Des cas d’allergies et d’irritations cutanées en lien avec les vêtements ou des chaussures sont régulièrement rapportés aux autorités sanitaires. L’Anses publie ce jour les résultats de son expertise ayant permis l’identification de substances chimiques susceptibles d’être présentes dans ces articles et pouvant être à l’origine de ces cas. A l’issue de cette expertise, l’Agence émet des recommandations visant à mieux protéger les consommateurs des risques d’allergies et d’irritations cutanées provoquées par la présence de ces substances.

L’industrie de la mode a connu une croissance exponentielle au fil des décennies, offrant une vaste gamme de vêtements et de chaussures pour répondre aux besoins et aux désirs des consommateurs du monde entier. Cependant, derrière les tendances et les styles se cachent souvent des réalités moins visibles, notamment l’utilisation répandue de substances chimiques dans les vêtements et les chaussures pour la fabrication de ces produits. De la teinture des tissus à la fabrication des semelles, de nombreux produits chimiques interviennent tout au long du processus.

Des substances chimiques dans les vêtements et les chaussures

Face aux cas d’allergies et d’irritations cutanées en lien avec des vêtements et/ou des chaussures signalés aux autorités sanitaires, les ministères en charge de la santé et de l’économie ont saisi l’Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (Anses) afin d’identifier des substances chimiques irritantes ou sensibilisantes cutanées, réglementées ou non, susceptibles d’être présentes dans ces articles. Les ministères ont également demandé à l’Anses de réaliser un état des lieux des connaissances sur la toxicité de ces substances et  d’établir des recommandations en matière de fabrication, conservation, transport et sur l’opportunité ou non de limiter l’utilisation de certaines substances.

Pour mener à bien cette expertise, l’Agence a réalisé une étude de la littérature scientifique, complétée par des essais sur un échantillonnage de vêtements neufs prélevés dans plusieurs points de vente et des chaussures ayant entrainé des plaintes de clients, pour rechercher la présence de substances irritantes ou allergisantes cutanées. Au total, une vingtaine de familles de substances chimiques ont été recherchées dans les vêtements et une cinquantaine de substances dans les chaussures.

Ces analyses ont permis d’ajuster les familles de substances chimiques à rechercher et de confirmer entre autres la présence de nonylphénols, de nonylphénols éthoxylates ou encore de formaldéhyde. Elles ont également permis d’identifier des substances non analysées en routine, pouvant entrainer des dermatites de contact telles que la 1,4-paraphénylènediamine ou des dérivés organostanniques, ou des colorants azoïques.

La teinture et le traitement des tissus

L’une des premières étapes de la fabrication de vêtements implique souvent la teinture et le traitement des tissus. Les colorants et les produits chimiques utilisés pour fixer la couleur peuvent contenir des éléments potentiellement nocifs. Par exemple, des métaux lourds tels que le plomb et le cadmium ont été trouvés dans certains colorants. Les substances chimiques utilisées pour rendre les tissus imperméables, résistants aux taches ou anti-rides peuvent également comporter des risques pour la santé humaine et l’environnement.

Les produits chimiques dans les matériaux synthétiques des vêtements et des chaussures

Les vêtements et les chaussures fabriqués à partir de matériaux synthétiques tels que le polyester, le nylon et le polyuréthane contiennent des produits chimiques dérivés du pétrole. Certains de ces composés, comme les phtalates, ont été associés à des problèmes de santé tels que les perturbations endocriniennes. La production et la décomposition de ces matériaux peuvent également contribuer à la pollution plastique dans l’environnement.

Adhésifs et colles dans les chassures

Les chaussures, en particulier, font appel à divers adhésifs et colles pour assembler les différentes parties. Ces produits chimiques peuvent contenir des solvants volatils organiques (COV) qui sont potentiellement dangereux pour les travailleurs de l’industrie et qui peuvent également être libérés dans l’air intérieur une fois les produits finis sur le marché.

