Faire fermenter ses aliments permet de les rendre plus digestes, prolonge leur conservation, apporte de nombreux nutriments et développe de nouvelles saveurs. Mais comment faire fermenter ses aliments ? Réponses et recettes.

Sandor Ellix Katz a voyagé sur les cinq continents pendant 20 ans pour enseigner et apprendre des techniques de fermentations. Dans son nouvel ouvrage Le tour du monde de la fermentation*, il explore le processus à travers les coutumes traditionnelles et les innovations de pointe et explique comment faire fermenter ses aliments ? Extraits.

HYDROMEL AU CURCUMA

 Il y a quelques années, j’ai appris qu’il est possible de cultiver le curcuma là où je vis. C’est une belle plante, qui produit en une seule saison une masse impressionnante de rhizomes. Ceux-ci peuvent passer l’hiver sous une épaisse couche de paillage. Et je raffole de l’hydromel au curcuma, avec sa saveur équilibrée et sa belle couleur chaude. J’ajoute un peu de poivre noir, qui apporte une note subtile et augmenterait notre capacité à absorber la curcumine, la molécule anti-inflammatoire de la plante.

Généralement, je laisse l’hydromel fermenter pendant au moins une année entière : six mois dans le récipient initial et six mois de plus après filtrage et siphonnage dans un autre récipient. On peut certainement le boire beaucoup plus tôt que ça, à partir d’un mois environ. Avant d’embouteiller pour le faire vieillir, attendez que la fermentation soit complètement terminée. Si vous préférez le boire jeune et doux, ne l’embouteillez pas.

TEMPS DE FERMENTATION

1 mois pour un hydromel jeune et très doux; 1 an pour un hydromel sec à faire vieillir

MATÉRIEL

Un pot en céramique ou un bocal d’1 litre (ou plus)

Une bonbonne en verre de 4 litres

Un barboteur et un bouchon percé (achetés dans un magasin pour brasseurs; utiles mais pas nécessaires)

Des bouteilles et des bouchons en liège ou tout autre dispositif de fermeture, d’un volume total de 4 litres (si vous souhaitez faire vieillir l’hydromel après la fermentation)

INGRÉDIENTS

Pour 4 litres

Environ 250 g de rhizomes de curcuma

1 à 2 cuil. à soupe de poivre noir en grains (facultatif)

1 kg de miel (cru de préférence)

MATÉRIEL POUR FERMENTER SES ALIMENTS

Un pot en céramique ou un bocal d’1 litre (ou plus)

Une bonbonne en verre de 4 litres

Un barboteur et un bouchon percé (achetés dans un magasin pour brasseurs; utiles mais pas nécessaires)

Des bouteilles et des bouchons en liège ou tout autre dispositif de fermeture, d’un volume total de 4 litres (si vous souhaitez faire vieillir l’hydromel après la fermentation)

RECETTE

Recouvrez les rhizomes d’eau. Frottez-les vigoureusement avec une brosse ou à la main pour enlever les peaux, puis rincez-les.

Coupez les rhizomes en fines tranches dans le sens de la largeur, puis placez-les dans le pot ou le bocal. Ajoutez le poivre noir si désiré.

Mélangez le miel avec le curcuma et remuez. On peut ajouter de l’eau dès cette étape, comme indiqué au paragraphe suivant, mais je préfère d’abord faire infuser le curcuma dans le miel.

La petite quantité de jus que le miel extrait du curcuma est suffisante pour lancer la fermentation. J’aime remuer ou secouer le mélange de curcuma et de miel une fois par jour pendant deux semaines, jusqu’à ce qu’il soit bien mousseux.

Transvasez le mélange dans la bonbonne. Ayez à portée de main un peu plus de 3 litres d’eau déchlorée. Versez environ 250 ml d’eau dans le pot ou le bocal et secouez-le pour détacher tous les résidus de miel adhérant au bord, puis versez ceux-ci dans la bonbonne. Ajoutez 1 litre d’eau et secouez pour dissoudre le miel. Enfin, remplissez la bonbonne d’eau déchlorée jusqu’au col, en laissant un espace libre d’environ 5 cm dans le goulot. Mélangez bien jusqu’à ce que le miel soit complètement dissous.

Bouchez avec un barboteur ou improvisez avec un ballon de baudruche, un préservatif ou n’importe quel couvercle de bocal qui puisse tenir dessus sans serrer, afin de ralentir le flux d’air sans retenir la pression à l’intérieur.

Laissez fermenter plusieurs mois, jusqu’à ce que la production de bulles prenne fin. Cet hydromel, qui est encore assez sucré et relativement peu alcoolisé, peut être dégusté dès à présent. Vous pouvez également poursuivre la fermentation.

