La Haute Autorité de santé publie de nouvelles recommandations pour structurer le dépistage de la tuberculose pulmonaire chez les populations vulnérables en France. Objectif : mieux repérer, soigner et réduire les transmissions.
La tuberculose pulmonaire, maladie infectieuse à transmission aérienne, reste un enjeu de santé publique en France, malgré un taux d’incidence globalement faible (moins de 10 cas pour 100 000 habitants par an). Certaines zones comme la Guyane, Mayotte et l’Île-de-France enregistrent cependant des taux bien plus élevés. Et derrière les chiffres, une réalité : la tuberculose touche en priorité les populations précaires, souvent éloignées du système de soins.
Migrants, sans domicile fixe, personnes incarcérées ou usagers de drogues sont plus exposés à cette maladie, dont l’évolution peut aller de la forme latente (non contagieuse) à une forme active et infectieuse. En moyenne, une personne atteinte d’une tuberculose pulmonaire non traitée peut contaminer 10 à 15 individus par an.
Pourquoi faut-il structurer le dépistage de la tuberculose pulmonaire aujourd’hui ?
Selon la Haute Autorité de santé (HAS), une grande hétérogénéité des pratiques est actuellement observée en France.
« On constate la coexistence d’un dépistage opportuniste (consultation médicale, centre pénitentiaire, OFII…) et d’un dépistage systématique chez les détenus ou les migrants réguliers », précise l’organisme.
Mais les dispositifs varient d’un territoire à l’autre, souvent confrontés à des problèmes d’accès, de communication ou de coordination. Résultat : des cas passent entre les mailles du filet, retardant la prise en charge et favorisant la transmission.
La HAS propose deux stratégies de dépistage ciblé
Pour harmoniser et renforcer le repérage précoce des cas de tuberculose pulmonaire, la HAS propose deux approches complémentaires.
Dépistage systématique
Réservé à des publics clairement identifiés :
Migrants récents (moins de 2 ans en France) issus de pays à forte incidence (plus de 100 pour 100 000 habitants)
Personnes détenues (à l’entrée en maison d’arrêt, en cours de détention, ou sorties de prison depuis moins de 2 ans)
Enfants de moins de 11 ans vivant dans des conditions à risque ou issus de pays à forte endémie
Dépistage opportuniste
Effectué à chaque contact avec le système de soins pour :
Adultes sans-abri ou en situation de grande précarité
Personnes vivant en communauté isolée ou en marge du système de soins
Migrants ayant séjourné dans un pays à forte incidence, vivant dans la promiscuité, ou ayant été en contact avec des cas de tuberculose
L’objectif est clair : ne pas laisser passer les cas silencieux, même faiblement symptomatiques, mais déjà contagieux.
Un enjeu collectif de santé publique
Détecter, c’est protéger : tel pourrait être le mot d’ordre des recommandations de la HAS. Car en matière de tuberculose, plus tôt le diagnostic est posé, plus vite le traitement est mis en œuvre, et plus les risques de contamination diminuent.
La HAS rappelle que le dépistage ne doit pas se faire en silo. Il s’inscrit dans une approche globale de santé.
« Il est essentiel de coupler le dépistage de la tuberculose à celui du VIH ou des hépatites, particulièrement dans certaines situations (squat, incarcération, migration)« , souligne-t-elle.
Sensibiliser les professionnels pour améliorer l’identification des cas
La réussite du plan repose aussi sur une meilleure formation des acteurs de terrain : soignants, travailleurs sociaux, personnels associatifs. Ces professionnels doivent savoir reconnaître les signes d’alerte, orienter vers un dépistage, expliquer les enjeux.
Des outils concrets sont recommandés :
Supports d’information plurilingues
Campagnes de type « aller-vers » en centres d’accueil ou squats
Rappels sur la vaccination BCG, surtout pour les enfants n’ayant jamais été vaccinés et vivant dans des conditions à risque.
Tuberculose pulmonaire en France : chiffres clés
Moins de 10 cas pour 100 000 habitants en moyenne (France métropolitaine)
Jusqu’à 40 à 50 cas pour 100 000 dans certaines zones (Mayotte, Guyane)
10 à 15 personnes contaminées par un patient actif non traité
20 à 25 % des cas en France concernent des personnes nées à l’étranger.
Recommandations aux décideurs : vers une politique unifiée et proactive
Pour réduire la transmission communautaire, la HAS appelle les autorités à :
Structurer le dépistage selon les algorithmes recommandés
Mettre en place un suivi épidémiologique rigoureux
Renforcer la coordination entre services sociaux, médicaux et associatifs
Adapter les dispositifs aux réalités locales et linguistiques
Tuberculose pulmonaire : ne plus fermer les yeux sur les populations invisibles
La tuberculose pulmonaire, bien que sous contrôle en France, reste une menace silencieuse dans certains groupes vulnérables. Mieux la dépister, c’est protéger toute la société, car la maladie ne connaît pas de frontières sociales. Grâce aux nouvelles recommandations de la HAS, un dépistage structuré, ciblé et proactif pourrait bien changer la donne.
Sources :
Haute Autorité de santé (HAS), mars 2025
Santé publique France
Observatoire régional de santé d’Île-de-France