Produire des vecteurs viraux innovants, développer de nouveaux outils d’édition du génome, démontrer l’efficacité des thérapies géniques dans des maladies génétiques, rares comme communes, sont parmi les grandes avancées de la thérapie génique de ces dernières années. Mais quelles sont précisément les dernières avancée de la thérapie génique ? Réponses.

Les dernières avancée de la thérapie génique ont été réalisées grâce à plusieurs équipes de scientifiques dont celles de l’Institut Imagine (AP-HP, Inserm, Université Paris Cité), structurées au sein d’un réseau de recherché financé entre 2017 et 2022 par la Région Île-de-France : le DIM (Domaine d’Intérêt Majeur) Thérapie génique. Après cinq ans, ce dispositif a démontré toute son efficacité. Se posent désormais les questions du développement clinique et de l’accès à ces innovations, ainsi que des enjeux et défis à relever pour faire bénéficier les patients de ces thérapies.

DIM (Domaine d’Intérêt Majeur) Thérapie Génique : structurer un réseau pour accélérer le développement de la thérapie génique

En 2017, la Région Île-de-France a lancé les DIM (Domaines d’Intérêt Majeurs) visant à accroître l’excellence et le rayonnement des équipes franciliennes sur des thèmes porteurs et susceptibles de générer de l’innovation. Réseaux de recherche labellisés pour 4 à 5 ans, les DIM bénéficient de financements pour des équipements, des postes de doctorants, des projets collaboratifs de recherche, des colloques et manifestations.

Pionnière dans le domaine de la thérapie génique, la Région Île-de-France regroupe tous les acteurs pour constituer un centre d’excellence au niveau international. La thérapie génique a donc été identifiée comme Domaine d’Intérêt Majeur. L’Institut Imagine, qui accueille des équipes à la pointe de la recherche dans cette approche thérapeutique, a été sélectionné comme porteur de ce DIM, coordonné par la Pr Marina Cavazzana, Directrice du département de biothérapie et du Centre d’Investigation Clinique en Biothérapie (CIC-BT) – Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP / Institut Imagine. De 2017 à 2022, le DIM Thérapie Génique a bénéficié de 12 millions d’euros de financements, avec l’objectif de fédérer les acteurs du territoire et d’accélérer le développement de la thérapie génique, pour fournir un traitement pour des pathologies graves ou chroniques sans traitement ou pour lesquelles la prise en charge est encore largement insatisfaisante.

« Pour la Région Ile-de-France, les enjeux étaient d’abord médicaux : trouver des traitements innovants et prometteurs pour les enfants qui naissent chaque année atteints de drépanocytose ou encore pour les patients atteints du sida, alors que c’est notre région qui est la plus touchée par ces maladies. L’autre enjeu était d’ordre économique : encourager le développement de partenariats industriels et la création de start-ups, générateurs de progrès, de valeur et d’emploi. Et enfin, conforter l’excellence médicale et scientifique de la Région », explique Othman Nasrou, vice-président de la Région Île-de-France, chargé de la Jeunesse, de la Promesse républicaine, de l’Orientation et de l’insertion professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Des succès majeurs et avancées prometteuses en thérapie génique

« Ce programme a permis de structurer un réseau qui a fait travailler ensemble de nombreux instituts, de fédérer de nombreux chercheurs, ingénieurs et médecins impliqués dans la recherche en thérapie génique, de partager plus vite les connaissances et d’obtenir des résultats très fructueux. L’intervention de la Région Ile-de-France a été un élément clé, car le nerf de la guerre dans l’accélération de la thérapie génique, c’est le financement », se réjouit la Pr Marina Cavazzana, coordinatrice du DIM Thérapie génique.

De nombreux travaux de recherche dans diverses thématiques ont bénéficié du soutien du DIM Thérapie génique : les hémoglobinopathies comme la drépanocytose, les maladies métaboliques et mitochondriales, les maladies neuromusculaires, les troubles auditifs ou encore les dégénérescences rétiniennes héréditaires. De nombreuses techniques et outils innovants ont été développés comme l’édition génomique (gene editing), le système CRISPR-Cas9 ou encore les CAR-T cells*.

