Encore trop souvent assimilée à une atteinte exclusivement liée au grand âge, la maladie de Parkinson et ses manifestations font l’objet d’une profonde méconnaissance et de préjugés qui nuisent à la qualité de vie et à la prise en charge des patients. Parfois minorés par l’entourage qui peine à les reconnaître et à les comprendre et/ou majorés par un monde professionnel défiant, parfois confondus avec des troubles cognitifs ou psychiatriques, les symptômes sont au cœur de nombre d’incompréhensions. Parce que la bienveillance du regard porté sur les patients a un impact majeur sur la perception qu’ils ont de leur maladie et de leur capacité à vivre avec elle, il est essentiel d’informer et de sensibiliser le grand public et les professionnels de santé. C’est tout l’objet de la mobilisation de France Parkinson en marge de la Journée Mondiale Parkinson 2018 qui, avec une campagne nationale de sensibilisation grand public en radio et télévision, deux grandes conférences d’information le 7 avril à la Cité des Sciences et de l’industrie et plus de 40 événements organisés en région par les comités bénévoles, agit pour faire « changer les regards » sur cette maladie encore trop méconnue.

 

 

La maladie de Parkinson est une maladie complexe qui ne se résume pas du tout au tremblement !

 

La maladie de Parkinson est fréquemment associée à un seul et unique symptôme moteur, le tremblement

Une vision éloignée de la réalité, comme le rappelle le Professeur Philippe DAMIER, Neurologue au CHU de Nantes : « C’est une idée reçue bien ancrée dans l’inconscient collectif. Pourtant, les tremblements ne sont ni les symptômes systématiques, ni les symptômes exclusifs de la maladie de Parkinson. Les présentations de la maladie de Parkinson sont extrêmement variables d’un patient à l’autre, certaines formes s’accompagnant de tremblements, d’autres de maladresse gestuelle, de raideurs dans les articulations, d’autres encore de troubles de la marche, de blocages, de troubles intestinaux… Ces symptômes pouvant se cumuler et s’accompagnant de douleurs. Chaque patient a une présentation de la maladie qui lui est propre et qui varie et au fil des années. Le « maître symptôme », celui qui sera toujours présent, n’est pas le tremblement mais bien une difficulté d’exécution des gestes, ce que nous appelons en termes médicaux, l’akinésie. »

 

La symptomatologie de la maladie de Parkinson est plurielle et inclut des symptômes non moteurs, eux aussi variables en fonction des sujets et du stade d’avancement de la maladie

La maladie de Parkinson ce sont aussi des atteintes non motrices, autrement dit des symptômes non immédiatement visibles, plus difficiles à percevoir ou à interpréter par l’entourage : « Parmi ces symptômes plus insidieux » précise le Professeur DAMIER, on trouve « une grande fatigue, en partie imputable aux efforts développés par le cerveau du patient pour compenser le déficit très important en dopamine, une anxiété excessive, et des symptômes d’ordre psychologique qui peuvent être réactionnels à la maladie et/ou liés à la maladie elle-même, avec des conséquences néfastes sur l’état affectif et émotionnel des patients ».

Une complexité qui est source d’errance diagnostique, en particulier chez les jeunes patients dont certains symptômes de la maladie de Parkinson, comme les troubles du sommeil et les états dépressifs par exemple, n’inspirent pas en priorité au médecin généraliste une orientation vers un neurologue.

Des symptômes physiques plus ou moins bien identifiables…

  • Lenteur du mouvement
  • Raideurs musculaires
  • Tremblements
  • Douleurs
  • Fatigue extrême
  • Troubles digestifs et intestinaux
  • Blocages
  • Problèmes d’élocution

Et des symptômes moins perceptibles…

  • Anxiété excessive
  • Troubles de l’humeur
  • Dépression

Des variations d’état général difficiles à lire et à comprendre par autrui

La maladie de Parkinson est effectivement une maladie d’expression complexe dont les symptômes ne sont pas immédiatement visibles, comme l’explique le Professeur DAMIER : « Au-delà du préjugé selon lequel Parkinson ne se traduirait que par le tremblement à l’exclusion de tout autre symptôme, il faut considérer qu’en fonction de la réponse aux traitements – qui peut présenter des fluctuations chez un même patient – l’état physique et psychologique du patient varie parfois considérablement à des intervalles parfois très proches dans le temps. Pour l’entourage, familial ou médical, ces variations sont difficiles à appréhender et ne sont pas toujours attribuées à la maladie, alors qu’elles devraient l’être ». Le patient doit ainsi faire face à des suspicions de simulation, voire à l’intolérance d’un entourage tenté, face à l’incompréhension, de lui reprocher une attitude qu’il imagine complaisante vis-à-vis de la maladie.

