L’article 4 sur les dérives sectaires a été adopté à l’assemblée nationale le 14 février. Depuis, les réseaux sociaux s’affolent estimant que ce dit article était une atteinte à la liberté d’expression. Mais qu’en est-il au juste ? Explications.

L’article 4 a été adopté à l’assemblée nationale mercredi 14 février pour lutter contre les victimes des dérives sectaires afin de les aider face aux pratiques des « gourous 2.0″, charlatans dans le domaine de la santé par la sphère complotiste prodiguant de précieux conseils pour soigner un cancer avec des thérapies à base de bons jus de fruits, des injections de gui ou de l’énergie issue de la médecine quantique. Vive les guérisons spectaculaires !

Initialement proposé par Sonia Backès, et actuellement soutenu par sa successeure au poste de secrétaire d’État à la citoyenneté, Sabrina Agresti-Roubache et la rapporteure Renaissance Brigitte Liso, cet amendement cible spécifiquement la hausse alarmante de signalements reçus par l’organisme de lutte contre les dérives sectaires, la Miviludes, dans le secteur de la santé. En effet, la crise sanitaire a entraîné une prolifération de prétendus experts, thérapeutes, coachs, praticiens (appelez-les comme vous le souhaitez) dans le domaine du bien-être et du développent personnel, comme les naturopathes, les maitres reiki, qui, en éloignant parfois leurs clients des soins médicaux conventionnels, peuvent compromettre leur sécurité avec leur emprise psychologique et leurs discours sectaires et complotistes contre Big Pharma.

Depuis, bon nombre de membres de membres politiques de La France Insoumise, du Rassemblement National de certains Républicains, sans compter les internautes sont vent debout criant à une atteinte à la liberté d’expression. D’ailleurs deux pétitions visant à faire retirer ce texte circulent en ligne.

La provocation à l’abandon de soins et article 4

Rappelons que l’article 4 a reçu l’appui du secteur médical et des acteurs engagés contre la désinformation dans le domaine de la santé, et s’est retrouvé sous les feux des projecteurs en novembre dernier, suite à un retour tiède du Conseil d’État. Ce dernier, évaluant le projet de loi, avait conseillé d’écarter la création de ce nouveau délit. L’organe consultatif avait exprimé des réserves sur « la promotion de pratiques de soins dites « non conventionnelles » dans la presse, sur Internet et les réseaux sociaux » constituerait « une atteinte portée à l’exercice de la liberté d’expression« .

Mais comme l’a souligné dans Marianne la présidente de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi),  Catherine Katz en ce qui concerne  » la loi actuelle, si le gourou ne suggère pas directement d’arrêter un traitement par exemple, l’infraction est beaucoup plus complexe à caractériser »

L’article 4 va-t-il nous empêcher de critiquer la médecine ?

Brigitte Liso a fait une modification importante de l’article 4, visant à remettre en place mais avec des ajustements significatifs : la provocation à l’abandon de soins. Et a précisé un point crucial : aucune responsabilité ne serait être attribuée si la preuve est apportée que l’individu impliqué a consenti en étant informé par le manipulateur.

Cette article 4 considère comme circonstance aggravante l’abus de faiblesse réalisé via un internet et/ou les réseaux sociaux, en augmentant les sanctions actuelles de trois ans de prison et 375 000 euros d’amende à cinq ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende. De plus, ce texte vise à renforcer la protection des mineurs contre les dérives sectaires en prolongeant les délais de prescription de ces thérapeutiques peu orthodoxes.

Brigitte Liso a indiqué que les « signalements de dérives sectaires ont presque doublé entre 2015 et 2021« , atteignant 4 020 cas en 2021.

Une protection contre les lanceurs d’alerte

Des députés tant de la gauche que de la droite ont fait référence à Irène Frachon, la lanceuse d’alerte clé dans le scandale du Mediator. Les élus des Républicains et du Rassemblement National ont souligné l’importance de protéger les « libertés d’expression« , tandis que des membres du camp Macroniste les ont critiqués pour relancer les controverses autour du passe sanitaire et sembler reprendre les discours des anti-vaccins contre le Covid-19. citant le si décrié professeur Raoult et consorts et la promotion de l’hydroxychloroquine durant la pandémie.

Mais il y a plus. L’ajustement proposé par Brigitte Liso ajoute une protection renforcée pour les lanceurs d’alerte, un pilier central de la loi du 9 décembre 2016 qui encourage la transparence, combat la corruption et œuvre à moderniser l’économie. Dans ce nouvel article de loi, il est clairement indiqué que les alertes lancées dans le cadre prévu par la loi ne sauraient être interprétées comme une incitation répréhensible. Ce faisant, l’amendement réaffirme l’importance de protéger ceux qui osent parler, pour le bien commun.