Voici la publication, ce mardi 27 septembre, du nouveau rapport de PAN Europe : comment l’industrie et les autorités ont protégé les pesticides les plus toxiques ? Édifiant.

À l’occasion du 60e anniversaire de Silent Spring, le livre qui a contribué à l’émergence du mouvement écologiste moderne, PAN Europe publie ce jour un nouveau rapport. Le travail réalisé par les équipes de PAN Europe permet de constater que 5 fruits d’automne produits et vendus en Europe sont fréquemment contaminés par la catégorie de pesticides la plus dangereuse, les pesticides candidats à la substitution (C.a.S), selon les dernières données officielles fournies par les Etats membres. Le rapport montre même une augmentation en Europe entre 2011 et 2020 du pourcentage de pommes, de poires et de prunes contenant des résidus de ces pesticides candidats à la substitution. Ces chiffres européens couvrent cependant des disparités selon les états membres. Ainsi, par exemple, les raisins grecs et italiens sont les plus concernés par les résidus de pesticides C.a.S (respectivement 56 % et 47 %), contre 17 % pour les raisins français.

Pourquoi une telle situation ?

L’Union Européenne a adopté deux textes règlementaires importants en 2009. Le premier pour éliminer progressivement la catégorie de pesticides les plus toxiques là où des alternatives non chimiques sont disponibles, le second pour pousser tous les agriculteurs vers ces techniques. Le rapport de PAN Europe de ce mardi 27 septembre révèle que l’élimination progressive des pesticides les plus dangereux a échoué parce que les gouvernements suivent des lignes directrices rédigées en partenariat étroit avec les géants de la chimie BASF, DuPont (maintenant Corteva) et Syngenta. Exceptionnellement, et enfreignant les valeurs d’indépendance réglementaire de l’UE, ces lignes directrices ont été adoptées par l’UE et copiées-collées dans les orientations nationales. Elles sont responsables du rejet des techniques non chimiques et des pesticides les plus toxiques autorisés à chaque fois depuis la règlementation de 2009, couvrant des centaines de cas. Les lignes directrices vont à l’encontre de ce que la règlementation voulait à l’origine, en faisant en fait la promotion des pesticides vendus par les entreprises qui ont aidé à les rédiger. La règlementation pour promouvoir les alternatives a ainsi largement échoué. Le rapport de PAN Europe explique en détail ce processus complexe (à lire ici en anglais).

Pour PAN Europe, la Commission européenne était au courant de l’échec de l’élimination de ces substances dangereuses depuis au moins 2018, mais n’a pris aucune mesure significative.

D’après PAN Europe et Générations Futures :

« Ces lignes directrices devraient être remplacées par d’autres qui reconnaissent l’efficacité des alternatives non chimiques aux pesticides, sans quoi le nouvel objectif européen de réduction des pesticides est voué à l’échec ! »

Pour Salomé Roynel chargée de campagne de PAN Europe :

« Certains fruits sont de plus en plus contaminés par ces pesticides C.a.S parce que l’industrie rédige les règles et que les responsables ignorent les solutions non chimiques. Rachel Carson a mis en garde contre cette relation toxique il y a 60 ans et s’arracherait les cheveux si elle était en vie aujourd’hui !« 

Les membres du Parlement européen Anja Hazekamp (Left), Eric Andrieu (S&D), Frédérique Ries (Renew Europe) et Thomas Waitz (Greens/EFA), des voix de premier plan sur les problèmes de pesticides, ont déclaré :
« Le fait que l’industrie des pesticides puisse complètement transformer la loi que nous avons votée en transformant une restriction en un avantage est aussi choquant que gênant. 4 ans après qu’une large majorité du Parlement européen ait soutenu la création de la Commission spéciale sur les pesticides PEST, nous ne laisserons pas cela subsister. En tant qu’anciens membres de la Commission PEST du Parlement européen nous allons demander des comptes à la Commission européenne et aux États membres à partir d’aujourd’hui. Ces lignes directrices tordues doivent être complètement réécrites en faveur de pratiques agricoles durables immédiatement.« 
Plus d’un tiers des Européens sont préoccupés par la contamination des aliments par les pesticides, selon un sondage officiel, ce problème étant la principale préoccupation dans six pays européens. En 2017, la deuxième pétition certifiée UE la plus populaire a été déposée, demandant l’interdiction du glyphosate. Une deuxième pétition ayant rassemblé 1,2 million de signatures demande désormais l’interdiction totale de tous les pesticides d’ici 2035.
La campagne Toxic 12 de PAN Europe appelle les décideurs à éliminer de toute urgence les pesticides les plus dangereux à savoir ceux qui sont candidats à la substitution.