associées à des maladies génétiques telles que le syndrome de l’X fragile (une maladie génétique rare associée à un déficit intellectuel et à des troubles du comportement).

L’AUTISME AU SEIN DES TROUBLES DU NEURO-DEVELOPPEMENT

Les classifications et le diagnostic de l’autisme sont en constante évolution. Les troubles du spectre de l’autisme sont intégrés au sein des troubles neuro-développementaux, au même titre que les troubles de l’attention, du développement intellectuel, de la motricité, de la communication et des apprentissages. Le neuro-développement désigne l’ensemble des mécanismes qui vont guider la façon dont le cerveau se développe, orchestrant les fonctions cérébrales (fonction motrice, d’intégration sensorielle, langagière, émotionnelle, de raisonnement, comportement, etc.). Il s’agit d’un processus dynamique, influencé par des facteurs biologiques, génétiques, socioculturels, affectifs, et environnementaux.

Le neuro-développement débute très précocement, dès la période prénatale, pour se poursuivre jusqu’à l’âge adulte. Ce flux maturatif modifie chaque jour les capacités de l’enfant. Il est plus ou moins rapide selon les individus, mais il suit des étapes incontournables qui, dans le cadre d’un développement ordinaire, s’enchainent de façon fluide. La perturbation de ces processus du développement cérébral conduit à un Trouble Neuro-Développemental (TND) correspondant à des difficultés plus ou moins grandes dans une ou plusieurs de ces fonctions cérébrales.

L’AUTISME ET SON SPECTRE DE TROUBLES ASSOCIÉS

Pour considérer plus globalement les difficultés que peuvent rencontrer les personnes avec autisme et leur famille, il est important de prendre en compte non seulement les symptômes autistiques mais aussi les troubles associés. En effet, l’autisme est très souvent accompagné d’autres signes cliniques comme la déficience intellectuelle, l’hyperactivité, des troubles du sommeil, des troubles alimentaires ou l’épilepsie.

Ces troubles sont présents chez l’ensemble des patients et perturbent le fonctionnement des individus avec autisme. Il peut s’agir de comorbidités psychiatriques telles qu’un trouble hyperactif avec déficit de l’attention, un trouble anxieux (en particulier la phobie sociale ou le trouble anxieux généralisé), un trouble bipolaire voire un trouble schizophrénique à l’âge adulte.

Par ailleurs, les patients peuvent également avoir des difficultés cognitives soit sous la forme d’un déficit intellectuel, ou d’un trouble dys-exécutif (difficulté pour planifier les tâches ou de mémoire de travail), mais peuvent dans certaines situations avoir des compétences cognitives hors du commun, par exemple en mémoire de travail, en capacité de discrimination et de perception des détails. Enfin certains patients ont fréquemment des troubles épileptiques, des problèmes gastro- intestinaux ou des problèmes de sommeil.

Aujourd’hui, la communauté scientifique s’accorde sur le fait que ces troubles associés sont essentiels pour la compréhension des troubles du spectre de l’autisme mais aussi pour améliorer le quotidien des personnes concernées.

AUTISME LA PISTE GENETIQUE

Pour comprendre réellement les mécanismes génétiques de l’autisme, et même identifier des mutations impliquées, il a fallu attendre le début des années 2000 et l’avènement des techniques de biologie moléculaire et de séquençage.

C’est en 2003 que l’Unité de recherche Génétique Humaine et Fonctions Cognitives (GHFC) dirigée par Thomas Bourgeron à l’Institut Pasteur identifie pour la première fois des mutations sur deux gènes (NLGN3 et NLGN4X) présents sur le chromosome X chez deux frères atteints l’un d’autisme et l’autre d’un syndrome d’Asperger. Ces mutations affectent des gènes directement impliqués dans le fonctionnement des points de contact entre les neurones aussi appelés synapses.

Pour la première fois, un lien est établi entre mutation génétique, dérèglement du fonctionnement des synapses et troubles du spectre de l’autisme. Quatre ans plus tard, la même équipe identifie plusieurs autres gènes (SHANK1, SHANK2, SHANK3, et NRXN1), impliqués cette fois dans la structure même des synapses.

Grâce aux analyses de génétique moléculaire, les scientifiques ont identifié plus de 800 gènes candidats dont près d’une centaine formellement associée à l’autisme. Ces gènes sont conservés au cours de l’évolution, c’est-à-dire qu’ils sont retrouvés sous la même forme chez de très nombreux autres organismes. Leurs fonctions indiquent que la plasticité neuronale joue un rôle important dans le développement de l’autisme, en particulier en modulant la régulation des gènes et la formation des synapses.

Les analyses génétiques permettent ainsi de comprendre les mécanismes causaux des manifestations cliniques observées chez des personnes avec autisme. Pour autant, la génétique des troubles du spectre de l’autisme est extrêmement complexe, avec des schémas très variés d’une personne à l’autre. Dans certains cas, l’altération d’un seul gène peut contribuer à la majorité des symptômes ; dans d’autres, l’architecture génétique est beaucoup plus compliquée.

LES ESSAIS THÉRAPEUTIQUES

Bien qu’il n’existe actuellement aucun traitement pour les symptômes majeurs des TSA, la recherche suggère que la gravité de certains symptômes pourrait être réduite, même chez l’adulte. Afin notamment d’identifier de nouveaux gènes impliqués dans l’autisme, les chercheurs intègrent aujourd’hui de grands consortiums (groupements de nombreux laboratoires) pour pouvoir étudier un grand nombre de patients, condition indispensable à la réussite de leur recherche.

Ainsi, des essais cliniques spécifiques réalisés chez des patients porteurs de mutations synaptiques, dans le gène SHANK3 par exemple, vont bientôt être réalisés. À l’aide de cellules de peau reprogrammées en neurones (Cellules souches pluripotentes induites, iPSC) porteuses de mutations SHANK3, un criblage à haut débit de molécules pharmacologiques a pu être réalisé et a permis l’identification de composés pouvant restaurer le niveau d’expression de la protéine SHANK3. Un premier essai clinique va être mis en place à l’hôpital Robert Debré, en collaboration avec l’Institut Pasteur, pour tester l’un des composés identifiés par la recherche sur ces iPSC comme un nouveau traitement pour le déficit de communication sociale chez les patients atteints de mutations délétères dans SHANK3. L’objectif principal de cette étude est d’évaluer l’effet du Lithium à 12 semaines comme un nouveau traitement pour le déficit de communication sociale chez les patients souffrant de Syndrome de Phelan McDermid dont la très grande majorité sont mutés dans le gène SHANK3. Son effet positif sur les symptômes du déficit social pourrait représenter une nouvelle perspective pour d’autres formes d’autisme.D’autres essais thérapeutiques sont également prévus en utilisant d’autres molécules, notamment dans le cadre du projet européen AIMS-2-Trials.

 

Pour plus d’informations : https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/autisme