Filtrez les tranches de curcuma et consommez-les sous forme d’en-cas savoureux ou d’ingrédient de cuisine.

Si vous consommez votre hydromel dès maintenant, embouteillez-le et conservez-le au réfrigérateur. À ce stade, un embouteillage définitif en vue d’un vieillissement est prématuré, car la pression résiduelle peut faire sauter les bouchons ou provoquer des explosions.

Si vous souhaitez poursuivre la fermentation, siphonnez l’hydromel filtré pour le renvoyer dans la bonbonne. Le soutirage permet d’aérer le liquide et de relancer une fermentation «bloquée». Vous perdrez un peu de volume à cause du curcuma et des lies restées en arrière pendant le siphonnage. Si besoin, complétez avec de l’eau au miel, en proportion de 4 cuillerées à soupe de miel pour 250 ml d’eau. Bouchez avec un barboteur. Fermentez encore plusieurs mois, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de bulles du tout. Transvasez l’hydromel complètement fermenté dans des bouteilles pour le faire vieillir.

RECETTE DE LÉGUMES FERMENTES

Comment faire fermenter ses aliments et plus précisément les légumes ? Les légumes lactofermentés ont été ma porte d’entrée dans le monde de la fermentation. Je conseille toujours de commencer par eux, parce que le procédé est simple et intrinsèquement sûr. Parce qu’on peut apprécier le résultat relativement vite. Et parce que les légumes lactofermentés sont si savoureux, nutritifs et riches en bactéries probiotiques.

Depuis mon premier pot de choucroute il y a bien longtemps, des légumes sont toujours en cours de fermentation dans ma cuisine. Avec le temps, j’en ai essayé différentes sortes et je n’ai jamais cessé d’apprendre de nouvelles méthodes. Bien que le procédé de base soit extrêmement simple, la fermentation est un phénomène versatile qu’on peut faire varier d’une infinité de façons.

Les récits historiques sur la choucroute et son origine indiquent la Chine comme point de départ de la fermentation des légumes dans le sel, un processus appelé lactofermentation. Quand je me suis rendu en Chine, mon objectif principal était d’en savoir plus sur les racines chinoises des légumes lactofermentés de mes ancêtres. Dans ce chapitre, je partage ce que j’ai pu apprendre sur les méthodes chinoises pour fermenter les légumes. J’aborde aussi les lactofermentations traditionnelles d’autres régions du monde que j’ai eu l’occasion de découvrir, comme celle de choux entiers dans les Balkans ou les feuilles de chou fermentées farcies (sarmas) et les feuilles de vigne fermentées (dolmas). Je vous emmène dans la ville de Kiso, au Japon, dont les habitants perpétuent la fermentation traditionnelle des légumes sans sel, en activant les nouvelles fermentations avec un reste de la fermentation précédente, et ce sans interruption depuis plus de 200 ans.

Certaines personnes que j’ai rencontrées et que je considère comme des maîtres dans leur art partagent un peu de leur savoir, notamment un milieu de fermentation au curcuma perpétuel, le kasuzuke (légumes fermentés dans les lies de saké) et un kvass de betterave très spécial. Pour finir, ce chapitre présente des expériences de déshydratation des légumes lactofermentés.

Recette de DOLMAS, les feuilles de vigne fermentées

Les dolmas ressemblent beaucoup aux sarmas, si ce n’est que les feuilles de chou fermenté sont remplacées par des feuilles de vigne, plus petites. Sarma et dolma sont des mots turcs : dolma signifie «chose remplie ou fourrée», tandis que sarma veut dire «chose enveloppée». Mais cette distinction me semble couper les cheveux en quatre. La manière dont on manipule la feuille pour envelopper la garniture ou pour la fourrer est pratiquement la même.

Tout l’été, quand je prépare des petits pots de concombres lactofermentés, j’y laisse chaque fois une poignée de feuilles de vigne. Quand je mange les concombres, je transfère les feuilles et l’ail dans un bocal en veillant à ce qu’elles restent couvertes de saumure. J’aime boire le reste de la saumure ou l’incorporer dans des soupes froides, des sauces de salade et autres préparations culinaires. Quant à l’ail fermenté, je le déguste tel quel ou je l’ajoute dans mes plats cuits. Je mange toujours les dolmas à la température de la pièce ou frais, mais je comprends qu’on les préfère chauds.

