En amont de la Journée nationale du refus de l’échec scolaire (22 septembre 2021), UNICEF France publie aujourd’hui les résultats de sa 5e Consultation nationale des 6-18 ans. Interrogés sur leurs droits tels qu’ils sont vécus au quotidien, avec une attention particulière portée à la perception de leur scolarité et de leurs apprentissages, ils sont plus de 25 300 enfants et jeunes, sur l’ensemble du territoire, à avoir répondu à 180 questions sur leur vie quotidienne. Alors, que pensent les jeunes de l’école ?

Que pensent les jeunes de l’école ? Leurs réponses passionnantes ont été analysées par cinq chercheurs du programme Enjeu[x] – Enfance & Jeunesse de l’Université d’Angers. Illustré par la dessinatrice Louison, le rapport met en évidence qu’en matière d’apprentissages, les frontières entre l’école et le reste de la société restent floues. L’enfant apprend chez lui, avec ses amis, ses animateurs, sur Internet. Si cela s’avère complémentaire, cela nécessite que chacune de ces sphères puisse assurer ce rôle éducatif avec les meilleurs outils, les approches les plus adaptées à l’enfant et à ses besoins actuels et futurs.

De la peur de l’avenir

Le rapport est formel : les élèves aiment et ont envie d’apprendre et ils ont aussi à cœur de développer des compétences pour la vie, pour leur avenir.

Pourtant, près d’un tiers d’entre eux est angoissé de ne pas réussir à l’école et plus d’un enfant sur deux est angoissé de ne pas réussir dans la vie. D’après l’analyse, cette peur de l’échec renvoie à un manque de sens donné aux apprentissages. Par la seule contribution de l’institution scolaire, les enfants et les jeunes estiment ne pas être suffisamment armés pour aborder leur avenir sereinement.

Seul un enfant sur deux estime que l’école lui apprend vraiment des choses pour plus tard. Les 13-18 ans sont les moins optimistes en la matière.

Pour les jeunes interrogés, c’est donc la famille qui accompagne mieux le chemin vers la vie d’adulte. 85.2% des enfants valorisent le milieu familial en matière d’apprentissage.

Des compétences pour la vie

Les enfants et les jeunes ont pressenti leurs futurs besoins en compétences et ils l’affirment, ils veulent s’ouvrir sur le monde et sur leur futur. Faire la cuisine, parler une autre langue, parler de sexualité, apprendre un métier, faire de l’informatique ou de la vidéo, avoir des amis… ces besoins signent une volonté de développer des compétences utiles et utilisables tout au long de la vie, c’est-à-dire des « compétences pour la vie », qui ont disparu de la plupart des filières d’enseignement (hors enseignement professionnel). D’autant que « 65% des enfants qui entrent à l’école primaire aujourd’hui finiront par occuper des emplois totalement nouveaux qui n’existent pas encore »(1). Il y a alors lieu de s’interroger dès aujourd’hui sur la manière d’anticiper et de précéder ces besoins futurs avant qu’ils ne deviennent des lacunes ou des handicaps.

De la prise en compte de l’alphabétisation émotionnelle et de l’éducation sexuelle

Parmi ces compétences indispensables, développer l’alphabétisation émotionnelle s’avère essentielle.

Or, d’après l’étude, c’est bien la famille qui prend la main dès lors qu’il est question d’alphabétisation émotionnelle et plus largement d’éducation aux compétences psychosociales.

Les enfants peuvent certes aiguiser leur curiosité ou à se soucier de l’autre dans toutes les sphères qu’ils fréquentent : à l’école, à la maison. Pourtant, ils l’affirment, c’est surtout le milieu familial qui semble autoriser la créativité (90 % pour la famille contre 83,2 % pour l’école) ou qui est plus propice à apprendre à reconnaître et exprimer les émotions (85,9 % pour la famille contre 74,9 % pour l’école).

L’école n’est pas (encore) le lieu où les adolescents peuvent trouver des réponses à leur questionnement existentiel, charnel, sexuel et amoureux. C’est en effet encore et toujours davantage au sein de la famille (71,4 % de réponses positives) et non à l’école (49,3 % de réponses positives) que les adolescents peuvent poser des questions relatives aux relations affectives/amoureuses et sur la sexualité. La sexualité reste donc un problème éducatif. Seule un peu plus de la moitié des répondants ont reçu « au moins une séance d’éducation à la vie affective et sexuelle chaque année en classe ». Ce taux donne à voir le peu de place qu’occupe la thématique de la sexualité au collège et au lycée.