Traitements anti-microbiens et anti-odeurs

De nombreux vêtements et chaussures sont traités avec des produits chimiques anti-microbiens pour réduire les odeurs et prévenir la croissance des bactéries. Cependant, certains de ces produits chimiques, comme les triclosans, sont sous examen en raison de leurs effets potentiels sur la santé humaine et l’environnement.

Impact sur la santé humaine et l’environnement

Les produits chimiques utilisés dans l’industrie de la mode ne sont pas seulement une préoccupation en termes de fabrication, mais aussi en ce qui concerne leur impact sur la santé humaine et l’environnement tout au long du cycle de vie des produits. Les travailleurs de l’industrie peuvent être exposés à ces produits chimiques lors de la production, et les consommateurs peuvent être exposés à certains composés par contact direct avec la peau.

En outre, les rejets de produits chimiques dans l’eau et le sol lors de la fabrication peuvent contribuer à la pollution environnementale. Les substances chimiques persistantes peuvent s’accumuler dans les écosystèmes et avoir des effets durables sur la faune et la flore.

Mise en place d’une étude biomédicale pionnière en France

L’Anses a également mis en place une étude biomédicale, pionnière en France, afin d’investiguer des cas d’allergie ou d’intolérance cutanée pouvant être liés à des substances chimiques dans des vêtements ou des chaussures.

Pour cela, l’Anses a mobilisé un réseau de médecins (dermato-allergologues, toxicologues…) et a mis en place des analyses sur les articles portés par le patient et suspectés d’être associés aux réactions cutanées, afin de caractériser les substances chimiques présentes dans ces articles. La première phase de l’étude a inclus une trentaine de patients adultes entre janvier et septembre 2017. Elle a permis dans certains cas d’identifier des substances chimiques présentes dans des articles portés à l’origine de symptômes (par ex. benzidine, chrome VI, nickel, résine 4-tertbutylphénolformaldéhyde, colorant azoïque). Au vu des premiers résultats de l’étude, l’Agence a décidé de poursuivre l’étude jusqu’en octobre 2018 et les résultats feront l’objet d’un avis complémentaire de l’agence.

 

Les recommandations de l’Agence

A l’issue de cette expertise, l’Anses émet les principales recommandations à l’attention des autorités :

  • maintenir une pression de contrôle des articles chaussants et textiles d’habillement mis sur le marché afin d’éviter la présence d’articles non conformes à la réglementation portant sur les substances chimiques dans ces articles ;
  • réviser le seuil réglementaire du chrome VI dans les articles en cuir ;
  • fixer un seuil réglementaire pour le nickel dans les textiles ;
  • proposer une classification dans le cadre du règlement européen n°1272/2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage (CLP), pour les substances non réglementées et identifiées comme responsables d’allergies cutanées en tant que « sensibilisant et/ou irritant cutané ».

 

En outre, l’Agence émet les recommandations suivantes à l’attention des responsables de la mise sur le marché des textiles d’habillement et/ou des articles chaussants :

  • s’assurer auprès de leurs fournisseurs de l’absence de substances CMR ou sensibilisantes ou irritantes cutanées dans les articles chaussants ou textiles d’habillement ;
  • réaliser des études pour acquérir des données toxicologiques concernant les colorants CI Disperse Orange 37/76 et CI Disperse Yellow 23,deux colorants mis en évidence dans l’expertise et non révélés jusqu’alors, pour lesquels aucune donnée toxicologique n’est disponible. Ces données seront également utiles pour le développement de tests épicutanés ;
  • travailler à la mise en place d’un dispositif d’information (étiquetage, emballage) du consommateur en particulier les populations déjà sensibilisées, permettant de signaler la présence potentielle de telles substances.

 

Enfin, l’Anses recommande de sensibiliser les consommateurs à l’importance de laver, avant de le porter pour la première fois, tout vêtement susceptible d’entrer en contact avec la peau, en suivant les recommandations de lavage préconisées par le fabricant.

Les résultats de cette expertise appuieront le dossier de restriction dans le cadre du règlement REACh, porté par la France et la Suède au niveau européen, sur les substances sensibilisantes ou irritantes cutanées présentes dans des vêtements et chaussures.

 

Anses