D’après The New Book of Middle Eastern Food de Claudia Roden, les dolmas chauds sont généralement farcis de viande, mais je les ai toujours mangés sans. Comme pour les sarmas, vous pouvez essayer toutes sortes de céréales, de légumes, d’aromates et de condiments. J’ai appris à faire les dolmas avec une recette de Claudia Roden tirée du livre précité et qui serait celle de sa mère égyptienne. La garniture contient du riz, de la tomate, de l’oignon, du persil, de la menthe, de la cannelle, du quatre-épices, du sel et du poivre. Dans un beau livre que je possède sur la cuisine irakienne, Delights from the Garden of Eden de Nawal Nasrallah, j’ai trouvé une recette de dolmas dont la garniture comprend des pois chiches, de l’ail, de l’aneth, des pignons et des raisins de Corinthe. Adaptez la garniture à votre goût et expérimentez !

RECETTE

DURÉE

Environ 1 heure de préparation et 1 heure de cuisson

MATÉRIEL

Une marmite à fond épais

INGRÉDIENTS

Pour environ 25 dolmas

25 feuilles de vigne fermentées (on peut aussi utiliser des feuilles fraîches), plus quelques-unes au cas où

200 g de riz non cuit

1 ou 2 tomates finement tranchées

1 oignon finement émincé

Quelques cuillerées à soupe de persil frais et/ou d’aneth et/ ou de menthe séchée finement hachés (selon votre goût)

2 cuillères à soupe de raisins de Corinthe, de raisins secs ou de pignons (selon votre goût, facultatif)

Une pincée de cannelle moulue et/ou de quatre-épices

Sel et poivre

Quelques gousses d’ail épluchées

120 ml d’huile d’olive

Le jus d’un citron (selon votre goût)

PRÉPARATION

Faites bouillir environ 500 ml d’eau et versez-la sur le riz en remuant bien pour éviter les grumeaux de riz sec. Puis rincez sous l’eau froide et égouttez.

Incorporez les tomates, l’oignon et les herbes fraîches.

Ajoutez les raisins de Corinthe, les raisins secs et/ou les pignons, les épices, le sel et le poivre selon votre goût, et mélangez bien cette farce pour combiner les ingrédients.

Préparez la marmite en la tapissant avec les feuilles abîmées, des tranches de tomates ou les feuilles extérieures d’un chou. Cette couche sert en quelque sorte d’isolant qui protégera les dolmas pendant la cuisson.

Farcissez les feuilles. Étalez une feuille de vigne, côte vers le haut. Si elle est déchirée, posez-en une autre par-dessus; si elle est trop petite, posez-en une autre de manière chevauchante pour agrandir la surface. Selon la taille de la feuille, déposez 1 ou 2 cuillerées à café de farce au centre de celle-ci. Repliez le pétiole et la base de la feuille vers le haut, puis les deux bords vers le centre. Retournez ensuite le centre farci par-dessus le haut de la feuille. Pressez doucement la feuille farcie dans votre main pour modeler un rouleau et placez la dolma dans la marmite, rebords vers le bas et face fermée vers le haut.

Recommencez jusqu’à ce que vous ayez utilisé toute la farce et/ ou toutes vos feuilles. Quand la première couche est terminée, commencez-en une autre par-dessus. Répartissez les gousses d’ail entières dans les interstices entre les dolmas.

Mélangez l’huile d’olive et le jus de citron avec environ 120 ml d’eau et versez ce mélange sur les dolmas jusqu’à ce qu’elles soient recouvertes. Si besoin, ajoutez un peu d’eau pour les submerger.

Prenez une petite assiette résistante à la chaleur et proche du diamètre de la marmite et posez-la sur les dolmas afin d’éviter qu’elles se défassent pendant la cuisson.

Couvrez la marmite, mettez-la sur feu moyen, portez à frémissement et laissez mijoter doucement environ 1 heure, en rajoutant de l’eau si nécessaire pour que les dolmas restent immergées.

Laissez refroidir les dolmas dans la marmite et dégustez-les à température ambiante ou froides.

A lire :

Sandor Ellix Katz est sans doute le défenseur le plus expérimenté et le plus respecté dans l’art de la fermentation. Il anime des ateliers pour apprendre à fermenter ses aliments dans le monde entier.

Bien plus qu’un livre de cuisine, 350 pages et 60 recettes emmènent le lecteur à la rencontre d’agriculteurs, fabricants, producteurs et expérimentateurs qui partagent leurs savoirs, leurs histoires et leur sagesse accumulés autour de la fermentation.

* Le tour du monde de la fermentation, Sandor Ellix Katz – 352 pages – 36 €

Coll. Conseils d’expert – éd. Terre vivante