Des accomplissements majeurs ont été réalisés :

  • 56 projets soutenus dans 11 domaines thérapeutiques stratégiques, avec 33 recrutements
  • 42 publications scientifiques portées par les membres du réseau
  • Création d’une plateforme AAV à l’Institut Imagine et renforcement de deux plateformes AAV à l’Institut de la Vision et au Centre de Recherche en Myologie
  • 15 brevets déposés
  • Plus de 10 collaborations avec des industriels, big pharma, biotechs et start-ups
  • Plus de 25 millions d’euros de financements additionnels levés par le réseau, provenant de collaborations industrielles ou de financements publics/privés
  • Création d’une spin-off : Gamut Thérapeutics
  • Création d’une start-up en cours

Et demain : la thérapie génique accessible à tous ?

Les nombreux travaux de recherche menés en thérapie génique dans le cadre du DIM montrent qu’elle pourrait se généraliser pour traiter des maladies rares comme des maladies communes et de santé publique telles que la drépanocytose, le VIH, les cancers et tumeurs. Cette thérapeutique présente de grandes perspectives, mais ne pourra pas être applicable à toutes les maladies et à tous les patients, il reste donc absolument nécessaire de développer en parallèle les recherches de traitements par molécules.

D’autre part, si le DIM a montré tout le potentiel de la thérapie génique dans certaines maladies, des questions restent ouvertes sur son développement clinique, son coût et l’accès à ces thérapies. Des études et essais cliniques ont démontré que la thérapie génique, qui est un traitement curatif définitif, serait au fond moins coûteuse à moyen et long terme, que des traitements substitutifs étalés sur toute une vie. C’est notamment le cas pour la bêta-thalassémie.

« Aujourd’hui, la France fait partie des leaders européens en matière de thérapie génique dans le champ des maladies rares. Mais, elle pourrait perdre ce leadership tant les coûts pour passer les recherches en clinique sont élevés. Pour aller du préclinique à la clinique, il faut compter de 5 à 10 millions d’euros entre le montage d’un dossier et les essais cliniques. Les investisseurs sont en difficulté car les grands groupes pharmaceutiques ont un peu délaissé les maladies rares, et les prix demandés par les industriels sont trop élevés pour une prise en charge de la thérapie génique par les systèmes de santé européens. Il est nécessaire selon moi de créer un fonds européen stratégique pour assurer l’accès à ces thérapies, surtout quand elles marchent », conclut le Pr Marina Cavazzana, coordinatrice du DIM Thérapie génique à l’Institut Imagine.

 

Quelques succès scientifiques

L’édition du génome pour les thérapies géniques de demain

L’équipe de l’Institut Imagine « Chromatine et régulation génique au cours du développement », dirigée par Annarita Miccio, a mis en place plusieurs stratégies innovantes de thérapie génique dans la drépanocytose et la bêta-thalassémie.
– La première a consisté à compenser le déficit en hémoglobine en cause dans ces maladies en réactivant chez les patients la production d’une protéine – la globine fœtale – qui cesse normalement d’être exprimée après la naissance, afin de produire une hémoglobine fonctionnelle. Les chercheurs ont testé cette approche avec succès dans des modèles cellulaires et animaux grâce à deux techniques d’édition du génome : CrispR-Cas9 (1) et le « base editing » (2).
– La seconde a consisté à utiliser les outils de base editing pour corriger directement une des mutations en cause dans la bêta-thalassémie (3). Cette technique a permis de corriger sur le long terme 75% des cellules souches sanguines de souris modèles.

(1) S. Ramadier et al., Molecular Therapy, 2021,
(2) P. Antoniou et al., Nature Communications, 2022,
(3) G. Hardouin et al., Blood, 2022.

