Quelle est la crédibilité du discours scientifique chez les français? Face aux nombreuses défiances et discours complotistes la question se pose. Alors, Antivax, anti-5G : une forte défiance malgré l’absence de preuve de dommages sur la santé?

Alors que l’anti-vaccinisme reste encore partagé par près de la moitié des Français (46% mi-janvier), mieux cerner les fondements de cette « résistance vaccinale » constitue un enjeu de santé publique qui pousse à analyser en profondeur les divers ressorts de cette opposition au vaccin contre le Covid-19. Dans le cadre de l’observatoire Lemon.fr du rapport des Français à la science et aux nouvelles technologies, Jean-Philippe Dubrulle de l’Ifop a analysé pour la Fondation Jean Jaurès les résultats d’une enquête qui montre que ces réticences trouvent, à l’instar du rejet de certaines technologies (ex : 5G, compteurs Linky, IA…), leurs origines dans une défiance générale à l’égard de la science et des autorités de contrôle ou de régulation. Alors anti-vax, anti-5G, même combat ? Réponses.

Si on observe depuis quelques semaines une tendance à une certaine « décrispation » vaccinale, l’opposition au vaccin n’en reste pas moins forte (46% des Français mi-janvier), en particulier dans les catégories populaires (60%) et les électorats des partis « anti-système » (64% chez les sympathisants RN, 53% chez les sympathisants LFI).

Le refus de se faire vacciner s’avère majoritaire dans les rangs des Français défiants à l’égard d’autorités sanitaires comme le Conseil Scientifique (59%), l’OMS (57%) ou le ministère de la Santé (57%) et, plus précisément, chez les « anti-masques » avec une pointe à 74% chez les opposants au port du masque (contre 38% chez les Français y étant favorables à l’intérieur comme à l’extérieur).

LE REFUS DE LA 5G ET DU VACCIN CONTRE LE COVID-19

Vous personnellement, seriez-vous disposé à souscrire un abonnement 5G lorsque ce type de forfait sera disponible près de chez vous ?

62 % n’envisagent pas de souscrire un abonnement.

Vous personnellement, avez-vous l’intention de vous faire vacciner contre le Covid-19 lorsque cela deviendra possible pour vous ?

46% n’ont pas l’intention de se faire vacciner.

Cette « résistance vaccinale s’avère aussi étroitement liée à une méfiance globale à l’égard des bienfaits de la science – elle est nettement plus élevée chez les Français estimant que l’apport de la science pour l’Homme est négatif (60%) que positif (29%)– ou de nouvelles technologies comme la 5G : ces réticences montant 54% chez les opposants à la 5G alors qu’elle n’est que 33% chez ses partisans.

LE CROISEMENT DU REFUS DE LA 5G ET DU VACCIN CONTRE LE COVID-19

35% refusent à la fois la 5G et le vaccin contre le Covid-19.

26% refusent seulement la 5G.

25% des personnes interrogées ne refusent ni la 5G ni le vaccin.

14% refusent seulement le vaccin.

On observe d’ailleurs une imbrication importante entre les deux mouvements – anti-vaccin d’un côté, anti-5G de l’autre – si l’on en juge la proportion élevée de Français refusant à la fois le vaccin contre le Covid-19 et la 5G : 35%, tandis que 26% s’opposent seulement à la 5G et 14% uniquement au vaccin. Au total, seul un quart des Français (25%) ne s’opposent ni à l’un, ni à l’autre.

Enfin, si l’adhésion à la théorie farfelue selon laquelle les vaccins contre le Covid-19 contiendraient des puces permettant d’être localisé via la 5G reste marginale dans l’ensemble de la population (7%), il est intéressant de noter que cette idée n’est rejetée que par un anti-vaccin sur deux (54%), signe que l’adhésion à certaines théories complotistes constitue un ressort non négligeable du vaccinoscepticisme.

ANTI-VAX,ANTI-5G, MÈME COMBAT ? LE POINT DE VUE DE JEAN-PHILIPPE DUBRULLE DE L’IFOP

Au regard de ces résultats, il apparaît donc que les ressorts de la défiance envers les vaccins et la 5G émanent d’un public qui a beaucoup de points communs – notamment nombre d’électeurs des partis protestataires – et qui partage une défiance à la fois à l’égard des autorités de régulation (ex : OMS, Arcep, gouvernement) et du point scientifique dominant. La force actuelle de ce double sentiment de défiance tient sans doute à la crise sanitaire qui a exacerbé l’écho des théories du complot, l’incertitude de la communauté scientifique quant à la réponse à apporter au virus ayant favorisé la volatilité de l’opinion et sa porosité aux thèses complotistes. Face aux insuffisances des institutions et aux incertitudes scientifiques, les opinions deviennent ainsi des valeurs refuges. Dès lors, on ne peut donc qu’aspirer à la réhabilitation du discours scientifique, préalable indispensable au dépassionnement du débat public.