Pour la première fois, l’ACT-Alliance contre le tabac et l’institut de sondage BVA ont interrogé des adolescents âgé.e.s de 13 à 16 ans[1] pour connaître leurs perception et usages des cigarettes électroniques jetables aromatisées, mieux connues sous le nom de Puff. Cette enquête française confirme les inquiétudes de nos associations. Celles-ci avaient en effet constaté ces derniers mois une soudaine popularité de ces produits auprès de très jeunes adolescents : 13 % d’entre eux ont déjà testé la Puff et 9 % indiquent en avoir déjà acheté.

Arrivée sur le marché français courant 2021, la Puff est de plus en plus répandue auprès des collégiens et lycéens : les 2/3 des adolescents âgés de 13 à 16 ans ont déjà entendu parler de la Puff et plus d’1/3 affirme savoir précisément de quoi il s’agit.

Parmi les jeunes interrogés, 13 % d’entre eux ont déjà utilisé la Puff, soit la même proportion de jeunes ayant déjà fumé une cigarette classique ou électronique. On note que l’expérimentation est plus importante chez les ados ayant des parents fumeurs. Parmi ceux ayant au moins un parent fumeur, 20 % d’entre eux ont déjà essayé la Puff et ce chiffre atteint 29 % si les deux parents sont fumeurs.

Parmi les adolescents utilisant la Puff, 28 % d’entre eux ont commencé leur initiation à la nicotine à travers ce produit et 17 % d’entre eux se sont ensuite tournés vers une autre forme de produit de la nicotine ou du tabac.

Alors même que la vente de ce produit est interdite aux mineurs, une plus grande proportion d’adolescents indique avoir déjà acheté une Puff (9 % soit près de 1 sur 10) contre des cigarettes électroniques (7 %) ou des cigarettes classiques (6 %). L’achat est perçu comme étant relativement aisé puisque 1/4 d’entre eux estime qu’il est facile de s’en procurer.

Concernant les périodes de consommation, la moitié des adolescents qui ont déjà entendu parler de la Puff indique qu’elle est utilisée avant tout dans l’enceinte scolaire (collège ou lycée), ce qui demeure interdit, ou à la sortie des cours, plutôt que lors des sorties ou soirées entre amis (29 %) et lors des activités en dehors de l’école (24 %). Inquiète de l’ampleur que prenait ce phénomène dans les cours de récréation, notre association membre DNF- Demain sera Non-Fumeur a adressé en mai dernier plus de 7 100 courriers aux collèges, rectorats et conseils départementaux de France pour leur proposer documents et interventions bénévoles afin d’enrayer cette nouvelle pratique.

Des produits présentés comme ludiques pour mieux cibler les jeunes

Bien qu’une majorité des jeunes interrogés considèrent la Puff comme un gadget (81 %), que certains estiment trop cher (63 %), plus de la moitié d’entre eux en ont une image positive :

  • 61 % affirment que la Puff permet de découvrir des goûts originaux ;
  • 52 % soulignent le côté ludique de cette e-cigarette jetable en déclarant que c’est amusant de jouer avec le nuage de vapeur.

Pour plus de la moitié des adolescents ayant déjà entendu parler de la Puff, les goûts, originaux et fruités, représentent le premier argument les poussant à tester la Puff.

L’envie d’essayer ce produit naît aussi sous l’influence des groupes de pairs : parmi les ados ayant déjà testé ce dispositif, 44 % l’ont fait car ils ont vu beaucoup de personnes l’utiliser et 50 % l’ont testé car leurs propres amis le consomment. Cet argument est également valable chez les jeunes n’ayant encore jamais essayé la Puff : 31 % d’entre eux pourraient expérimenter cette mini e-cigarette jetable car son utilisation est répandue autour d’eux.

Enfin, l’aspect récréatif souligné par certains jeun es est amplifié par les réseaux sociaux : 30 % des ados ont envie d’utiliser une Puff lorsqu’ils en voient sur les plateformes digitales. Ce désir est plus prononcé pour cette cigarette électronique jetable que pour une cigarette électronique/vapoteuse classique (14 %) ou une chicha (9 %).

Les cigarettiers l’ont d’ailleurs bien compris. Malgré la réglementation en vigueur interdisant expressément la « propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des produits du vapotage », les fabricants ou les revendeurs n’hésitent pas à déployer des stratégies marketing agressives à destination des jeunes sur les réseaux sociaux. Fin septembre 2022, notre association membre le CNCT – Comité National Contre le Tabagisme – a fait condamner le site Internet « Wpuff.com » et le compte Instagram associé pour publicité illicite en faveur du vapotage.

Des dangers sanitaires et une aberration environnementale encore sous-évalués

S’ils disent avoir conscience de la dépendance que peut entraîner ce dispositif, les ados semblent méconnaître l’ensemble des risques sur leur santé :

  • 82 % affirment que la Puff peut les rendre accros, au même titre que la cigarette électronique (84 %) ou la chicha (81 %).
  • Mais si 76 % la qualifient de dangereuse pour la santé, la majorité relativise les risques en l’évaluant comme « plutôt dangereuse » (48 %) que « très dangereuse » (28 %).

Les adolescents sous-estiment la nocivité de ce produit : composé de sels de nicotine, l’utilisation de la Puff augmente les risques de développer une inflammation des voies respiratoires et impacte les acquisitions cognitives des plus jeunes. Par ailleurs, le taux de nicotine (jusqu’à 20 mg/mL) est suffisamment élevé pour créer une forte dépendance et constituer une porte d’entrée vers le tabagisme. Dans un récent rapport, le Haut Conseil de santé publique affirmait que plus on est exposé tôt à la nicotine, plus on risque de développer une réelle dépendance et de vouloir passer à la cigarette[2].

En ce qui concerne son impact sur l’environnement, la Puff est un déchet supplémentaire qui vient s’ajouter aux 4 500 milliards de mégots jetés chaque année dans la nature. Si 72 % des ados interrogés ont conscience que ce produit pollue notre planète, rappelons que la Puff est composée de plastique et d’une batterie non-amovible au lithium, représentant un danger immédiat et à long terme pour notre environnement ! Si certains fabricants revendiquent la recyclabilité de leurs produits (à l’instar de Wpuff), aucune source vérifiable ni label indépendant le confirme. Ces simples affirmations émanant des fabricants sont un exemple caractéristique de greenwashing.

« Cela fait désormais plusieurs mois que l’ACT-Alliance contre le tabac alerte sur le phénomène de la Puff qui ne cesse de s’amplifier. Alors que la vente de cette mini-cigarette jetable est interdite aux mineurs, notre étude montre clairement que les jeunes n’ont aucun mal à s’en procurer. Ne nous voilons pas la face : les fabricants n’ont jamais eu l’intention de faire de la Puff un outil de sevrage mais bien un moyen de transformer nos jeunes en fumeur de demain par le biais de ce nouveau produit de la nicotine hautement addictif. », signale Loïc Josseran, Président de l’ACT-Alliance contre le tabac, médecin et chercheur en santé publique, Doyen de l’UFR Simone Veil-Santé à l’Université Versailles Saint-Quentin. « Nous demandons au gouvernement de prendre exemple sur les législations les plus restrictives sur la cigarette électronique jetable, comme la Nouvelle-Calédonie qui en a banni l’importation sur son territoire. L’interdiction de la vente des cigarettes électroniques jetables en France est la bonne décision à prendre si nous ne souhaitons pas voir s’accélérer cette épidémie pédiatrique de l’addiction à la nicotine. ».