Le deuil périnatal est une réalité tragique qui affecte de nombreux parents chaque année. Cette épreuve difficile est généralement vécue après la perte d’un enfant avant ou peu de temps après la naissance, soit entre la 22ème semaine de grossesse et la naissance, que ce soit suite à une fausse couche, une interruption de grossesse médicale, une mort fœtale in utero, ou encore un décès néonatal. Comment surmonter le deuil périnatal ? Éléments de réponses.

En 2019, en France, le taux de mortinatalité, qui correspond aux enfants nés sans vie par mort fœtale spontanée ou interruption médicale de grossesse, s’est élevé à 8,5 pour 1 000 naissances totales. Après quatre années de stabilité autour de 9 ‰, ce taux est en légère baisse. Les parents qui font face à la mort prématurée de leur enfant pendant le dernier trimestre de la grossesse, lors de l’accouchement ou dans les premiers jours de sa vie, sont parfois appelés les par’anges. Un soutien dans cette épreuve,  une oreille attentive, un accueille bienveillant dans cette terrible peine est crucial pour surmonter le deuil périnatal.

La perte d’un nourrisson ou d’un fœtus in utero est une réalité tellement difficile à envisager que certains individus choisissent de s’en protéger en refusant d’en discuter ou en minimisant son impact. C’est pourquoi le deuil périnatal demeure un sujet tabou et peu reconnu socialement en France. Pourtant, cette situation est relativement fréquente, avec près d’une grossesse sur quatre qui ne parvient pas à son terme, affectant ainsi non seulement les parents, mais également leur entourage.

 Qu’est-ce que le deuil périnatal ?

La perte d’un bébé entre 22 semaines d’aménorrhée et le 7e jour après sa naissance est considérée comme un deuil périnatal selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cependant, en pratique, le deuil périnatal englobe un large éventail de situations comme une femme ayant perdu son bébé à trois mois de grossesse et s’étant totalement projetée comme mère.

Le deuil périnatal peut donc concerner des parents confrontés à des « grossesses non abouties« , quels que soient leur terme et la cause du décès (fausse couche, mort fœtale in utero, grossesse extra-utérine, interruption médicale de grossesse IVG, réduction embryonnaire, etc).

Une souffrance muette et taboue

Il est essentiel de briser les tabous entourant le deuil périnatal et de permettre aux parents de s’exprimer sans jugement ni honte. De fait, il est primordial de sensibiliser la société à cette réalité, afin de mieux accompagner les parents qui traversent cette épreuve. Car cette perte est très difficile à surmonter pour les parents qui sont confrontés à une douleur immense et à une gamme complexe d’émotions. Ils peuvent se sentir démunis et isolés, ayant parfois du mal à trouver les mots pour exprimer leur peine. Certaines personnes ont des difficultés à exprimer leur douleur lorsqu’elles sont confrontées à un deuil ce qui rend difficile le travail de deuil. Surtout lorsqu’il s’agit d’un bébé qui n’est jamais né.

Les députés ont voté la mise en place d’un arrêt de travail indemnisé sans délai de carence en cas de fausse couche

Le 8 mars 2023, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité la proposition de loi de Sandrine Josso, députée MoDem de Loire-Atlantique, visant à promouvoir l’accompagnement psychologique des couples confrontés à une fausse couche. Un amendement gouvernemental a également été adopté, permettant aux femmes ayant subi une interruption spontanée de grossesse de bénéficier d’une indemnisation pendant leur arrêt de travail, sans délai de carence, contrairement à un arrêt maladie classique financé par l’Assurance maladie.

Quand la mort arrive avant la vie

Le fœtus mort in utero, le bébé mort-né ou qui n’a vécu que quelques jours n’a pas de « présence sociale ». Pour le monde extérieur, il laisse peu ou pas de traces de son existence : « À part les parents qui ont pu, selon le terme de la grossesse, sentir ses mouvements ou le voir sur des échographies, personne ne l’a jamais connu. » Les parents ont donc le sentiment d’être les seuls à vivre leur deuil dans leur entourage.

Cette solitude est aggravée par la culpabilité et la honte ressenties par les parents qui n’ont pas réussi à mener la grossesse à terme. « Je n’ai pas fait suffisamment d’efforts », « je ne suis pas faite pour être mère »… Les femmes peuvent être particulièrement critiques envers elles-mêmes. Le fait que la mort de leur enfant reste souvent inexpliquée rend l’acceptation de la perte encore plus difficile.

