Plastique, pesticides, cosmétiques… Les perturbateurs endocriniens dérèglent nos hormones, affectent la fertilité, le développement du cerveau et la santé de nos enfants. Découvrez les preuves scientifiques et comment agir.

 

Plastique, pesticides, cosmétiques, alimentation, pollution… Les perturbateurs endocriniens sont partout. Invisibles à l’œil nu, ces substances ont pourtant un pouvoir dévastateur : elles dérèglent notre système hormonal, affectent notre fertilité, perturbent le développement du cerveau et mettent en danger la faune et la flore.

Leur particularité ? Ils agissent à des doses infimes, parfois plus dangereuses encore que des expositions massives. Et les effets peuvent se transmettre d’une génération à l’autre.

Ce que révèle aujourd’hui la science est alarmant. Ce dossier s’appuie sur les dernières recherches présentées lors des Journées Klotz 2025. Avec un constat : l’urgence d’agir n’a jamais été aussi grande.

Définition : qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien (PE) ?

Un perturbateur endocrinien (PE) est une substance chimique (naturelle ou artificielle) qui interfère avec le fonctionnement du système hormonal, à des doses extrêmement faibles. Il peut être présent dans les plastiques, les pesticides, les produits ménagers, les cosmétiques, l’eau, l’air, les aliments.

Contrairement aux toxiques classiques, leur danger n’est pas proportionnel à la dose : des effets graves peuvent survenir à des doses infimes.

« Avec ces molécules, on peut avoir des effets extrêmement forts avec des doses très faibles, très diluées. » — David Siaussat, Sorbonne Université

1. Plastiques et agriculture : une contamination à tous les étages

Selon le chercheur David Siaussat, la pollution plastique touche désormais les sols, les cultures, les insectes, et par ricochet… nos assiettes.

  • Le bisphénol A (BPA) et les phtalates contaminent les plantes

  • Les insectes herbivores sont à leur tour contaminés

  • Ces substances montent ensuite toute la chaîne alimentaire

« Les insectes qui ingèrent des plantes contaminées peuvent l’être à leur tour, et cette contamination peut se propager à d’autres maillons de la chaine alimentaire comme les vertébrés dont l’être humain. »

Problème clé : Les effets observés sur les insectes sont transgénérationnels. Cela signifie que même une faible exposition aujourd’hui peut provoquer des malformations ou dysfonctionnements durables chez leurs descendants.

2. Les chimpanzés d’Afrique, sentinelles de notre pollution invisible

Dans le parc de Sebitoli en Ouganda, la biologiste Sabrina Krief observe des chimpanzés gravement affectés par les pesticides agricoles et les plastiques.

  • 1 chimpanzé sur 4 présente des malformations faciales

  • Jusqu’à 60 perturbateurs endocriniens identifiés dans leurs poils

  • De l’eau analysée montre des effets sur le développement d’organismes comme les têtards

« Nos modes de vie ont transformé la forêt tropicale. Les produits que nous consommons ici, en Europe, chaque matin […] sont cultivés dans les zones tropicales, le plus souvent aux dépens des forêts qui disparaissent à un rythme effrayant. » — Sabrina Krief

3. In utero et petite enfance : les périodes critiques

Anne-Simone Parent, endocrinologue à Liège, rappelle que la vie fœtale et les premières années de vie sont les périodes les plus sensibles aux PE.

  • Un nouveau-né a déjà été exposé à 100 PE

  • Cela peut perturber le développement du cerveau, abaisser le QI, augmenter les troubles de l’apprentissage et l’autisme

  • Les effets peuvent durer sur 3 à 4 générations (via des modifications épigénétiques)

« C’est un problème de santé publique ! » — Anne-Simone Parent

4. Fertilité : notre horloge biologique déréglée par les PE

Les conséquences d’une exposition précoce aux perturbateurs endocriniens sur les fonctions reproductrices

 

Selon la chercheuse Valérie Simonneaux du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), nos rythmes circadiens sont vitaux pour la reproduction.

  • L’exposition à la lumière nocturne, au travail posté et aux PE désynchronise l’horloge biologique

  • Chez la souris, cela perturbe l’ovulation même longtemps après retour à la normale

  • Chez la femme, cela allonge les cycles, accroît le risque de fausse couche

« La perturbation est persistante, même si l’on revient à un cycle normal. » — Valérie Simonneaux

 

5. BPA, cancer du sein et changement de paradigme

La biologiste Ana Soto, pionnière de la recherche sur le Bisphenol A BPA, démontre un lien clair entre exposition fœtale aux PE et augmentation des cancers du sein.

« Nous avons suffisamment de données scientifiques pour soutenir l’idée qu’il faut prendre des mesures de santé publique. »

Elle appelle à abandonner la vieille doctrine toxicologique selon laquelle « la dose fait le poison ».

« Les perturbateurs endocriniens agissent même à des doses infinitésimales. Il faut changer de paradigme. »

Infographie pédagogique en français sur les effets des perturbateurs endocriniens sur les hormones, le cerveau, la fertilité et l’humeur, avec sources, symptômes, zones ciblées et solutions naturelles.

6. Cerveau et mémoire : les phtalates nous altèrent en silence

La chercheuse Sakina Mhaouty-Kodja montre que l’exposition aux phtalates altère le cerveau, même après la fin de l’exposition.

