En 2021, 38,4 millions de personnes dans le monde vivaient avec le VIH, quarante ans après la découverte du virus responsable du sida en 1983 à l’Institut Pasteur. Bien que seuls deux cas de guérison aient été décrits jusqu’à présent, une nouvelle étude menée par le consortium IciStem, en collaboration avec plusieurs institutions, présente un nouveau cas de probable guérison du VIH suite à une greffe de moelle osseuse d’un donneur portant la mutation génétique CCR5 delta-32, connue pour protéger naturellement contre le VIH. Cette découverte offre de nouvelles perspectives thérapeutiques pour les scientifiques et cliniciens impliqués dans la lutte contre le VIH depuis 40 ans.

Le consortium IciStem, comprenant l’Institut Pasteur, a annoncé le troisième cas de guérison probable de l’infection au VIH dans le monde. Cet homme a subi une greffe de cellules souches pour traiter une leucémie et, après avoir interrompu son traitement antirétroviral sous surveillance, les chercheurs n’ont trouvé aucune particule virale, ni de réservoir viral activable, ni de réponse immunitaire contre le VIH.

« Même si nous n’avons pas pu analyser tous les tissus du patient pour formellement écarter la présence du VIH dans l’organisme, ces résultats indiquent que le système immunitaire n’a pas détecté le virus après l’interruption du traitement », explique Asier Sáez-Cirión.

Il s’agit du « patient de Düsseldorf » qui a reçu une greffe de cellules souches provenant d’un donneur portant la mutation CCR5 delta-32 qui empêche l’entrée du VIH dans les cellules. Plus de 5 ans après la greffe, et après avoir suspendu le traitement antirétroviral, aucune trace de virus n’a été détectée chez le patient pendant les 44 mois de suivi. Les chercheurs considèrent donc ce cas comme un probable cas de guérison du VIH. Ce cas est unique en raison du défi médical de trouver un donneur compatible et porteur de cette mutation génétique rare. Le patient de Düsseldorf a 53 ans aujourd’hui et est en bonne santé. Sur la base de ces données, l’équipe scientifique peut affirmer que cette personne est probablement guérie de l‘infection par le VIH.

Le Dr. Björn Jensen, de l’hôpital universitaire de Düsseldorf qui a mené l’étude précise « le processus de greffe a vidé le réservoir viral et le transfert de la résistance au VIH des cellules du donneur au patient empêche les virus qui pourraient être encore présents de se propager ».

Les cas de rémission du VIH dans le monde

Certaines personnes peuvent maintenir une charge virale indétectable pendant de longues périodes en l’absence de traitement antirétroviral, ce qui est considéré comme une rémission de l’infection par le VIH.

Asier Sáez-Cirión explique : « Le cas des personnes qui ont reçu une greffe de moelle va au-delà de cette situation de contrôle ».

La description de la probable guérison du patient de Düsseldorf fait suite à celles des patients de Berlin et de Londres. Deux autres cas cliniques similaires, celui de New York et celui de l’hôpital City of Hope (Duarte, États-Unis), ont été présentés lors de conférences scientifiques en 2022 après un suivi de 12 mois sans rebond viral suite à l’interruption du traitement antirétroviral. Aucune de ces personnes ne possède de caractéristiques immunitaires particulières qui leur permettraient de contrôler spontanément l’infection par le VIH. Le virus a été éliminé de leur organisme à la suite d’une intervention médicale pour une autre pathologie.

La présentation de la probable guérison du patient de Düsseldorf fait suite à celle des patients de Berlin et de Londres. Deux autres cas cliniques similaires ont été présentés lors de conférences scientifiques en 2022 : celui de New York et celui de l’hôpital City of Hope (Duarte, États-Unis).

Ces patients ont été suivis pendant 12 mois sans rebond viral après l’interruption du traitement antirétroviral. Aucune de ces personnes n’a de caractéristiques immunitaires particulières leur permettant de contrôler spontanément l’infection par le VIH. Le virus a été éliminé de leur organisme à la suite d’une intervention médicale pour une autre pathologie. Cependant, la stratégie thérapeutique décrite dans cette étude est très agressive et ne convient pas au reste de la population vivant avec le VIH.

La greffe de cellules souches ne s’applique qu’aux personnes souffrant d’une maladie hématologique pour lesquelles il n’existe aucune alternative thérapeutique. Dans le cas des personnes vivant avec le VIH, le traitement antirétroviral est actuellement la meilleure alternative thérapeutique.

La guérison probable du patient de Düsseldorf est une troisième preuve de concept démontrant qu’il est possible de guérir le VIH. Cette nouvelle apporte de l’espoir aux scientifiques qui travaillent depuis 40 ans à la lutte contre ce virus.

« Différentes stratégies sont à l’étude. Certaines cherchent à cibler et éliminer spécifiquement les cellules infectées, d’autres à rendre les cellules résistantes à l’infection sans passer par une greffe en introduisant par exemple la mutation CCR5 delta-32 via une thérapie génique, et finalement d’autres stratégies visent à optimiser les réponses immunitaires contre le virus » complète Asier Sáez-Cirión.

