Une étude, menée par Coralie Chevallier, chercheuse de l’Inserm au sein de l’Unité 960 « Laboratoire de Neurosciences Cognitives » (Inserm/ENS), suggère qu’un environnement défavorable durant notre enfance induit à la fois une reproduction plus précoce et un désinvestissement dans la santé au cours de la vie. Ces résultats sont publiés dans la revue Evolution and Human Behavior.
Les modèles actuels issus de la biologie évolutive montrent qu’il peut être avantageux pour un organisme vivant dans un milieu défavorable (avec un faible niveau de ressource ou un fort niveau de stress et de violence) d’adopter des comportements privilégiant les bénéfices à court terme, moins élevés que sur ceux obtenus sur le long terme mais plus certains. Ainsi, recevoir des signaux indiquant que l’environnement est dangereux pendant la période juvénile amènera l’organisme à ajuster sa stratégie vers une reproduction précoce, au détriment d’investissements à plus long terme dans l’entretien et la réparation du corps.
Partant de cette observation chez l’animal, Coralie Chevallier, chercheuse à l’Inserm au sein du « Laboratoire de neurosciences cognitives » de l’École Normale Supérieure (ENS) de Paris, a mené une étude afin de déterminer si ce modèle était applicable à l’Homme. Pour cela, la chercheuse et son équipe, ont sélectionné un panel représentatif de la population française de 1000 hommes et femmes, âgés de 19 à 87 ans.
Trois grandes thématiques sur la précarité dans l’enfance ont été abordées :
- l’environnement lors de l’enfance : investissement des parents, éducation reçue, expériences personnelles, difficultés familiales, etc… ;
- la stratégie reproductive : nombres d’enfants, âge de la 1ère grossesse, âge du premier rapport sexuel et nombre de partenaires à court-terme ;
- état de santé : indice de masse corporel (IMC), ressenti personnel sur l’état de santé, volonté de rester en bonne santé et consommation de tabac.
Les répercussions délétères de la précarité dans l’enfance
L’analyse de ces données montre qu’il existe une association entre la précarité durant l’enfance et la stratégie de reproduction et de santé des individus : débuts plus précoces de la vie sexuelle, arrivée du premier enfant plus tôt, moins bonne santé à l’âge adulte (surpoids, tabagisme,…). En d’autres termes, un plus faible investissement dans la santé est bien associé à une stratégie de reproduction avantageuse à court-terme et ces comportements sont associés à la présence d’un environnement défavorable durant l’enfance.
Ces résultats suggèrent donc que des comportements que l’on aurait pu considérer a priori complètement indépendants font en réalité partie de stratégies plus générales qui s’ajustent en fonction de l’environnement. Selon Coralie Chevallier, ce travail est important pour les pouvoirs publics : « l’exposition à des environnements précaires dans l’enfance a des conséquences importantes tout au long de la vie et doit faire l’objet de politiques publiques ciblées. » conclut-elle.