Microbiote-un-nouvel-éclairage-sur-le-devenir-des-fibres-alimentaires-dans-notre-intestin-santecoolLa dégradation des fibres alimentaires (et notamment des polysaccharides complexes) est une fonction majeure de notre microbiote intestinal que l’on situait jusqu’à présent uniquement dans le côlon. Or, grâce à des approches de métagénomique, des chercheurs de l’Inra, en collaboration avec le CNRS1, révèlent une activité fibrolytique au niveau de l’intestin grêle, plus précisément dans l’iléon. Publiés dans Scientific Reports le 16 janvier 2017, ces résultats conduisent à reconsidérer cette fonction de dégradation des fibres alimentaires et son impact sur la santé humaine.

 

 

Parmi les fibres alimentaires, les polysaccharides sont constitués de longues chaînes de sucres complexes, présentes notamment dans les fruits, les légumes, les céréales et qui jouent un rôle important dans notre alimentation. Ils sont digérés dans notre intestin par les bactéries de notre microbiote intestinal. Ces bactéries produisent une grande variété d’enzymes pour découper les fibres en plus petites molécules, elles-mêmes utilisées ou transformées au cours de la fermentation microbienne pour générer de l’énergie utilisée par nos propres cellules. Ce dialogue tripartite entre « fibres-microbes-hôte » contribue à nous maintenir en bonne santé et, pourtant, nos connaissances des bactéries « fibrolytiques » intestinales restent encore limitées aux bactéries localisées dans le côlon, partie terminale de l’intestin.

Une étude menée par des chercheurs de l’Inra, en collaboration avec le CNRS, a permis d’explorer un autre site intestinal : l’iléon, situé plus haut que le côlon dans le tractus digestif, en partie terminale de l’intestin grêle. Bien que colonisé par de nombreuses bactéries, l’iléon demeure très peu étudié en raison de sa faible accessibilité. Cependant, les scientifiques sont parvenus à analyser 20 000 clones métagénomiques portant de longs fragments d’ADN bactériens provenant du microbiote associé à la muqueuse iléale. Grâce à une approche de métagénomique fonctionnelle, les chercheurs ont repéré 11 clones particulièrement intéressants. En effet, ces derniers sont porteurs de gènes impliqués à la fois dans la dégradation de polysaccharides complexes constituant les parois des végétaux que nous ingérons, et dans le transport des sucres ainsi formés à l’intérieur des bactéries. Les chercheurs ont mis en évidence une cinquantaine de protéines impliquées dans le métabolisme des fibres dont la moitié est constituée d’enzymes dédiées à la dégradation de polysaccharides variés. Parmi celles-ci, 13 familles différentes de glycoside hydrolases ont été révélées.

Les gènes mis en évidence et impliqués dans le métabolisme des fibres ont tous été recherchés dans les catalogues de gènes de référence du microbiote intestinal représentatifs du microbiote colique (aucun catalogue n’existe pour les autres sites intestinaux). Leur abondance a été estimée chez plus de 1 200 individus. Si certains gènes sont partagés entre colon et iléon, d’autres semblent spécifiques de l’iléon et correspondent très probablement à des génomes bactériens installés dans l’intestin grêle, qui ne sont pas majoritaires dans le microbiote colique.

Les approches de métagénomique fonctionnelle et quantitative utilisées dans cette étude soutiennent l’hypothèse que les bactéries fibrolytiques occupent plusieurs niches écologiques le long de l’intestin. Leur rôle au niveau de l’intestin grêle doit être étudié et notamment l’impact du métabolisme des fibres sur les échanges particulièrement actifs dans ce segment intestinal avec les cellules de l’hôte, notamment avec nos cellules immunitaires.

Métagénomique fonctionnelle et quantitative

Cette étude utilise des approches de métagénomique qui ont révolutionné ces dernières années nos connaissances du microbiote intestinal. La métagénomique est une approche puissante qui permet d’analyser les génomes et d’étudier les fonctions de la plupart des microorganismes d’une niche écologique, y compris ceux, très souvent majoritaires, qui ne peuvent pas être cultivés. La métagénomique quantitative étudie les génomes des espèces composant cette niche spécifique. Grâce à cette méthode, il est possible d’analyser la diversité de l’ADN bactérien et d’établir l’abondance relative de ses composants. La métagénomique fonctionnelle, quant à elle, est une approche ciblant une ou plusieurs fonctions microbiennes et donne accès à des ressources biologiques totalement inexplorées. Elle permet d’étudier les mécanismes d’interaction entre les microorganismes et les aliments, mais aussi le dialogue entre bactéries et cellules humaines. Le criblage fonctionnel (activités enzymatiques, modulation de l’immunité…) de banques de clones porteurs de larges fragments métagénomiques bactériens permet ainsi l’identification de gènes fonctionnels et de voies métaboliques complètes.

 

Référence

Orlane Patrascu, Fabienne Béguet-Crespel, Ludovica Marinelli, Emmanuelle Le Chatelier, Anne-Laure Abraham, Marion Leclerc, Christophe Klopp, Nicolas Terrapon, Bernard Henrissat, Hervé M. Blottière, Joël Doré et Christel Béra-Maillet. A fibrolytic potential in the human ileum mucosal microbiota revealed by functional metagenomic.Scientific Reports, 16 janvier 2016. DOI: 10.1038/srep4024

 

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