Trois personnes sur quatre sont prêtes à payer plus cher un produit ‘made in France’ (Ifop). Et le gouvernement incite fortement à consommer français. Cet élan de patriotisme économique n’a pas échappé aux industriels de l’agroalimentaire qui ont flairé la bonne affaire et n’hésitent pas à survendre l’origine de leurs produits à coup de drapeau bleu-blanc-rouge ou de carte de France, y compris quand aucun des ingrédients n’est français, alerte foodwatch à l’occasion de la fête nationale. L’association réclame donc une réponse politique et demande avec une pétition adressée aux ministres Bruno Le Maire et Julien Denormandie de mettre le holà à cette jungle tricolore dans les rayons des supermarchés.

Dans les rayons des supermarchés, c’est la surenchère : les étiquettes affichant le drapeau tricolore, la carte de l’hexagone, les produits dont le nom fleure bon le terroir mais n’ont rien de français ou encore ceux qui renferment un seul ingrédient français en toute petite quantité, enfin les rayons fruits et légumes qui brouillent notre vigilance en faisant passer pour français des aliments provenant d’autres continents.

« Les étiquettes des aliments regorgent d’inventivité pour leurrer les consommateurs qui croient, à tort, soutenir les filières françaises. Mais souvent, les aliments sont uniquement cuisinés ou mis en pot en France mais avec des ingrédients qui viennent parfois de très loin. Nous avons un nombre infini d’exemples d’arnaques que nous épinglons régulièrement. Mais les pointer du doigt ne suffit plus. Ce n’est pas à nous de faire les gendarmes. Il faut maintenant une action politique forte pour empêcher ces abus », explique Camille Dorioz, responsable de campagnes chez foodwatch.

La créativité des fabricants pour faire croire que leurs produits sont français et déclencher l’acte d’achat (pour des aliments souvent plus chers) est sans limite. Pour convaincre les ministres Bruno Le Maire et Julien Denormandie de passer à l’action, foodwatch met en avant plusieurs abus emblématiques :

  • Bleu-blanc-rouge et drapeau: le Blanc de poulet Fleury Michon rôti à la broche annonce être cuisiné en France avec drapeau bleu-blanc-rouge à l’appui mais la viande est mystérieusement originaire de… l’Union européenne (UE) ; la pâte à Pizza à l’huile d’olive de Croustipate est ornée d’un grand bandeau bleu-blanc-rouge, est pétrie en France mais l’origine du blé serait allemande ou luxembourgeoise selon le service consommateurs.
  • Carte de France: le potage bio Intermarché/Saint Eloi « Velouté duo de courges, fromages frais et muscade » présente une carte de France tricolore à l’avant de l’emballage mais aucun des principaux ingrédients annoncés n’est français ; le délice de tomates séchées d’Albert Ménès affiche une carte de France et la mention « fabriqué en Provence » mais l’origine des tomates n’est pas indiquée.
  • Peu d’ingrédients français: le ravioli bolognaise Panzani en conserve se vante de contenir de la viande bovine française (logo à l’appui) mais ce plat contient aussi de la viande de porc et se garde bien de vous indiquer l’origine précise du porc qui provient… de l’Union européenne ;
  • L’adresse française qui embrouille: le miel d’oranger bio de marque Besacier valorise sur l’étiquette son savoir-faire depuis 1905 et son adresse en France. Mais en retournant le bocal et en l’exposant à la lumière du jour, on découvre une discrète écriture à même le verre : le miel vient en réalité du Mexique. Les myrtilles de la confiture de Lucien Georgelin fabriquée en France avec son bandeau tricolore bien visible proviennent en fait de Pologne et de Lituanie selon le service consommateurs.
  • Erreur au rayon fruits et légumes: Les avocats baby vendus par trois chez Carrefour sont annoncés en rayon comme d’origine France mais ils proviennent d’Afrique du sud. Leur emballage indique qu’ils sont « contrôlés et emballés » en France et présente un beau drapeau français. Il n’en a pas fallu davantage pour confondre les employés qui ont renseigné « France » dans les rayons. De même chez Super U, le mélange de champignons de culture et sauvages en barquette émincés et a préparés en France sont renseignés comme étant d’origine France alors que le champignon le plus présent est polonais.

trop-daliments-made-in-france-arnaquent-sur-leur-veritable-origine

Camille Dorioz : « Derrière cette abondance de bleu-blanc-rouge se cachent en réalité de véritables arnaques. Grandes marques, marques de distributeurs mais aussi bio mettent en avant le « made in France » pour des aliments qui ne contiennent parfois pas le moindre ingrédient français. L’ambiguïté profite clairement aux industriels qui désinforment les consommateurs en toute impunité. Et lorsque nous contactons les services consommateurs, beaucoup ne sont pas à même de nous donner l’information sur l’origine des ingrédients ou refusent de nous la communiquer. Il est temps qu’une réglementation forte vienne mettre de l’ordre dans cette jungle tricolore. Les consommateurs en ont assez de se faire avoir ».

Aujourd’hui la réglementation sur l’utilisation de symboles et mentions « made in France » laisse des marges de manœuvre trop grandes aux fabricants et distributeurs qui en abusent allègrement. foodwatch exige avec sa pétition d’encadrer plus strictement le marketing du « made in France ». Si les ingrédients principaux ne sont pas français, les symboles « made in France » doivent être exclus ou être accompagnés sur la face avant des produits par des informations claires sur les ingrédients hors France et leur origine, en taille identique et à proximité du dit symbole.

Lors de la parution de son Calendrier du vent pour Noël 2020, foodwatch avait notamment taclé le « Miel de montagne bio » de Besacier présentant une adresse en France sur l’étiquette mais le miel vient du Nicaragua, les « Escargots de Bourgogne à la Bourguignonne » de Monique Ranou (Intermarché/Les Mousquetaires) provenant de Pologne, la « Moutarde de Dijon French Mustard » de Petits Gourmets fabriquée avec des graines de moutarde 100% canadiennes, la « Crème à la vanille Isigny Sainte-Mère » qui n’a rien à voir avec la véritable crème d’Isigny qui jouit d’une appellation d’origine protégée ; le lait ici est « origine UE ».

Sources :

  • Pétition « Aliments made in France : stop aux arnaques » LIEN
  • Visuels – dessin Soulcié et infographie – libres de droit
  • Sondage Ifop « Les Français et le made in France » (2018) : 3 personnes sur 4 prêtes à payer plus cher pour du ‘made in France’
  • Depuis la pandémie, 2 Français sur 3 ont augmenté leurs achats de produits ‘made in France’. Sondage Opinion Way, décembre 2020
  • Repérer les aliments « made in France » pas si français que ça, article
  • L’origine de l’ingrédient primaire. Depuis le 1er avril 2020, lorsque l’étiquetage fait apparaître l’origine d’une denrée alimentaire et que celle-ci diffère de celle de son ingrédient primaire, l’indication de l’origine de l’ingrédient en question devient obligatoire. L’ingrédient primaire est défini comme l’ingrédient entrant pour 50 % ou plus dans la composition d’une denrée ou le/les ingrédients qui sont habituellement associés à la dénomination de cette denrée par le consommateur. Ex : l’étiquetage d’un gâteau revendiquant une origine française alors que la farine mise en œuvre dans sa fabrication ne serait pas produite en France devrait renseigner le consommateur sur l’origine de la farine.
  • Arnaques au « made in France » dans le Calendrier du vent de décembre 2020