Le terme PNPP, préparation naturelle peu préoccupante, regroupe de nombreuses solutions telles que les tisanes, purins, macérats, jus, … pour aider les plantes à mieux combattre les parasites et les maladies. Depuis 15 ans, une bataille inouïe et incompréhensible fait rage. PNPP : une alternative aux pesticides en danger à qui profitent ces ralentissements et blocages législatifs ?

Depuis des années, les PNPP se retrouvent dans toutes les jardineries, et leur vente explose. Il existe un réel engouement pour ces préparations naturelles, auprès de nombreux agriculteurs autant dans la viticulture, la céréaliculture, le maraîchage, ou auprès de responsables d’espaces verts. Ces utilisateurs ne sont pas nécessairement en agriculture biologique. Certains d’entre eux gèrent plusieurs centaines d’hectares. Ils savent que ces produits fonctionnent, qu’ils coûtent moins chers que les pesticides de synthèse, et n’ont pas d’impacts sanitaires et environnementaux (si on respecte une posologie et des pratiques). Mais hélas, il y a un fait terrible : les PNPP une alternative aux pesticides en danger.

Ce développement gêne. Alors les Autorités inventent des ruses législatives, elles n’interdisent pas frontalement les PNPP, reconnues par la loi depuis 2006. Elles en autorisent certaines, demandent des évaluations pour d’autres. Elles veulent surtout normaliser une pratique ancestrale, qui renforce l’autonomie paysanne. Normaliser, évaluer, autoriser… c’est le premier pas vers l’interdiction des savoir-faire paysans et vers la privatisation de ces solutions par une industrie qui sent le vent tourner, qui comprend que les pesticides de synthèse sont de moins en moins acceptés par les consommateurs et condamnés à terme. Cette normalisation risque de profiter à l’industrie des pesticides qui aura, elle, les moyens humains, financiers et techniques pour proposer des produits homologués.

Les PNPP sont strictement encadrées par la loi

La loi sur les PNPP est d’une complexité déconcertante : elle divise les PNPP en deux catégories. Elles doivent donc être composées exclusivement de « substances de base », ou de « substances naturelles à usage biostimulant » (SNUB). Ces deux termes renvoient à des réglementations différentes, histoire de noyer le poisson. Une substance de base est une substance « dont la destination principale n’est pas d’être utilisée à des fins phytosanitaires, mais qui est néanmoins utile dans la protection phytosanitaire », elle est donc gérée par le règlement européen sur les phyto, alors qu’une SNUB est classée parmi les matières fertilisantes et est gérée au niveau français1.

Actuellement, sont donc autorisées 20 substances de base, comme le sucre, le bicarbonate, l’huile d’oignon, l’huile de tournesol, le vinaigre, la bière, etc. et 144 SNUB, comme l’ail, l’ortie et l’achillée millefeuille, etc.

Mais dans ce bazar législatif, rassurez vous, le ministère de l’Agriculture vous autorise à utiliser de la bière dans votre jardin dans un piège à limace. C’est donc un « molluscicide » officiel… Ou du vinaigre blanc… Et le savon noir ? Non, pour ce dernier son innocuité n’est pas prouvée…

Les PNPP pourraient être définies de façon beaucoup plus simple, ce qui faciliterait leur réel développement. Les procédures d’évaluation et d’autorisation ont été simplifiées, mais restent encore trop complexes et permettent d’en restreindre l’usage.

Pour imposer ces évaluations et autres normes, ce sont bien souvent des arguments fallacieux qui sont mis en exergue, notamment par les ministres de l’Agriculture. Ainsi Stephane Travert a affirmé que « la courge, si elle est trop consommée, fait tomber les cheveux. Les feuilles de rhubarbe sont si toxiques qu’elles tuent la vie du compost ». Et Stéphane Le Foll, lui, évoquait la présence d’un insecticide dans le purin d’ortie… et donc qu’il fallait l’évaluer comme les insecticides de synthèse. Non la courge n’est pas toxique. Non, le purin d’ortie n’est pas un insecticide et il est principalement utilisé comme biostimulant.

La caricature est aussi maniée avec dextérité par les détracteurs des PNPP, à l’instar du sénateur Bruno Sido qui affirme : « A en croire notre collègue Joël Labbé et d’autres, tout ce qui est naturel est bon ». Personne n’oserait affirmer une telle énormité, tout le monde sait que tout a une dose létale, même l’eau. Faut-il légiférer sur la quantité d’eau qu’une personne peut boire ?