Pour surmonter le deuil périnatal n’oubliez pas le bébé qui n’a pas vécu

Après la prise en charge médicale du fœtus ou du bébé suite à son décès in utero (ou pas, d’ailleurs), les équipes médicales (sages-femmes, gynécologues, obstétriciens,…) proposent plusieurs options aux parents : souhaitent-ils voir le bébé, lui donner un prénom, l’habiller, organiser des obsèques ? Une autopsie peut également être suggérée pour déterminer la cause du décès ou préciser un diagnostic. Ces décisions sont souvent difficiles à prendre dans un délai très court, mais un psychologue peut être présent pour aider les parents.

Le personnel encadrant ou des associations bénévoles peuvent proposer aux parents de prendre des photos de leur enfant (association Souvenange) ou de faire des empreintes de ses pieds et mains pour les conserver dans un livret, afin de garder un souvenir de leur enfant et de lui donner une place dans leur vie. Une cérémonie religieuse peut également être organisée à l’hôpital ou dans le lieu de culte choisi par la famille.

De l’importance de la reconnaissance civile d’un enfant mort né

Pour faire son deuil d’un enfant mort-né ou in utéro, lui donner un prénom, l’inscrire à l’état civil et sur le livret de famille, mettre en place des funérailles (et oui même un enterrement symboliques peut aider au processus de deuil).

Le 26 novembre 2022, une proposition de loi symbolique a été adoptée par le Parlement, permettant de donner un nom de famille aux enfants nés sans vie. Selon Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, cette mesure vise à éviter d’ajouter l’oubli à la douleur des parents. Concrètement, le texte autorise l’inscription du ou des prénoms de l’enfant ainsi qu’un nom, qui peut être celui du père, de la mère ou leurs deux noms accolés, dans l’acte d’enfant sans vie. Toutefois, cette inscription ne produira aucun effet juridique en termes de filiation ou de succession.

Il est important de souligner que cette mesure pourra être appliquée de manière rétroactive. Les actes d’enfant sans vie déjà dressés pourront être complétés avec un nom de famille, selon les propos du garde des Sceaux. En outre, un décret sera prochainement édicté pour permettre aux parents de compléter leur livret de famille à leur demande.

La reconnaissance d’un enfant mort-né est donc possible dès 15 semaines d’aménorrhée révolues, sans délai légal, sur présentation d’un certificat d’accouchement délivré par l’hôpital. Un acte d’enfant sans vie peut être établi et un livret de famille peut être délivré si nécessaire, mais l’attribution d’un prénom est facultative.

En revanche, si l’enfant naît vivant à partir de 22 semaines de grossesse et décède, une déclaration à l’état civil doit être faite dans les 3 jours. Des actes de naissance et de décès doivent être établis et reportés obligatoirement dans le livret de famille, et l’attribution d’un prénom est obligatoire.

De l’importance d’être soutenu

Le deuil périnatal peut être un sujet effrayant pour les proches. Ceux-ci sont souvent muets ou maladroits et ont du mal à comprendre l’ampleur de l’impact de la situation ou à être présents pour les parents surtout quand il s’agit d’un fœtus. Parfois, ils agissent comme si de rien n’était en encourageant les parents à aller de l’avant en disant des choses comme « vous en aurez d’autres », « c’est moins grave que de perdre un enfant qui a déjà vécu », « vous êtes encore jeunes » ou « c’est arrivé à ma cousine, c’est courant ». Extrêmement difficile alors de surmonter le deuil périnatal ! Ces commentaires inadaptés peuvent être très douloureux pour les parents, qui préfèrent alors s’isoler et garder le silence de peur de ne pas être compris.

Le deuil périnatal de cet être cher qui n’a jamais vécu, est une épreuve qui affecte terriblement la santé mentale des parents à long terme. Il est important de prendre le temps de faire son deuil, de pleurer et de trouver des moyens de se reconstruire après la perte de cet enfant décédé. Il est important pour les parents de savoir qu’ils ne sont pas seuls dans cette épreuve. De nombreuses ressources sont disponibles pour les aider à surmonter leur deuil périnatal. Des associations et des groupes de soutien existent, offrant une écoute attentive et un accompagnement pour traverser cette période difficile.

