La tentation de prédire tout risque de maladie s’accroit avec les possibilités élargies de séquencer son ADN, celui de l’embryon ou de l’enfant à naître, avec une apparente facilité. Par tests génétiques, on désigne des actes scientifiques et médicaux, tout comme d’autres tests à visée récréative, ce qui ajoute à la confusion sur la nature, la pratique et les enjeux de ces tests génétiques. Alors, avec les tests génétiques, peut-on tout prédire?

Les tests génétiques médicaux ou à visée de recherche, dans le cadre législatif français, sont de cinq sortes :

    • tests prénuptiaux,
    • préconceptionnels,
    • tests préimplantatoires,
    • tests prénataux,
    • tests néonataux.

 

Selon les cas, on étudie une petite partie des gènes (panel de gènes pertinents, puce de diagnostic ciblé…), l’ensemble de l’ADN codant (exome, environ 2% du génome) ou le génome entier. Il est raisonnablement possible de prédire certaines maladies génétiques causées par un ou plusieurs gènes bien connus, a fortiori lorsqu’un membre de la famille est atteint. La variabilité de l’expression des maladies génétiques, chez des patients porteurs des mêmes mutations, complique l’établissement d’un pronostic et le conseil génétique aux familles.

Ainsi, encore peu connu, le métier de conseiller en génétique est devenu central dans l’accompagnement des familles. En complément des rendez-vous avec des médecins généticiens, les patients rencontrent ces professionnels en consultation. « Quel est notre risque de transmettre une maladie à notre enfant ? » est l’une des questions que se posent fréquemment les couples, pour un premier ou un deuxième enfant.

« Nous accompagnons principalement des familles qui ont recours à des tests préimplantatoires et prénataux. Parfois, des parents nous demandent si on ne pourrait pas « tout regarder » pour éviter une maladie grave. Mais la loi nous l’interdit, et ce n’est pas notre rôle » précise Roxana Borghese, conseillère en génétique à l’Institut Imagine et l’Hôpital Necker-enfants malades AP- HP.

Le test préimplantatoire se pratique quand il y a une maladie génétique connue dans la famille. Après des stimulations hormonales et une fécondation in vitro, on sélectionne les embryons indemnes qui seront implantés chez la mère. Le taux de réussite en termes de grossesse se situe autour de 20%. Le nombre de demandes excède le nombre de tests préimplantatoires réalisés en France chaque année, et un délai d’attente considérable (jusqu’à 18 mois) s’est constitué au fil des années. Quant au test prénatal, il peut être fait dès 2 mois et demi de grossesse en cas de suspicion d’une maladie génétique. Le rôle des conseillers en génétiques est d’informer, le plus clairement possible, les patients. « Parce que nous faisons du conseil génétique, les gens nous demandent souvent si nous donnons notre avis pendant les consultations. Nous sommes formés pour informer, rassurer les patients. Leur décision leur appartient, chaque situation est unique. Et on prend le temps de leur expliquer les choses. Prendre ce temps avec les patients, c’est notre luxe » partage Joana Bengoa, elle aussi conseillère en génétique depuis plus de douze ans.

« La génétique, ce n’est que des situations uniques, on ne peut pas généraliser une conduite à tenir. Beaucoup de couples souffrent à cause du regard de la société sur certaines maladies génétiques. Ce jugement est douloureux et personne ne peut s’imaginer ces situations avant de les vivre… Serait-ce vraiment aider les gens que d’ouvrir les tests à toute personne le souhaitant, et sur de plus nombreuses maladies ? » s’interrogent les conseillères en génétique.

Le Comité Consultatif national d’éthique a rendu le 18 septembre 2018 l’avis n°129, prenant position pour une ouverture mesurée de certains tests : « le dépistage génétique préconceptionnel, dont le but est d’éviter une pathologie grave chez un enfant à naitre, pourrait être proposé à toutes les personnes en âge de procréer. » peut-on lire page 68 de cet avis. Le Pr Stanislas Lyonnet souhaiterait quant à lui que si nous avançons vers une autorisation de ce type de tests supplémentaires, ils soient fondés sur une pleine information, sur le libre arbitre des personnes et des couples, et que leur modèle de financement puisse dégager un fonds de recherches sur les maladies dépistées.

Au-delà de ces tests encadrés par un suivi médical, d’autres tests génétiques font l’objet d’une publicité croissante. En jouant sur notre curiosité naturelle, notre quête d’identité ou une angoisse diffuse de développer une maladie grave, des sociétés étrangères ont développé une offre de tests génétiques individuels, déconnectés de tout parcours de soin. Ces tests, interdits en France, proposent de préciser les origines géographiques des clients, de leur trouver d’éventuels parents, ou encore de mesurer leur risque de développer certaines maladies, sans plus d’analyse. Ces tests, interdits en France, sont en fait une « machine à perdre », selon le directeur de l’Institut Imagine. Pratiqués sans prescription, livrés sans aucune analyse médicale, leurs résultats sont plus que discutables. Les données issues du séquençage de l’ADN des clients de ces sociétés sont ensuite utilisées à des fins qui échappent au droit français, et vraisemblablement aux principes éthiques que linstitut de recherche, de soins et d’enseignement sur les maladies génétiques Imagine souhaite défendre.