« La recherche sur l’épidémie du VIH s’inscrit dans une tradition désormais longue de 40 ans à l’Institut Pasteur. Aujourd’hui, de nombreuses connaissances ont été accumulées sur le mode d’action du virus. Toutefois, des problématiques scientifiques restent à résoudre : entre autres comment éliminer le réservoir viral chez les personnes avec VIH ou comment mettre au point un vaccin préventif efficace contre le virus. De nombreuses équipes de l’Institut Pasteur et du Pasteur Network travaillent sur ces thématiques, et des essais cliniques vont débuter en 2023 pour tester de nouvelles immunothérapies basées sur des anticorps neutralisants à large spectre et aussi des marqueurs prédictifs de rémission associés aux cellules naturelles tueuses » conclut Christophe d’Enfert, Directeur Général Adjoint Scientifique de l’Institut Pasteur.

Le consortium IciStem

Le consortium international IciStem a mené l’étude visant à étudier les personnes vivant avec le VIH et ayant subi des transplantations de cellules souches dans le cadre de la prise en charge d’autres pathologies.

« Avec une excellente équipe de professionnels du monde entier, nous étudions ces cas exceptionnels depuis 9 ans pour lesquels, grâce à une stratégie thérapeutique, le virus est complètement éliminé de l’organisme. Nous voulons comprendre en détail chaque étape du processus de guérison afin de concevoir des stratégies reproductibles pour l’ensemble des patients », explique Javier Martinez-Picado, chercheur ICREA à IrsiCaixa, co-directeur d’IciStem, et co-auteur principal de l’article.

 

Sources :

In-depth virological and immunological characterization of HIV-1 cure after CCR5Δ32/Δ32 allogeneic hematopoietic stem cell transplantation, Nature Medicine, 20 février 2023

Björn-Erik Ole Jensen1,23 , Elena Knops2,3,23, Leon Cords4,23, Nadine Lübke5,23, Maria Salgado6,7,23, Kathleen Busman-Sahay8, Jacob D. Estes8, Laura E. P. Huyveneers9, Federico Perdomo-Celis10, Melanie Wittner4,11, Cristina Gálvez6, Christiane Mummert12,20, Caroline Passaes10, Johanna M. Eberhard4,11,21, Carsten Münk1, Ilona Hauber13, Joachim Hauber11,13, Eva Heger2,3, Jozefien De Clercq14, Linos Vandekerckhove14, Silke Bergmann12, Gábor A. Dunay11,13,22, Florian Klein2,3, Dieter Häussinger1, Johannes C. Fischer15, Kathrin Nachtkamp16, Joerg Timm5, Rolf Kaiser2,3, Thomas Harrer12, Tom Luedde1, Monique Nijhuis9, Asier Sáez-Cirión10,24, Julian Schulze zur Wiesch4,11,24 , Annemarie M. J. Wensing9,17,24, Javier Martínez-Picado6,7,18,19,24 & Guido Kobbe16,24

 

1Department of Gastroenterology, Hepatology and Infectious Diseases, Dusseldorf University Hospital, Medical Faculty, Heinrich Heine University, Dusseldorf, Germany. 2Institute of Virology, University and University Hospital Cologne, University of Cologne, Cologne, Germany.

3German Center for Infection Research, Partner Site Bonn-Cologne, Cologne, Germany. 4Infectious Diseases Unit, I. Department of Medicine, University Medical Center Hamburg- Eppendorf, Hamburg, Germany.

5Institute of Virology, Dusseldorf University Hospital, Medical Faculty, Heinrich Heine University, Dusseldorf, Germany.

6IrsiCaixa AIDS Research Institute, Barcelona, Spain.

7Center for Biomedical Research in Infectious Diseases, Carlos III Health Institute, Madrid, Spain.

8Vaccine and Gene Therapy Institute and Oregon National Primate Research Center, Oregon Health and Science University, Beaverton, OR, USA.

9Translational Virology, Department of Medical Microbiology, University Medical Center Utrecht, Utrecht, the Netherlands.

10Institut Pasteur, Paris Cite University, HIV Inflammation and Persistence, Paris, France. 11German Center for Infection Research, Partner Site Hamburg-Lubeck-Borstel-Riems, Hamburg, Germany.

12Infectious Diseases and Immunodeficiency Section, Department of Internal Medicine 3, Universitatsklinikum Erlangen, Friedrich-Alexander Universitat Erlangen-Nurnberg, Erlangen, Germany.

13Leibniz Institute of Virology, Hamburg, Germany.

14HIV Cure Research Center and Department of General Internal Medicine and Infectious Diseases, Ghent University Hospital, Ghent, Belgium.

15Institute for Transplant Diagnostics and Cell Therapeutics, Dusseldorf University Hospital, Medical Faculty, Heinrich Heine University, Dusseldorf, Germany.

16Department of Hematology, Oncology and Clinical Immunology, Medical Faculty, Dusseldorf University Hospital, Heinrich Heine University, Dusseldorf, Germany. 17Ezintsha, University of the Witwatersrand, Johannesburg, South Africa.

18University of Vic-Central University of Catalonia, Barcelona, Spain. 19Catalan Institution for Research and Advanced Studies, Barcelona, Spain. 20Present address: Bavarian Nordic, Martinsried, Germany.

21Present address: Helmholtz Center for Infection Research, Helmholtz Institute for One Health, Greifswald, Germany.

22Present address: University Children’s Research, UCR@Kinder-UKE, University Medical Center Hamburg-Eppendorf, Hamburg, Germany.

23These authors contributed equally: Bjorn-Erik Ole Jensen, Elena Knops, Leon Cords, Nadine Lubke, Maria Salgado.

24These authors jointly supervised this work: Asier Saez-Cirion, Julian Schulze zur Wiesch, Annemarie M. J. Wensing, Javier Martinez-Picado, Guido Kobbe.

 

 

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