  • Défauts d’apprentissage, de mémoire
  • Altération de l’hippocampe
  • Troubles du comportement sexuel chez la souris

« Ces effets persistent à l’âge adulte, même si l’exposition a cessé. » — Sakina Mhaouty-Kodja

Elle appelle à revoir d’urgence les seuils de tolérance européens, basés sur des données scientifiques obsolètes.

Les PE entraînent-ils des troubles anxieux et des dépressions ?

Des études de plus en plus nombreuses suggèrent que l’exposition chronique aux perturbateurs endocriniens pourrait également contribuer à l’apparition de troubles anxieux, voire de dépressions.

Les PE altèrent des zones du cerveau comme l’amygdale ou l’hippocampe, impliquées dans la gestion du stress et des émotions. Ces perturbations peuvent fragiliser la résilience psychique, surtout si l’exposition a lieu pendant des périodes critiques (vie in utero, enfance, puberté).

« Les effets des PE sur le cerveau ne se limitent pas à la mémoire. Nous observons des répercussions comportementales, émotionnelles et cognitives durables. » — Résumé d’études CNRS 2024

 

7. Quelles solutions ? Les pistes individuelles et collectives

Individuellement :

  • Utiliser du verre pour conserver les aliments

  • Éviter les produits chauffés au micro-ondes dans du plastique

  • Réduire les cosmétiques et aérer l’habitat

  • Privilégier les produits bio et locaux

Collectivement :

  • Interdire les substances par famille, pas au cas par cas

  • Revoir les tests préalables à la mise sur le marché

  • Intégrer les effets à long terme, les fenêtres de sensibilité, la transmission intergénérationnelle

 

8. Foire aux questions (FAQ) — Perturbateurs endocriniens

Quels sont les principaux perturbateurs endocriniens à éviter ?

Parmi les plus connus : le bisphénol A (BPA), les phtalates, les parabènes, certains pesticides (glyphosate, néonicotinoïdes), les retardateurs de flamme (PBDE).

Pourquoi sont-ils dangereux même à faibles doses ?

Les PE interfèrent avec les hormones, qui agissent elles-mêmes à de très faibles concentrations. Même une exposition minime peut produire des effets majeurs, surtout pendant les périodes sensibles (fœtus, enfance, puberté).

Comment réduire son exposition au quotidien ?

  • Ne pas chauffer d’aliments dans du plastique
  • Choisir des cosmétiques simples, sans parfum ni conservateurs suspects
  • Aérer régulièrement son intérieur
  • Manger bio, local, et éviter les produits ultra-transformés

Peut-on vraiment les interdire ?

C’est possible, mais complexe : beaucoup d’entre eux sont encore autorisés. Les chercheurs demandent une régulation par famille chimique (et non molécule par molécule), ainsi que des tests prenant en compte les effets à long terme et les faibles doses.

Les perturbateurs endocriniens entraînent-ils des troubles anxieux ou dépressifs ?

Oui, des travaux scientifiques récents établissent un lien entre exposition prolongée aux PE et augmentation des troubles anxieux ou dépressifs. Les mécanismes passent notamment par l’altération des hormones du stress (cortisol, sérotonine) et des zones cérébrales clés. Une vigilance particulière est recommandée pendant les périodes de développement neurologique (grossesse, petite enfance, adolescence).

Peut-on détoxifier son corps des perturbateurs endocriniens pour aller mieux ?

Il est quasiment impossible d’éliminer complètement tous les PE présents dans l’environnement. Cependant, plusieurs stratégies permettent de réduire fortement leur présence dans l’organisme et d’en atténuer les effets sur le corps et l’esprit :

  • Réduction des sources : éviter les plastiques alimentaires, les cosmétiques chimiques, les pesticides et les produits ménagers industriels.
  • Soutien du foie et des émonctoires : adopter une alimentation riche en antioxydants (fruits, légumes, curcuma, thé vert), bien s’hydrater, pratiquer une activité physique régulière.
  • Sudation et élimination : sauna, hammam ou exercice favorisent l’élimination par la peau.
  • Soutien psychique : certaines personnes notent une amélioration de l’humeur, de la concentration et une diminution de l’anxiété après réduction de l’exposition aux PE.

Aucune « cure miracle » n’existe, mais un mode de vie sobre en toxiques environnementaux peut contribuer au mieux-être hormonal, mental et physique. Oui, des travaux scientifiques récents établissent un lien entre exposition prolongée aux PE et augmentation des troubles anxieux ou dépressifs. Les mécanismes passent notamment par l’altération des hormones du stress (cortisol, sérotonine) et des zones cérébrales clés. Une vigilance particulière est recommandée pendant les périodes de développement neurologique (grossesse, petite enfance, adolescence).

 

 Le cri de la science

Les experts du dossier Hormones & Environnement lancent un appel unanime : il faut agir maintenant.

« Les produits que nous utilisons ici ont des conséquences là-bas. La disparition des singes est un signal pour l’humanité toute entière. » — Sabrina Krief

« Les PE affectent le cerveau, la reproduction, l’obésité, l’autisme. C’est un enjeu de civilisation. » — Anne-Simone Parent

Dépasser le déni, informer, se mobiliser. Car ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement notre santé. C’est notre avenir.

Sources :

Hormones & Environnement, juin 2025, Journées Klotz. Citations conservées des scientifiques : D. Siaussat, S. Krief, A.-S. Parent, V. Simonneaux, A. Soto, S. Mhaouty-Kodja

Sophie Madoun