Au moment où les ministres de la pêche sont réunis à Bruxelles pour négocier les quotas de 2019, l’UFC-Que Choisir dénonce, enquête terrain accablante à l’appui, les mauvaises pratiques de la grande distribution en matière de pêche durable. En effet, 86 % des poissons présents dans les étals des grandes surfaces enquêtées sont pêchés selon des méthodes non durables ou dans des stocks surexploités. Au regard des risques environnementaux liés à la surpêche, l’UFC-Que Choisir presse les pouvoirs publics de durcir les quotas de pêche mais aussi de rendre l’étiquetage sur la durabilité de la pêche enfin explicite.

Pas moins de 88 % des stocks de poissons européens sont actuellement surexploités ou voient leur capacité à se reconstituer menacée1, induisant dès lors un risque d’effondrement des stocks pour des espèces particulièrement menacées telles que le bar. Promotrice d’une consommation responsable, l’UFC-Que Choisir a mené l’enquête2 auprès de 1134 poissonneries de grandes surfaces3, s’agissant de trois poissons de consommation courante menacés par la surpêche (le cabillaud, la sole et le bar) avec un double objectif : vérifier le respect des mentions obligatoires sur les méthodes de pêche et les zones de capture ; analyser les résultats sur la durabilité des ressources exploitées, tant en termes de méthodes de pêche que de zones de captures. Le résultat est malheureusement tristement sans appel : la grande distribution n’a aucune politique d’approvisionnement durable pour les trois espèces étudiées.

Des étiquetages manquants, fantaisistes ou trop vagues pour 2 poissons sur 3



Dans deux tiers des cas, les mentions obligatoires sont absentes, fantaisistes ou trop vagues. Avec plus de trois poissons sur quatre mal étiquetés, Intermarché décroche la palme, talonné par Système U et Leclerc qui totalisent respectivement 76 % et 67 % d’étiquetage non conformes ! S’agissant des zones de capture, on relève des mentions particulièrement vagues du type « Atlantique » ou « Méditerranée ». Or, en l’absence de zone maritime précise, on ne peut pas identifier les poissons provenant de stocks surexploités. Quant à l’information sur les méthodes de pêches, elle est absente pour un poisson sur quatre ! Alors que les consommateurs sont conscients des dégâts occasionnés par certains engins de pêche comme les chaluts de fonds, il est inadmissible qu’en étant privés de cette information, ils puissent acheter à leur insu des poissons pêchés de manière dévastatrice pour l’environnement.

86 % de poissons non-durables au rayon poissonnerie !

Seuls les poissons pêchés avec des méthodes respectueuses de la ressource et dans des zones où les stocks sont abondants peuvent être considérés comme durables. Mais en croisant les données sur les méthodes de pêche avec les zones de capture, il apparaît qu’au rayon poissonnerie de la grande distribution, 86 % des poissons examinés sont « non-durables » ! Le cabillaud est le poisson qui affiche le pire résultat (88 % de poissons non durables), suivi par la sole et le bar (respectivement 86 % et 80 % de poissons non durables).

Les méthodes de pêche, très majoritairement non durables, expliquent en partie ces résultats. Le chalut, de loin la méthode de pêche la plus utilisée, est ainsi relevé pour les trois quarts des cabillauds et pour plus de la moitié des soles et des bars. A l’inverse, les méthodes de pêche les plus respectueuses telles que les lignes et les hameçons, ne sont relevées quant à elles que pour un quart des bars et 14 % du cabillaud.

Aucune des grandes enseignes ne propose une pêche durable !

L’analyse de la durabilité pour les sept grandes enseignes étudiées réserve une surprise : les taux très élevés de poisson non durables sont à peu près identiques chez tous les distributeurs. Système U, l’enseigne la plus mal notée, propose 89 % de poissons non durables, alors que Cora qui est le moins mal classé, en propose 81 %, soit une proportion à peine moins élevée. Ces chiffres démontrent qu’aucune enseigne n’a mis en place une politique d’approvisionnement durable pour les trois poissons étudiés.

Alors que les professionnels de la pêche et de la distribution sont dans l’incapacité de proposer une offre de poissons durables, l’UFC-Que Choisir, soucieuse de la préservation des ressources marines :

  • Exhorte les Ministres de la pêche à aligner strictement les futurs quotas sur les recommandations émises par les experts du Conseil International pour l’Exploration de la Mer ;
  • Demande que l’étiquetage réglementaire intègre un indicateur explicite de la durabilité du poisson ;
  • Saisit la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes pour que celle-ci réalise des contrôles sur le respect des dispositions réglementaires d’étiquetage.

Par ailleurs, souhaitant aider les consommateurs à orienter leurs choix vers les poissons les plus durables, l’Association recommande lors des achats :

  • De préférer les méthodes de pêche les plus protectrices de la ressource (lignes, hameçons et filets) ;
  • De diversifier les achats en privilégiant les espèces dont les stocks sont les plus fournis (par exemple lieu noir, merlan, hareng, maquereau) ;
  • De proscrire les achats de poissons de grands fonds (notamment sabre noir, grenadier, lingue bleue) du fait de la grande fragilité de ces stocks.

NOTES

1 Rapport de l’Agence Européenne pour l’Environnement sur l’état des ressources marines – 2015.2 Enquête menée entre le 20 janvier et le 3 février 2018.3 Trois quarts des achats de poissons frais et autres produits de la mer des consommateurs français sont réalisés dans la grande distribution (Source : Consommation des produits de la pêche et de l’aquaculture 2017 – FranceAgrimer Septembre 2018).