Une étude Inserm montre que la pollution sonore dans le Grand Paris est surtout liée aux trajets quotidiens en métro, voiture et RER.

 

La pollution sonore dans la métropole du Grand Paris dépasse largement le cadre résidentiel. Une étude récente menée par l’Inserm et Sorbonne Université révèle que ce sont les déplacements quotidiens, notamment en métro, en voiture ou en RER, qui constituent la principale source d’exposition au bruit. Cette conclusion interpelle, car elle remet en cause les outils actuels d’évaluation du bruit et souligne l’urgence d’intégrer les comportements de mobilité dans les politiques de santé publique.

Une étude de terrain inédite sur les nuisances sonores

Cette étude, publiée le 21 mars 2025 dans la revue Journal of Exposure Science and Environmental Epidemiology, a suivi 259 habitants de la métropole entre 2018 et 2020. Grâce à des sonomètres et des traceurs GPS, les chercheurs ont pu mesurer avec précision le niveau sonore auquel ces personnes étaient confrontées au fil de leurs journées, que ce soit chez elles, dans les transports, au travail ou pendant leurs loisirs.

Selon Basile Chaix, directeur de recherche à l’Inserm :

« l’étude montre que la pollution sonore plus intense dans les transports ferrés souterrains, et plus largement dans les transports motorisés, contribue de façon non négligeable à l’exposition quotidienne au bruit des résidents du Grand Paris ».

Le rôle majeur des transports dans l’exposition au bruit

L’analyse révèle que les habitants du Grand Paris subissent moins d’un quart de leur exposition sonore quotidienne à domicile. Le reste de l’exposition sonore, quant à lui,  se répartit entre les lieux de travail, les loisirs, les commerces, la marche, la voiture et les transports en commun souterrains. C’est ainsi qu’en moyenne, les déplacements représentent plus d’un tiers de l’exposition au bruit, alors qu’ils occupent moins de 10 % du temps quotidien. Cette disproportion illustre la puissance des nuisances sonores générées par les transports motorisés.

De fait, en ce qui concerne l’exposition au bruit dans les transports parisiens (voiture, métro, bus, RER, tramway), les participants ont accumulé 21,4 % de leur dose sonore quotidienne en seulement 61 minutes en moyenne. Il s’agit donc d’un facteur prépondérant.

Pollution sonore en Île-de-France : des seuils alarmants dépassés

L’impact du bruit sur la santé dans le Grand Paris est délétère. D’ailleurs, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de ne pas dépasser 55 décibels (dB(A)) pour éviter des effets néfastes sur la santé. Pourtant, les participants à l’étude ont été exposés à un niveau supérieur à ce seuil pendant près des deux tiers de leurs journées, soit 64 % du temps observé. Cette surexposition est inquiétante au regard des conséquences connues : troubles du sommeil, pathologies cardiovasculaires, fatigue chronique, problèmes de concentration, et même retards cognitifs chez les enfants.

« Nos résultats suggèrent que ces seuils sont aussi souvent dépassés lors des activités et des déplacements quotidiens hors du domicile », indique Basile Chaix.

Cartes de bruit et réalité sonore dans le Grand Paris : un décalage préoccupant

Les cartes de bruit actuellement utilisées pour évaluer l’exposition sonore se basent sur des mesures réalisées en façade des bâtiments. Elles ne tiennent donc pas compte de l’intensité sonore vécue dans les déplacements et les lieux publics. Cette approche statique ne permet pas d’évaluer correctement les risques réels encourus par la population.

« Les cartes de bruit ne peuvent pas être utilisées seules pour prédire les impacts du bruit sur la santé de la population », insiste Basile Chaix.

Les données de terrain montrent donc clairement que la dynamique des mobilités urbaines doit être intégrée aux outils de mesure pour élaborer des politiques efficaces de réduction du bruit.

Nuisances sonores quotidiennes en Île-de-France : les populations les plus modestes plus exposées

L’étude confirme également une inégalité sociale face à la pollution sonore. Plus le niveau de revenu du ménage augmente, plus l’exposition au bruit diminue. Cette tendance, déjà relevée par l’Agence européenne pour l’environnement en 2019, est ici mesurée à l’échelle du quotidien des Franciliens. Les populations défavorisées cumulent souvent temps de trajet plus longs, logements proches des axes bruyants et usage intensif des transports collectifs.

Solutions pour réduire la pollution sonore dans le Grand Paris

Les auteurs de l’étude appellent ainsi à une transformation urbaine pour réduire l’exposition sonore. Réduction du trafic motorisé, développement des mobilités douces, facilitation de l’accès aux services de proximité à pied, et création de zones calmes sont autant de leviers d’action pour protéger la santé des citadins.

« Il est crucial de réduire le transport motorisé, d’aménager la ville pour les piétons, de rendre les services accessibles à pied et de créer des zones calmes en centre-ville », conclut Basile Chaix.

L’exposition au bruit dans le Grand Paris dépasse de loin le cadre domestique. Ce sont donc les trajets quotidiens, souvent inévitables, qui pèsent le plus lourd dans la balance sanitaire. En repensant l’urbanisme et les politiques de transport, les pouvoirs publics peuvent agir concrètement pour améliorer la qualité de vie des Franciliens. Cette étude de l’Inserm sonne comme un signal d’alarme et un appel à l’action.