Des troubles moteurs souvent confondus avec des troubles cognitifs ou d’origine psychiatrique

Pour Didier Robiliard, c’est aussi la confusion des symptômes avec des pathologies qui n’ont rien à voir avec la maladie de Parkinson qui est difficile à vivre pour les patients : « Face à une personne qui titube, présente des blocages physiques, des mouvements lents, un trouble de la déglutition ou encore de l’élocution, le jugement social peut être très sévère : l’état de lucidité de la personne est questionné, on l’imagine volontiers sous substances… quand on ne la pense atteinte de troubles intellectuels, cognitifs voire psychiatriques ».

Un impact délétère sur la vie familiale

Philippe GROS, kinésithérapeute et ostéopathe expert dans la prise en charge thérapeutique et préventive de patients souffrant de Parkinson en soin à domicile constate dans sa pratique les effets des incompréhensions suscitées par les manifestations de la maladie : « Je vois des couples qui se déchirent parce que le conjoint méconnait la réalité de la maladie dans sa pluralité d’expressions et sa variabilité. Les dysarthries (difficulté à s’exprimer) sont interprétées à tort comme des refus de communiquer par l’entourage. De même les troubles des fonctions exécutives (problème de mémoire, troubles de l’humeur, apathie, manque d’enthousiasme, de contentement, perte d’initiative et d’expression émotionnelle) sont particulièrement mal vécus, faute d’être reliés à la maladie. Les troubles dysautonomiques, (augmentation de la transpiration et de la salivation, hypotension …), les troubles vésico-sphinctériens qui obligent les patients à se lever beaucoup la nuit, les troubles sexuels que l’on trouve chez des sujets plus jeunes… Tout cela constitue un défi pour l’équilibre du couple. L’éducation thérapeutique tient ici une place très importante ; je prends toujours ce temps de discussion et de clarification avec le patient et son entourage ».

Un impact majeur sur la vie professionnelle

Les erreurs de jugement, d’approche de la maladie de Parkinson n’épargnent pas la vie professionnelle des patients. Isabelle MAY, patiente diagnostiquée à 48 ans, en témoigne : « Ni le médecin du travail ni mon employeur n’ont su appréhender la situation et on m’a tout bonnement mise au placard en refusant d’adapter convenablement mon poste. J’ai senti qu’on m’invalidait, qu’on prenait pour acquise et inéluctable la perte de mes facultés. On a jugé que Parkinson était incompatible avec le bon exercice de ma profession. C’est d’autant plus violent que bien pris en charge et correctement traité et accompagné, un patient atteint de Parkinson peut travailler ! ».

 

« Pour 74%* des patients leur entourage les croient simulateurs ; 78%* déclarent qu’on les croit volontiers ivres ou drogués. »

« 22%* des patients constatent une dégradation de leurs relations avec leur conjoint, 21%* avec leurs amis. 77%* des patients limitent leurs activités extérieures et enfin 37%* des patients ont le sentiment d’être un fardeau pour leur entourage. »

« 72%* des patients déclarent que la maladie a apporté des modifications majeures à leur vie professionnelle ! »

 

Des professionnels de santé mal armés

Du côté des professionnels de santé, des approximations existent aussi et nuisent à une bonne prise en charge. Un sujet important pour Philippe GROS, kinésithérapeute et ostéopathe expert dans la prise en charge thérapeutique et préventive de patients souffrant de Parkinson : « Pour enrayer l’impact de la maladie sur le patient, il faut éviter autant que faire se peut les déformations posturales et il existe pour cela un certain nombre de prises en charge réalisées en kinésithérapie et ostéopathie. Nous devons agir sur la mobilité du patient, travailler sur l’hypertonie qui conduit aux raideurs articulaires puis à la lenteur dans les mouvements. Pour cela les massages ne sont pas toujours d’une grande utilité, et pourtant il n’est pas rare que je rencontre des patients qui ont été exclusivement traités ainsi auparavant. Quand on sait que l’une des causes de décès chez un patient parkinsonien est la pneumopathie, à la suite de fausses routes, et qu’un patient voûté peut perdre une grande partie de sa capacité respiratoire, on saisit toute l’importance d’une prévention et d’un accompagnement spécifiques !».