Le succès à long terme de la thérapie génique dans trois maladies

Deux études cliniques publiées en 2022 dans Nature Medicine ont démontré le succès à long terme de la thérapie génique chez des patients atteints de la drépanocytose, de la bêta-thalassémie [1] et d’un déficit immunitaire rare : le syndrome de Wiskott-Aldrich [2].

« Aujourd’hui, après sept ans de suivi, l’efficacité du traitement persiste sans effet secondaire délétère notable » Pr. Marina Cavazzana à propos du traitement de la drépanocytose et de la bêta-thalassémie

« Nos travaux prouvent que la reconstitution de l’immunité lymphocytaire T et B est très bonne. Et nous n’avons constaté aucun effet adverse à long terme lié à la thérapie génique ». Pr. Marina Cavazzana à propos du traitement du syndrome Wiskott-Aldrich

[1] E. Magrin et al., Nature Medicine, 2022.
[2] A. Magnani et al., Nature Medicine, 2022.

Éviter le rejet de greffe grâce à la thérapie génique

L’équipe de Julien Zuber, chercheur dans le laboratoire de lymphohématopoïèse humaine, à l’Institut Imagine, et médecin transplanteur à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, a identifié le candidat le plus prometteur pour créer de futurs traitements anti-rejets fondés sur les cellules CAR-T régulatrices. Ces cellules sont le fruit d’une ingénierie moléculaire permettant de modifier des lymphocytes T en laboratoire afin qu’ils ciblent l’organe greffé et le protège de la réponse immunitaire du receveur. Problème : ces cellules ont tendance à perdre leur identité régulatrice si on les stresse trop. Pour pallier ce phénomène, les chercheurs ont identifié le meilleur « design » de récepteur pour les rendre plus stables. Une avancée fondamentale très importante dans le développement de futurs traitements anti-rejets.

B. Lamarthée et al., Nature Communications,  2021

Réparer la rétine grâce aux biotechnologies

Les dégénérescences héréditaires de la rétine conduisent à une perte de vision pouvant mener à la cécité. L’équipe de Deniz Dalkara, chercheuse à l’Institut de la Vision, a mis en œuvre une procédure mêlant thérapie cellulaire et optogénétique pour « réparer » les cellules photoréceptrices de la rétine. Pour y arriver, les chercheurs ont d’abord remplacé les cellules photoréceptrices mourantes de la rétine par des cellules fonctionnelles produites à partir de cellules souches pluripotentes induites (iPS). Ils ont ensuite restauré la sensibilité à la lumière et la transmission du signal de ces nouvelles cellules grâce à un procédé d’optogénétique. Ce dernier consiste à insérer dans ces cellules des protéines sensibles à la lumière via des vecteurs viraux. Cette étude a permis de démontrer que cette approche mixte permet à la fois de réparer la structure des cellules mais aussi de restaurer leur fonction. Une étape décisive avant des études pré-cliniques et cliniques.

M. Garita-Hernandez et al., Nature Communications, 2019

Unouvel espoir dans la leucinose

La leucinose ou maladie du sirop d’érable, est une maladie métabolique rare. Afin de guérir durablement les patients, les équipes coordonnées par le Pr Manuel Schiff et le Dr Clément Pontoizeau, du service et du Centre de Référence Maladies Rares des maladies héréditaires du métabolisme à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP et du laboratoire de recherche de génétique des maladies mitochondriales à l’Institut Imagine, ont développé une thérapie génique permettant de guérir des souris atteintes de leucinose en utilisant un gène comme médicament. Pour cela, ils ont utilisé un vecteur viral (appelé AAV) produit à l’Institut Imagine. Après traitement par thérapie génique tout de suite après la naissance, les chercheurs ont observé une amélioration de l’ensemble des paramètres cliniques et biologiques : les animaux sont totalement guéris, ne présentent aucun symptôme, une excellente correction des marqueurs biochimiques, un poids et un comportement normaux, de manière durable. Ces recherches représentent une étape déterminante et ouvrent de réelles perspectives pour un futur traitement.

C. Pontoizeau et al., Nature Communications, 2022