Des associations pour vous aider à surmonter le deuil périnatal

Il est important de savoir que les parents endeuillés peuvent trouver du réconfort sur des forums ou des groupes Facebook, mais aussi auprès d’un psychologue ou d’une association, même plusieurs mois ou années après la perte de leur enfant. De nombreuses associations locales ou régionales offrent une aide psychologique et juridique, mais trois associations sont présentes sur l’ensemble du territoire :

  • Agapa (01 40 45 06 36) : l’association propose des cafés-rencontres, des groupes de parole ou des accompagnements individuels dans une vingtaine d’antennes partout en France. Elle offre également des formations à destination des professionnels sur l’accueil et l’écoute des personnes touchées par un deuil périnatal.
  • Fédération « Naître et Vivre » (ligne écoutant : 01 47 23 05 08) : l’association soutient et accompagne les parents qui ont perdu un nourrisson pendant la grossesse, au moment et/ou après la naissance, jusqu’à 3 ans. Elle œuvre également pour la recherche médicale sur la mort subite du nourrisson.
  • Spama : l’association met à disposition une ligne de soutien téléphonique (07 87 85 37 81) et un forum en ligne. Elle organise également des cafés-rencontres et propose un accompagnement individuel aux parents qui le souhaitent. En outre, elle met à disposition des familles de nombreux documents pour soutenir la fratrie.

Il est aussi possible de consulter psychologue ou psychiatre, pour atténuer la douleur et le chagrin.

Conseils aux proches des parents qui font face à un deuil périnatal

Il est possible que nous rencontrions tous, que ce soit dans notre vie professionnelle ou personnelle, des personnes ayant vécu un deuil périnatal. D’où la nécessité de comprendre que le retour à la vie quotidienne et au travail après le congé maternité ou paternité peut être difficile pour certains parents, car ils ressentent souvent un décalage entre les exigences de la vie courante et la tragédie qu’ils ont vécue. Ils ne seront plus les mêmes qu’avant.

Pour les personnes de l’entourage, il peut être difficile d’aborder le sujet avec les parents. Cependant, cela est essentiel: parfois, il suffit de dire simplement « je suis là si tu veux parler de ce que tu as vécu » afin de les aider au mieux à surmonter le deuil périnatal. Parfois, la meilleure chose à faire est d’écouter attentivement, car cela peut déjà aider beaucoup.

Ne prenez pas de décision à la place des parents. Évitez de donner des jugements, des conseils ou des opinions sur leurs choix. Même avec les meilleures intentions, certaines remarques peuvent les amener à remettre en question la légitimité de leur deuil.

Il ne faut pas, non plus, forcer à la confidence : dans un premier temps, certains parents peuvent avoir besoin de rester à l’écart ou de fréquenter un cercle de personnes très restreint. Il est important d’accepter cela et d’être présent lorsque les parents ressentiront le besoin de parler.

Il faut être attentif aux signes de fatigue et de lassitude de nos collègues, amis, nièces, frères, etc. Nous devrions les encourager à prendre du temps pour eux-mêmes et leur proposer notre aide pour des services ou des sorties.

Le deuil périnatal est une réalité douloureuse qui affecte de nombreux parents. Il est important de se rappeler que l’on peut surmonter cette épreuve difficile en se faisant aider et en prenant le temps de faire son deuil. Nous devons tous travailler ensemble pour briser les tabous et sensibiliser la société à cette réalité, afin que les parents touchés par cette épreuve puissent trouver le soutien et l’accompagnement dont ils ont besoin.

A lire :

Après Céleste, un roman fort sur le deuil périnatal

Après avoir subi la perte non désirée d’une grossesse, Dolorès, une femme dans la trentaine, quitte son compagnon pour se réfugier dans le village et la maison de son enfance, situés dans le nord du Québec. Elle y cherche à guérir seule de sa douleur. À côté, sa voisine d’enfance est immobilisée par une jambe cassée et aimerait un peu d’aide et de compagnie. En face, une petite fille de huit ans s’ennuie dans sa nouvelle maison avec son père et voit en l’arrivée de Dolorès une opportunité joyeuse de distraction.
Peu à peu, Dolorès se laisse réchauffer par la gentillesse de l’une et l’espièglerie de l’autre. Quand un oiseau blessé arrive dans la maison, on dirait que la forêt environnante essaie également de la réconforter… Le roman explore les thèmes du deuil, de l’amitié, de la mémoire et surtout de la guérison, avec douceur et subtilité, dès les premières phrases.

Dans Après Céleste, l’autrice explore avec délicatesse et subtilité les chemins du deuil, de l’amitié, de la mémoire et surtout, de la guérison. Malgré la gravité du sujet, le texte parvient à captiver dès les premières lignes grâce à une magie bienveillante.

Après Céleste, Maude Nepveu-Villeneuve- Le Bruit du Monde, 18 euros

 

Sophie Madoun