La Fondation pour l’Enfance publie son premier baromètre sur la perception de l’impact du numérique sur les 0-6 ans en partenariat avec l’IFOP. Objectif : établir un état des lieux précis, à partir de l’éclairage à la fois des parents. Alors quel est impact des écrans sur le développement des enfants ? Réponses.

L’impact des écrans sur le développement des enfants : un risque bien identifié par les médecins et mais des parents plus partagés

65% des parents estiment que l’usage des écrans impacte fortement le développement des enfants, soit le quatrième facteur impactant le plus derrière l’environnement affectif (78%), le sommeil (75%) et les principes d’éducation (72%). L’alimentation (62%), les substances chimiques de certains produits (49%), le milieu social d’origine (49%) et la pollution atmosphérique (46%) complètent le podium.

Lorsque nous avons posé la même question de façon spontanée aux médecins généralistes et aux pédiatres, il apparaît que les facteurs cités par ces derniers sont peu ou prou en cohérence avec ceux des parents. 60% citent des facteurs ayant trait à l’environnement familial et social – l’environnement familial (27%), l’éducation (22%) -, 44% aux nouvelles technologies, 26% à l’alimentation et 7% à la santé. D’ailleurs, l’impact des écrans sur le développement des enfants apparaît comme un facteur de risque bien identifié par les professionnels de santé (42% citent les écrans dans le thème nouvelles technologies).

Certaines lacunes se révèlent sur les questions évaluant leur appréhension de l’impact des écrans dans différentes situations. Les parents ont conscience que leur propre utilisation des écrans impacte leurs enfants (adhésion supérieure à 80% sur le Total impact de la base des concernés), mais de façon modérée dans la mesure où les répondants sont très partagés sur le fait que cela impacte « fortement » leur enfant : regarder leurs réseaux sociaux avec lui (53%), utiliser les écrans en marchant avec son enfant dans la rue (50%), lui donner à manger en regardant les notifications (49%), regarder la télé en même temps qu’ils jouent (49%), utiliser le téléphone pour lire une histoire avant de se coucher (49%), consulter sa messagerie alors qu’ils leur donnent à manger (46%), prendre connaissance d’une notification alors qu’ils interagissent avec (40%). De plus, l’atténuation du danger en fonction de différentes situations n’est pas évidente comme les opinions sont nuancées : les dangers sont jugés bien moins importants pour 6 parents sur 10 si l’enfant n’utilise pas les appareils numériques avant le coucher (61%), si l’enfant a une attention suffisante de la part de ses parents (60%), et si l’enfant pratique des activités physiques, sportives (59%) et 56% si l’enfant pratique des activités manuelles.

Relevons que les parents reconnaissent des avantages aux écrans. Ils estiment largement que les écrans permettent aux enfants de se détendre (54%) et les perçoivent aussi comme un moyen permettant leur éveil et leur apprentissage (34%).

Si de prime abord les parents apparaissent plutôt au fait sur les facteurs jouant sur le développement des enfants, seuls 1/3 des médecins estiment que les parents sont suffisamment informés sur les étapes du développement cognitif et émotionnel de l’enfant (28%) et sur la sensibilisation aux impacts des usages numériques de l’enfant (30%).

L’exposition aux écrans se traduit par des conséquences, particulièrement des troubles du comportement et de l’addiction

Le lien entre l’usage des écrans et les difficultés de développement chez l’enfant est évident chez 9 médecins et pédiatres sur 10 (89% ont observé un lien au cours de leur pratique). Ce lien est fortement observé dans le cas d’un temps d’exposition excessive (85, dont 56% souvent) comme dans le cas d’un contenu inadapté (90%, dont 45% souvent) et particulièrement par les pédiatres. Les observations à la base de ce constat sont principalement les troubles du comportement (colère, irritabilité, agressivité…) à égalité avec le problème de sommeil (fatigue excessive, rythmes désajustés…) (84%) et les troubles de l’humeur (état dépressif, retrait relationnel…) (78%). Viennent ensuite les troubles de l’attention (77%), la sociabilité (tendance à s’isoler, passivité dans la cour de récréation…) (73%), le surpoids et l’obésité (73%), le langage, la maîtrise du vocabulaire (69%), les performances cognitives (mémorisation, attention, raisonnement…) (66%) et l’hyperactivité (65%). Les conséquences les moins observées telles que les impacts sur l’empathie (55%), et la vue (progression de pathologies, sécheresses oculaires, …) 47%) restent tout de même citées par un nombre important de professionnels de santé.