La famille, source de tous les apprentissages ?

Ajouté à un environnement propice, l’accompagnement familial favorise donc les nouveaux apprentissages mais qu’en est-il quand toutes les conditions ne sont pas réunies ? L’importance grandissante du rôle de l’accompagnement familial creuse fortement les inégalités, particulièrement pour les élèves issus de milieux populaires.

Comme les éditions précédentes des Consultations nationales l’avaient déjà mis en exergue depuis 2013, les privations des enfants en France restent fréquentes (70,6 % des enfants sont concernés par au moins un type de privation) et touchent, pour plusieurs types d’entre elles – activités, sociabilité amicale ou santé – jusqu’à un tiers des enfants et des jeunes interrogés. Et l’on peut penser que la pandémie et les confinements successifs ont aggravé leurs conditions de vie.

Les privations, quelles qu’elles soient, ont un impact négatif sur ce que les enfants et les jeunes déclarent apprendre et sur leurs conditions d’apprentissage. Elles pèsent davantage sur l’éducation à la maison que sur l’éducation à l’école. Or :

•        5 % des enfants et des jeunes ne peuvent jamais être aidés pour faire leurs devoirs

•        23,8 % des enfants et des jeunes n’ont pas accès à un ordinateur ou une tablette pour faire leurs devoirs

•        2,7 % n’ont jamais et 4,8% n’ont que rarement pu continuer à travailler et faire leurs devoirs chez eux pendant le confinement

•        plus les enfants rendent compte d’une alimentation équilibrée (nombre de repas par jour, apport en protéine, …) et plus ils considèrent qu’ils apprennent à développer leurs compétences psychosociales et transversales, à l’école et en particulier en dehors, dans la famille.

Cela n’est évidemment pas sans conséquence. Ainsi, les élèves issus des milieux populaires seraient par conséquent plus nombreux à faire l’objet du décrochage scolaire (28 % contre 7 % pour les enfants de cadre en 2010). Phénomène que l’enseignement à distance, imposé par le confinement, lié à la Covid19 en 2020 et 2021, aura non seulement révélé, mais également aggravé (Bruner et Maurin 2021(2)).

L’école, un lieu sécurisant pour apprendre sereinement ?

Le contexte quotidien dans lequel les enfants et les jeunes évoluent joue évidemment un rôle considérable dans leur éducation et les conditions d’apprentissages dont ils bénéficient. Pourtant :

•        12 % des enfants et jeunes considèrent que leur école est en « mauvais état » (9,4%) ou « Très mauvais état » (2,6%)

•        26,90 % des enfants indiquent ne pas avoir un adulte de confiance à qui se confier si besoin au sein de leur établissement scolaire.

•        Un enfant sur dix (10,40 %) indique être « souvent » ou « de temps en temps » concerné par le harcèlement.

Or, plus le mal-être de l’enfant est grand et la consommation de substances psychoactives est importante, moins la perception des enfants concernant les divers apprentissages réalisés à l’école et hors de l’école est positive.

Être victime de violence a des répercussions en termes de perte d’estime de soi, d’anxiété et peut altérer la santé mentale, en faisant le lit de dépressions, phobies sociales… autant de facteurs de vulnérabilités entravant les apprentissages réalisés dans le contexte extérieur à la famille.

« Cette nouvelle Consultation montre qu’en matière d’éducation, il reste de nombreux défis à relever et que l’urgence est de remédier aux écarts d’apprentissage que cette pandémie a creusés. Etat, parents, enseignants, acteurs éducatifs locaux, il nous appartient de nous rallier à la cause des enfants et des jeunes avec ce sentiment d’urgence, afin de créer pour eux des possibilités d’animer leurs rêves et de les épauler à chaque étape de leur vie », appelle Ann Avril, directrice générale adjointe d’UNICEF France

 

 Sources :

(1) Forum économique mondial – Rapport the Future of Jobs – 2017 

(2) Bruner, A. et Maurin L. dir. (2021). Rapport sur les inégalités en France. Observatoire des inégalités, juin.

 

UNICEF