France Assos Santé et ses associations membres, historiquement mobilisées contre les pénuries de médicaments et de vaccins, s’inquiètent de la mise en œuvre effective des mesures pourtant votées par la représentation nationale en décembre 2019. Ces associations demandent que le décret obligeant les industriels à constituer un stock de sécurité de médicaments soit rapidement publié, conformément à la loi votée par les parlementaires en décembre 2019.
La crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19 a révélé l’existence des pénuries de médicaments au grand public. Pourtant, le problème était déjà grave et préoccupant avant la crise sanitaire ! Il entraîne de lourdes conséquences pour les personnes malades. En effet, avec 1 499 médicaments signalés en difficulté ou rupture d’approvisionnement auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), l’année 2019 atteint un record avec 34 fois plus de pénuries signalées qu’en 2018. Pénuries de médicaments et de vaccins : pas de stocks en vue.
Pénurie de médicaments : le constat alarmant des professionnels de santé
Selon une étude exploratoire menée par la Ligue contre le cancer2 avec l’institut IPSOS, 74% des professionnels interrogés ont déclaré avoir déjà été confrontés à des pénuries de médicaments utilisés contre le cancer pendant leur carrière.
Trois quarts d’entre eux ont le sentiment que les pénuries de médicaments contre le cancer s’aggravent depuis 10 ans.
95% des pharmaciens hospitaliers constatent une aggravation
74% des professionnels de santé confrontés au problème
34 fois plus de cas de pénuries signalés en une dizaine d’années
Quelles sont les conséquences pour les personnes malades ?
Janvier 2019 : France Assos Santé publiait les résultats d’une enquête exclusive réalisée par l’institut BVA auprès d’un échantillon de 955 personnes représentatif de la population française qui pointaient les difficultés récurrentes d’accès à certains vaccins et médicaments pour des millions de Français et leurs conséquences directes sur leur santé et leur qualité de vie.
En septembre 2019, l’association a salué les mesures de lutte contre les pénuries annoncées par le Premier ministre qui témoignaient d’une prise de conscience manifeste du gouvernement quant à l’ampleur du problème.
En décembre 2019, un ensemble de mesures était voté par la représentation nationale dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale. Ces mesures avaient fait l’objet d’un article spécifique voté à l’unanimité à l’Assemblée nationale, au cours d’un scrutin public.
Septembre 2020 : un an après les premières annonces et alors que les difficultés d’approvisionnement en produits de santé invitaient à accélérer le pas, les principales mesures ne sont toujours pas mises en œuvre.
Parmi celles-ci, l’obligation pour les industriels de créer un stock de sécurité constituait pourtant une avancée notable, demandée historiquement par le secteur associatif.
La Ligue contre le cancer lance penuries.ligue-cancer.net
Face à l’ampleur du phénomène, les professionnels de santé et les personnes malades tirent la sonnette d’alarme. Impuissants, tous souhaitent une mobilisation collective pour faire face à un problème durable et multidimensionnel. C’est précisément pourquoi l’action de la Ligue contre le cancer sur les pénuries de médicaments est plurielle. En tant qu’organisation représentant les usagers du système de santé, elle alerte les pouvoirs publics sur l’urgence à prendre en compte les conséquences des pénuries pour les personnes malades. De même, face à un phénomène structurel, la Ligue contre le cancer appelle les acteurs du médicament à prendre leur pleine et entière responsabilité.
La Ligue contre le cancer lance penuries.ligue-cancer.net, une plateforme ouverte à tous qui permet de témoigner et, in fine, d’avoir une meilleure visibilité de la situation de terrain. Cette plateforme sera relayée via les réseaux sociaux et le site de la Ligue.
Les entreprises du médicament souhaitent une solution pragmatique et responsable
Le Leem souligne qu’il s’agit majoritairement de médicaments anciens, faiblement valorisés. L’allongement excessif de la durée de stockage de ces médicaments modifierait profondément leurs conditions d’exploitation et conduirait probablement certains fournisseurs à les retirer du marché.
A l’arrivée, loin de régler le problème des ruptures d’approvisionnement, une durée de stockage trop contraignante aurait donc pour effet de les aggraver.
Par ailleurs, comme l’a montré la récente crise sanitaire du Covid-19 avec l’explosion de la demande de certains produits de réanimation, les médicaments doivent pouvoir circuler librement pour couvrir les besoins des patients là où ils se trouvent. Même s’il n’existera jamais de risque zéro en matière de lutte contre les ruptures, c’est grâce à une mobilisation à l’échelle mondiale que les entreprises parviennent à mieux gérer les tensions d’approvisionnement.
Le Leem est favorable à la sécurisation des stocks des médicaments les plus indispensables mais dans le cadre d’un dispositif pragmatique et responsable, dans l’intérêt des patients. Il s’oppose en revanche à tout réflexe protectionniste qui, s’il s’étendait à l’échelle planétaire, priverait l’ensemble des patients de l’accès aux traitements dont ils ont besoin.
Le Leem invite une nouvelle fois à une solution réaliste et réitère son souhait d’associer les patients à cette démarche.
Qu’attend-t–on ? Du courage politique!
Le décret nécessaire à la mise en œuvre du dispositif est actuellement en attente : l’industrie pharmaceutique met aujourd’hui tout en œuvre pour en diminuer la portée.
Devant l’ampleur inégalée des pénuries de médicaments et de vaccins, les associations demandent :
- Que le décret permettant la constitution de stocks de sécurité de médicaments et de vaccins doit être publié sans attendre.
- Que le dispositif prévu par la loi constituait déjà le fruit d’un compromis en précisant que ces stocks ne pouvaient excéder quatre mois de couverture des besoins.
La demande des associations doit être entendue, à savoir l’obligation pour les industriels de constituer des stocks de sécurité correspondant à :
- 4 mois de couverture des besoins pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur mentionnée à l’article L5111-4 du code de la santé publique
- au moins 2 mois de couverture des besoins pour tout autre médicament.
Plus largement, les associations considèrent que les mesures annoncées par le premier Ministre, votées par la représentation nationale et attendues par nos concitoyens doivent être mises en œuvre en conservant toute leur portée et tout leur sens.