Les parents reconnaissent quasiment tous des inconvénients à l’utilisation des écrans, à commencer par le caractère addictif : l’addiction / la dépendance aux écrans (40%), le refus de l’enfant d’arrêter d’utiliser l’écran (25%). L’excitation, l’hyperactivité (24%), la diminution des autres activités ludiques, la diminution des autres activités extérieures et les troubles du sommeil (19% pour les trois) sont les autres inconvénients les plus cités. Une bonne partie observe des conséquences négatives sur le comportement de leur enfant. Ils ont toutefois plus conscience des conséquences résultant de l’usage des écrans par les enfants (65%) que de leur propre usage (55%). Nous retrouvons le même profil chez les parents déclarant le plus les conséquences négatives : ceux qui ont au moins deux enfants âgés de 0 – 6 ans, ceux qui laissent un accès illimité aux outils numériques et les catégories pauvres (moins de 900 €). Les parents d’enfants âgés de 5-6 ans (73%) font également parties de ceux déclarant le plus des conséquences liées à l’usage des enfants et les catégories supérieures (60%) de ceux déclarant le plus des conséquences liées à l’usage des parents.

A l’instar des médecins, les troubles du comportement sont la conséquence la plus observée par les parents (51%), en particulier chez les femmes (57%), les 35-49 ans (56%) et chez ceux qui encadrent l’accès au numérique (58%). Les parents déclarent dans un second temps avoir observé chez leur enfant des troubles de l’attention (28%), de l’hyperactivité (27%) et un problème de sommeil (fatigue excessive, rythmes désajustés…) (25%). Les autres conséquences testées sont observées par moins d’1 parent sur 5 : les troubles de l’humeur (état dépressif, retrait relationnel) (18%), la vue (progression de pathologies, sècheresses oculaires…) (16%), le langage, maîtrise du vocabulaire (15%) et la sociabilité (tendance à s’isoler, passivité dans la cour de récréation, victimisation…) (15%) et par moins de 15% : impacts sur l’empathie (positifs ou négatifs) (12%), les performance cognitives (11%) et le surpoids et l’obésité (8%). Relevons que ces conséquences observées sont bien moins déclarées par les parents et n’ont pas la même hiérarchie que celles des médecins.

Les conséquences spontanées observées suivent la même logique qu’en assisté. Les parents évoquent une perturbation de l’équilibre émotionnel (41%) avec notamment l’énervement (23%), des séquelles sur le comportement et sur la santé (37%) et enfin un trouble des comportements sociaux (21%).

Des parents vigilants face à l’usage du numérique et prêts à modifier certaines de leurs pratiques numériques pour éviter l’exposition indirecte de leur(s) enfant(s).

Une bonne partie des parents d’enfants de 0 à 6 ans se révèle prudents quant à l’utilisation des outils numériques de leur famille. Plus de la moitié (57%) fait part d’une utilisation des outils numériques très stricte et vérifie tout ce que les enfants regardent et 45% – notamment 52% des 18-24 ans – essaient de se renseigner au maximum pour adapter leurs pratiques même si ce n’est pas évident au quotidien. 32% associent le numérique à de nombreux risques et préfèrent ne l’utiliser que si c’est indispensable (travail, école, etc.). Toutefois, certains montrent moins de vigilance ou font montre de difficultés pour contrôler leur pratique numérique : 1/3 considère les apports du numérique comme une vraie chance, qu’ils utilisent tous les outils à leur disposition, d’autres avouent que les écrans numériques ont pris beaucoup de place dans leur sphère familiale et qu’ils n’arrivent plus à contrôler leur usage (19%) et qu’ils se sentent parfois dépassés par les technologies et ont du mal à accompagner leurs enfants (16%).

