Alors que les débats sur la loi Agriculture et Alimentation sont en cours au sein de l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, une nouvelle déconvenue s’est produite ! Malgré les promesses du candidat Macron, le glyphosate ne sera pas interdit. Explications.

Alors que des amendements clé avaient été déposés par des députés pour améliorer notre alimentation, le ministre de l’Agriculture a choisi de botter en touche sur les sujets qui fâchent, dénonce foodwatch. « Pas besoin d’une loi, faites confiance au Gouvernement et aux engagements volontaires des industriels », a répété en substance Stéphane Travert. Pour foodwatch, pas question de circuler.

Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, s’est couché devant les députés Les Républicains et a retiré un amendement du gouvernement – à la portée pourtant limitée – visant à prendre enfin des mesures de protection des riverains vis-à-vis des pesticides épandus à proximité des habitations.

Cet amendement, pourtant loin d’être révolutionnaire, introduisait dans le code rural la possibilité pour l’autorité administrative – à savoir les préfets – d’interdire ou encadrer l’utilisation des pesticides dans des zones « attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties, à usage d’agrément, contigües à ces bâtiments. ». Aucune contrainte obligatoire n’était donc proposée, pas même de zones sans traitement évoquées dans cet amendement du gouvernement. Et bien même cette petite avancée, des députés (majoritairement Les Républicains), défenseurs d’une vielle France, n’en voulaient pas et ils l’ont fait savoir au ministre présent dans l’hémicycle qui s’est plié à leur demande de retrait de l’amendement.

« Cette position du ministre Travert est proprement scandaleuse alors même qu’il s’agissait d’une promesse faite dans le cadre du plan pesticides par les Ministres du gouvernement. » déclare F Veillerette directeur de Générations Futures. « Ce retrait est d’autant plus scandaleux qu’en cette période d’épandage des pesticides, nos associations sont assaillies de messages de riverains implorant de l’aide parce qu’ils sont victimes de pulvérisations régulières alors que les enfants jouent dans les jardins attenants aux zones cultivées. Rappelons au ministre que des études sont en cours au sein de Santé publique France parce que justement ce sujet de l’exposition des riverains aux pesticides, considérés comme des populations vulnérables au sens du Règlement européen 1107/2009, est une préoccupation des services de santé. Le récent rapport de l’ IGAS et du CGEDD montre clairement que des substances dangereuses sont toujours utilisées et impactent les populations. M Travert a totalement manqué de courage politique ce soir et n’a pas été au niveau de sa mission en étant incapable de trouver de bons arguments pour défendre l’amendement gouvernemental, il porte la lourde responsabilité de cet échec. » conclut-il.

 

1. Pesticides et autres substances toxiques dans les aliments. La liste des substances chimiques dangereuses pour la santé qui s’invitent dans les produits alimentaires est longue, très longue : résidus de pesticides, perturbateurs endocriniens, nanoparticules, dérivés aromatiques d’huiles minérales, additifs… Or beaucoup n’ont rien à y faire. Si le projet de Loi a timidement abordé la question – par exemple sur le dioxyde de titane – il n’est pas du tout à la hauteur des enjeux. Pire, même l’engagement du Président Macron d’interdire le glyphosate en France en trois ans a été balayé du revers de la main, alors que plusieurs amendements demandaient à l’ancrer dans la Loi.

« La contamination de notre alimentation par des substances chimiques dangereuses n’est pas sérieusement prise en compte. Et ne pas inclure l’interdiction du glyphosate promise par E. Macron est tout simplement incompréhensible. Avec cette Loi, en l’état, l’agrochimie et les lobbies de la malbouffe ont encore de beaux jours devant eux ! », dénonce Karine Jacquemart, directrice de foodwatch.

2. Malbouffe : un enfant sur six en France est en surpoids ou obèse. L’Organisation mondiale de la santé recommande depuis des années de protéger les enfants du matraquage publicitaire. La Stratégie nationale de santé publique pour 2018-2022 le prévoit également. foodwatch a donc proposé un amendement en ce sens qui a été défendu par plusieurs députés : interdire la publicité et le marketing ciblant les enfants de moins de 16 ans pour des produits trop sucrés, trop gras ou trop salés, sur tout support de communication (télé, Internet, etc.). Verdict : l’amendement a été rejeté dimanche, au motif qu’il faut plutôt « responsabiliser les acteurs de l’industrie agroalimentaire ». Qui peut croire sérieusement que les fabricants de produits trop sucrés, gras et salés renonceront à leurs marges et protègeront la santé des enfants ? foodwatch a dénoncé l’inefficacité des engagements volontaires des marques, en épinglant notamment la gamme Lulu L’Ourson du groupe Mondelez.

3. Sécurité sanitaire : les enseignements de Lactalis
Lorsque foodwatch a porté plainte en février dans l’affaire Lactalis, l’organisation avait listé des recommandations pour améliorer la sécurité sanitaire de nos aliments. La Loi agriculture et alimentation a pris une compte une partie d’entre elles, mais peine à marquer un virage vers plus de transparence pour contribuer à restaurer la confiance des consommateurs. foodwatch avait proposé pour cela que l’ensemble des contrôles officiels dans la chaine de production des produits alimentaires soient rendus publics. En vain.

Le texte de la Loi Agriculture et Alimentation peut encore être remusclé dans les prochaines étapes des discussions parlementaires. « Pour le moment, les Etats généraux de l’Alimentation et les ambitions de cette Loi n’ont accouché que d’une souris, qui ne risque pas inquiéter les lobbies de la malbouffe et de l’agrochimie », conclut Karine Jacquemart.