Mal formés les praticiens ? Pas vraiment, mais peut-être pas assez informés selon Philippe GROS qui les rencontre lors des conférences qu’il donne à leur intention : « C’est peut-être moins un problème de formation qu’un problème d’informations actualisées et de pratique, car il est évident que plus on voit de patients parkinsoniens, mieux on sait les accompagner ; j’ai pour ma part réalisé un certain nombre de formations au titre de la formation continue ».

Cette méconnaissance aboutit à des erreurs dans l’approche du patient, avec des conséquences plus ou moins préoccupantes : « le tremblement est quasi systématiquement associé à Parkinson alors qu’il peut relever d’une autre pathologie que l’on identifie sous le nom de « tremblement essentiel ». Je pense aussi à l’hypersalivation qui est due à un trouble de la déglutition chez un patient parkinsonien et non à un excès de salive. L’hypersalivation chez un parkinsonien va provoquer des fausses routes, des pneumopathies, l’une des principales causes de décès chez ces patients ; ce n’est pas le cas d’une hypersalivation due à un excès de salive… ».

Pour Philippe GROS, il faut donc informer, combattre les préjugés et les erreurs d’appréciation : « une bonne connaissance de la maladie permet une prise en charge optimale. Si l’éducation thérapeutique du patient et de son entourage est nécessaire, la communication interdisciplinaire entre les professionnels de santé est aussi très importante, dans l’intérêt du patient : je vois un patient 2 à 3 fois par semaine quand le neurologue le voit une fois tous les 3 à 6 mois. »

Fanny CARON, psychomotricienne formée à l’accompagnement des patients souffrant de Parkinson, souligne aussi l’importance de l’information auprès des professionnels de santé : « Dans le cadre de mes études, la maladie de Parkinson a bien sûr été évoquée. Cependant, lorsque j’ai pu bénéficier d’une formation auprès de France Parkinson, j’ai découvert que ma vision de cette pathologie n’était pas complète ; l’âge précoce auquel la maladie peut être diagnostiquée m’a particulièrement frappée. Je n’imaginais absolument pas que l’on pouvait être touché par Parkinson à 40 ans… « 

Des formations dédiées aux professionnels de santé

Didier ROBILIARD va plus loin : « Face au constat du manque de connaissance de la maladie auprès des professionnels de santé, acteurs dans la prise en charge pluridisciplinaire, France Parkinson met en place depuis fin 2015 des programmes de formations spécifiques. Ces formations de qualité pour mieux comprendre la maladie, au plus près des besoins et attentes des professionnels de santé, des malades et de leurs proches, permettent une meilleure prise en charge, adaptée à domicile ou en EHPAD. Sont concernés les professionnels du soin et de l’accompagnement au quotidien susceptibles d’intervenir auprès des malades de Parkinson et de leurs proches à domicile ou en EHPAD (infirmières, aides-soignantes, aides médico psychologiques, auxiliaires de vie sociale, assistantes de vie aux familles, aides ménagères etc.) »

Toutes les problématiques liées à la maladie sont traitées au cours des formations, comme la variabilité et diversité des symptômes, les traitements et leurs effets secondaires, la rééducation, les fluctuations de l’état de santé mais aussi le vécu des malades, des proches et aidants avec les actes du quotidien ainsi que les activités thérapeutiques.

Cette méthode pédagogique, conçue avec et pour le malade, basée sur des apports théoriques, prévoit des témoignages de malades avec des temps d’expression et de partages d’expériences, des exercices pratiques et des mises en situation.

Pour Didier ROBILIARD « Ces ateliers de mise en situation sont uniques puisque nous exploitons des outils pour plonger le professionnel dans la vie quotidienne du malade ; nous essayons de mettre les professionnels dans une situation réelle d’handicap. Pour un meilleur accompagnement du patient, nous présentons des outils spécifiques et nous permettons aux professionnels de s’exercer, sur le plan pratique et relationnel.

Ces formations échelonnées sur toute l’année, sont éligibles à une prise en charge financière (OPCA). Elles sont complétées par des formations en ligne (formaparkinson.fr), et des quizz réguliers permettent de consolider les acquis. »

 

Journée mondiale vivre avec Parkinson

  • Plus de 40 événements sont organisés par les comités de bénévoles partout en France dans le cadre de la journée mondiale. Dédiés principalement aux malades et à leurs proches, ces temps visent à partager, à informer sur la complexité de la maladie, vaincre les idées reçues mais aussi à transmettre de l’espoir et du courage. Tous les événements et les modalités pratiques sont à retrouver sur le site de l’association franceparkinson.fr

Découvrez toutes les actions locales pour favoriser l’échange entre les malades et leur entourage sous la forme d’une carte interactive, disponible ci-contre et sur le site de France Parkinson.