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Les bactéries étant de plus en plus résistantes, l’ESCMID met en garde l’Europe du risque d’un million de morts causé par l’utilisation d’antibiotiques inefficaces d’ici à 2025.

La Société Européenne pour la Microbiologie Clinique et les Maladies Infectieuses (ESCMID) – une organisation chargée de l’évaluation des risques, du partage des connaissances et des meilleures pratiques dans la lutte contre les maladies infectieuses –émet une grave prédiction : d’ici à 2025, plus d’un million de personnes trouveront la mort en Europe suite à l’utilisation d’antibiotiques inefficaces.

Ce grave avertissement survient alors que les plus grands microbiologistes et spécialistes en matière de maladies infectieuses à travers le monde se réunissent à Copenhague en fin de semaine – à l’occasion du Congrès européen sur la microbiologie clinique et les maladies infectieuses (ECCMID) – en vue d’étudier les solutions potentielles pour remédier à ce problème grandissant.

Patrice Nordmann, spécialiste ESCMID pour la France et professeur en microbiologie à l’Université de Fribourg, a commenté : “En France, nous avons un problème important de résistance aux antibiotiques, étant donné que les bactéries résistantes venus de pays étrangers se propagent de plus en plus ici – notamment du fait de nos relations particulières de population avec l’Afrique du Nord, réservoir important de multirésistantes aux antibiotiques. A présent, nous commençons à assister à une propagation aussi bien hospitalière que communautaire de bactéries multirésistantes (par exemple des Entérobactéries) Il existe par ailleurs une prévalence de plus en plus importante en France de la résistance chez des espèces bactériennes typiquement hospitalières comme P. aeruginosa et A. baumannii. En France, il serait nécessaire de détecter très tôt les patients porteurs et infectés et de séparer les patients atteints. Afin que nous puissions combattre de manière active les menaces à venir, il est souhaitable que les organismes de santé investissent dans le diagnostic rapide de ces résistances et leur implementation large afin de contenir autant que possible leurs diffusion.. Il n’y a pas de solution simple, mais nous devons agir maintenant avant que le problème ne commence à toucher un nombre critique de personnes et qu’il ne donne lieu à une épidémie européenne majeure. »

Actuellement, les meilleurs chiffres dont nous disposons ont été publiés en 2009 et estiment qu’environ 25 à 30 000 européens meurent chaque année de la résistance aux antimicrobiens et que le nombre total de décès dépasse désormais les 400 000. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (CEPCM) fournira des données pour 2013 qui seront disponibles plus tard dans l’année. Cependant, au vu des nouvelles épidémies pour lesquelles il était presque impossible de traiter les microorganismes, l’ESCMID prédit que le taux de mortalité actuel (réel) aura certainement augmenté de manière significative. De plus, l’ESCMID prédit qu’au cours des 10 prochaines années, le nombre annuel de décès en Europe pourrait atteindre les 50 000. La position internationale est encore plus critique, et d’ici à 2050, le nombre annuel de décès pourrait atteindre les 10 millions, surpassant les plus grands tueurs tels que le cancer, le diabète et les accidents de la route.
“L’aspect actuel le plus inquiétant en France est qu’il existe un très grand risque bien réel, notamment concernant la résistance bactérienne, se propageant de l’Amérique du nord aux États de la Méditerranée tels que la Grèce. Néanmoins, personne ne sait réellement quelle est l’envergure de ce problème actuellement ni quelle en sera son évolution à l’avenir. Bien qu’il soit possible que les chiffres restent plus ou moins équivalents dans les différents pays d’Europe, il est bien plus probable qu’ils doublent, triplent ou quadruplent au cours des 10 prochaines années. L’autre problème majeur est que les bactéries ne respectent pas les frontières entre pays, il est donc fort probable que nous assistions à une propagation de microbes hautement résistants provenant des nations présentant un problème plus grave. Nous avons besoin de stratégies aussi bien européennes qu’internationales ainsi que d’initiatives nationales, car le problème ne restera pas local très longtemps”, a commenté Murat Akinova,
Président de l’ESCMID.

Les nations européennes les plus affectées sont la Grèce, l’Espagne et l’Italie qui sont confrontées à une apocalypse des antibiotiques imminente, car un nombre grandissant de bactéries au sein des pays sont désormais résistants à la plupart ou toutes les formes d’antibiotiques connues. L’ESCMID avertit que ce problème ne découle pas seulement du manque de nouveaux antibiotiques mais est également aggravé par une gestion et un contrôle médiocres de l’approvisionnement en médicaments et du contrôle insuffisant des infections dans de nombreux hôpitaux et institutions. Malheureusement, ce changement engendre des conséquences allant bien au-delà de la simple augmentation du taux de mortalité car il compromet fondamentalement les services médicaux modernes, impliquant une augmentation rapide des coûts et des thérapies et séjours hospitaliers prolongés. Le coût économique associé à la résistance aux antibiotiques en Europe s’élève à environ 1,5 milliards d’euros et croît très rapidement.

Cette année, le congrès traitera à nouveau cette question et la société appelle les gouvernements et la communauté pharmaceutique à rester vigilants dans cette lutte. L’ESCMID commente qu’il est vital que de nouveaux investissements soient faits et que nous mettions en œuvre de manière drastique le développement de la prévention des infections et le contrôle des stratégies, tout en développant l’éducation et la formation, et plus tard créer un service de R&D autours des nouveaux antibiotiques. Cependant, l’ESCMID demande à ce que les pays améliorent avant tout la durabilité des antibiotiques existants à travers une utilisation et une intendance antimicrobiennes prudentes.
Le Comité européen des tests antimicrobiens de susceptibilité – organisé par l’ESCMID – fonctionne comme un comité réunissant l’EMA (Agence européenne des médicaments) et le CEPCM, et annoncera une mise à jour pour les pays européens durant le congrès de cette année.