Mis en place depuis le 1er janvier, le « forfait patient urgences » s’apparente à une véritable barrière financière pour les personnes les plus précaires, se rendant au urgences faute de prise en charge adaptée ou encore faute de trouver un médecin traitant.
Le « forfait patient urgences » prévoit le règlement d’un tarif unique de 19,61 euros en cas de passage aux urgences non suivi d’une hospitalisation et sera à la charge du patient si celui-ci ne dispose pas d’une complémentaire santé. Un tarif minoré est prévu pour certaines catégories de patients ainsi que des exonérations.
Ce forfait va augmenter les inégalités en impactant fortement des publics sans droits ou avec des droits au rabais, déjà éloignés des soins. C’est le cas des 3 millions de personnes sans complémentaires santé, pourtant particulièrement fragiles et vulnérables (chômeurs, retraités, petits indépendants….). C’est également le cas des personnes ayant droit à l’AME mais qui n’en bénéficient pas. Sont aussi concernées un nombre croissant de personnes exclues pour des périodes de plus en plus longue de toute protection maladie (sécurité sociale, complémentaire santé solidaire, AME), depuis la réforme très restrictive de fin 2019 et malgré des conditions de vie très dégradées. Par ailleurs, certaines personnes sont dans l’incapacité d’avancer la somme demandée.
Un large public va donc être impacté par cette mesure et les risques sont connus : renoncement aux soins, retard dans la prise en charge des plus démunis et augmentation des inégalités. Le système de santé est déjà à bout de souffle et les urgences représentaient un des derniers recours pour des personnes n’ayant pas de prise en charge ou de médecin traitant, comme dans les déserts médicaux par exemple.
Les urgences débordées sont un des symptômes de la crise du système de santé : hôpitaux au bord de l’effondrement, manque de personnel soignant, désertification médicale, manque de régulation de la médecine de premier recours… La mesure est comptable alors que la résolution du problème demande un changement de paradigme majeur. De plus cette mesure cible le paiement par les patients et leur éventuelle complémentaire, alors même que de l’autre coté l’État organise des restrictions dans l’accès aux droits des plus précaires, et ce dans une période de pandémie sans précédent.
« Le « forfait patient urgences » va pénaliser les personnes déjà en situation de précarité et qui ont tendance à renoncer aux soins. Cela va avoir un effet dissuasif et éloigner encore plus ces personnes des lieux de soin », explique le Dr Carine Rolland, présidente de Médecins du Monde. « Ce que nous voulons va à l’encontre de cette mesure : un égal accès aux soins pour tous, qui serait rendu possible par une sécurité sociale réellement solidaire, inclusive, universelle et avec un haut niveau de remboursement ».