L’accès des enfants aux outils numériques est contrôlé par la plupart des parents, avec 63% qui encadrent l’accès à des moments bien définis de la journée et pour un délai limité, notamment les familles avec au moins 2 enfants de moins de 7 ans (68%) et celles avec un enfant de l’âge de 5-6 ans (70%) et 19% qui l’autorisent uniquement si c’est indispensable (pour l’école, pour s’occuper lors des trajets). Les deux items les plus opposés, « Illimité, les enfants en ont l’usage dès qu’ils le souhaitent » (8%) et « Inexistant, vos enfants n’utilisent jamais ces outils » (10%), sont bien moins sélectionnés par les répondants. D’ailleurs, la quasi-totalité des parents ont fixé au moins une règle concernant l’usage des écrans de leurs enfants (96%) et une grande proportion répond par la positive aux règles suggérées : les contenus regardés (dessins animés, application de jeux, etc) (90%), les moments d’utilisation (88%), la durée d’utilisation (87%), le fait de pouvoir utiliser l’écran seul (80%). L’attitude de l’enfant (ex : des récompenses pour un usage maîtrisé, des privations en cas d’usage excessif) recueille un peu moins de citations (63%).

La plupart des parents se déclarent prêts à modifier certains de leurs usages des écrans pour éviter l’exposition indirecte de ses enfants. L’instauration de temps d’activité communs sans écran (55%, 61% pour les communes rurales, les catégories pauvres ainsi que ceux qui ont un enfant de 5-6 ans), ne pas consulter son téléphone avec son enfant (à la maison comme à l’extérieur) (48%) et éteindre la télévision pendant les repas sont les usages avec la plus forte propension à les modifier. Viennent ensuite désactiver les notifications (22%) et laisser le téléphone éteint à la maison (21%).

Les médecins évaluent les pratiques numériques principalement en discutant avec les familles (81%), notamment les médecins de moins de 40 ans (87%). Une faible part leur demande de se positionner sur une échelle (durée, fréquence…) et 6% n’ont pas d’outils pour les évaluer. Le dialogue se révèle plutôt facile entre les médecins et les familles : le sujet est simple à aborder avec les parents (78%), qui sont preneurs de conseils sur les pratiques à adopter (77%). Toutefois, certains médecins soulèvent des difficultés en déclarant des parents peu concernés par l’impact de leurs pratiques numériques sur le développement des enfants (63%).

 Des médecins plutôt pessimistes face aux messages sur l’usage des écrans et qui recommandent plus d’information et de sensibilisation

Les messages de prévention sont plutôt bien perçus mais suscitent des jugements plus partagés chez les médecins. Les parents sont plus nombreux à penser que les messages sont clairs (72%, vs 58% des médecins), qu’ils alertent suffisamment sur les dangers du numérique (62%, vs 50%), qu’ils distinguent bien les usages partagés avec les parents par rapport aux usages solitaires de l’enfant (58%, vs 52%) et trop alarmistes (40% vs 31%), tandis que les médecins les trouvent davantage « trop éloignés de la réalité à partir du moment où le numérique fait partie de la vie de toutes les familles aujourd’hui » même si également l’un des trois premiers constats faits par les parents (67% vs 61%). Les deux publics restent assez d’accord sur le fait que les messages sont trop généraux, peu adaptés aux particularités de chaque enfant (57% des médecins et 61% des parents) et qu’ils sont basés sur les opinions de chacun plutôt que sur des démonstrations scientifiques (58% des médecins, vs 54% des parents).

Les recommandations concernant l’usage des écrans des sociétés savantes (associations regroupant des experts et des amateurs éclairés qui publient des travaux de recherche) et de la Haute Autorité de Santé apparaissent plutôt claires pour les médecins (67%, dont 23% tout à fait). Néanmoins, le fait qu’elles soient facilement applicables les partagent plus (56%).

Assez logiquement, les médecins estiment que pour mieux informer les familles au sujet de l’usage des écrans, il faudrait avant tout renforcer les campagnes d’information et de sensibilisation concernant l’impact du numérique sur le développement des enfants (83%). Ensuite, établir des recommandations claires sur l’usage du numérique par les parents et les enfants (70%) et enfin à égalité proposer des ateliers pour informer sur l’impact du numérique sur le développement des enfants et proposer des outils clés en main pour réduire l’usage excessif des écrans par les parents et les enfants (64% pour les deux).

 

Étude Ifop pour la Fondation pour l’Enfance (échantillon représentatif de 603 parents et de 403 médecins généralistes et pédiatres)