Contrairement à ce qu’elles affirment, les autorités françaises font tout pour bloquer le développement des PNPP. Les faits le confirment.

De nombreuses PNPP ne sont pas autorisées alors qu’elles sont utilisées depuis des décennies, sur des centaines d’hectares sans qu’aucun incident sanitaire et phyto-sanitaire n’ait été recensé par les autorités. Pourquoi ?
L’Allemagne et l’Italie, par exemple, ont autorisé plusieurs centaines de plantes sans qu’aucun incident sanitaire et phyto-sanitaire n’ait été recensé par les autorités. Pourquoi ?

La Répression des Fraudes intervient dans certaines jardineries2 et leur demande de retirer les purins de consoude alors que d’autres, comme Gamm’Vert, filiale du vendeur de pesticide de synthèse InVivo, continue de vendre en ligne des purins illégaux. Pourquoi ?
Les entreprises qui défendent des solutions brevetées de biocontrôle ou des biostimulant refusent que le ministère simplifie encore les procédures d’autorisation. Pourquoi ?

Les atermoiements des autorités ne viendraient-ils justement pas de l’action des lobbies ? Nous pouvons démonter qu’il existe une porosité entre les syndicats majoritaires (FNSEA), les entreprises (UIPP, DowDupont, Novartis) et le ministère de l’Agriculture (DGAL). Cela explique sans doute un peu de la frilosité des ministres successifs.

L’Aspro-PNPP et consort (Confédération paysanne, Itab, Amis de la Terre, Agrobio Périgord, Demeter, MABD, Unaf, Syndicat des Simples, Nature & Progrès, Les Amis de l’Ortie, LPO, Les Artisans du Végétal, etc.) réclament a minima que tout ce qui est issu de plante ou partie de plante consommées par l’homme ou l’animal puisse être utilisé sur des plantes. Ce critère avait d’ailleurs été reconnu par la Commission d’étude de la toxicité concernant les produits phyto-pharmaceutiques à base de végétaux et de produits végétaux dès 2001. Mais au moment des débats au Parlement sur la loi EGALim en 2018, les différents amendements qui demandaient que cela soit inscrit dans la loi, amendements parfois votés en première lecture à l’Assemblée Nationale, ont été évincés.

Pourquoi ? Existe-t-il des arguments sérieux pour appuyer ce rejet ? Non.

Au contraire, tout montre que les PNPP sont réellement peu préoccupantes.

Contrairement aux pesticides de synthèse, elles ne sont pas rémanentes et sont totalement biodégradables, elles n’entraînent pas de phénomène de résistance chez les insectes ou virus cibles, etc.

Rappelons aussi que les 144 plantes autorisées en 2016 l’ont été en dehors de toute évaluation, preuve que l’argument de l’innocuité qu’il faudrait démontrer est fallacieux.

Industrie versus PNPP : un enjeu économique de taille

En réalité, dénigrer les PNPP permet à l’industrie de la chimie de proposer ses propres produits. Les industriels se positionnent sur un créneau porteur qui demande d’évincer du débat sur les alternatives les PNPP en tant que produits du domaine public, donc sans brevet et que tout le monde peut faire chez soi. L’industrie des biostimulants et du biocontrôle espère bien profiter de cette manne. L’Inra précise que « l’industrie française du biocontrôle a réalisé, en 2013, un chiffre d’affaires de 110 millions d’euros ». Le syndicat des entreprises de la filière biostimulant (Afaïa) affirme que « le marché des biostimulants est estimé à 3,7 millions d’euros ». Cette industrie a des liens très étroits, voire consubstantiels avec l’industrie des pesticides de synthèse. Elle invente une nouvelle marchandise, prétendument écologique, présentable, et rentable, pour « palier » les défaillances de ses produits antérieures. Entre greenwashing et fuite en avant technologique.

« Le principe du biocontrôle, c’est de renforcer les moyens naturels qu’ont les plantes de se défendre et de résister à ses agresseurs » explique Louis Damoiseau, ancien secrétaire général de l’Association française des fabricants de produits de biocontrôle (IBMA). C’est exactement ce que propose de faire les PNPP. Mais…. ces produits, ceux que l’industrie met en avant, ne seront pas reproductibles librement, ils sont brevetés. Parmi les adhérents de l’IBMA, on retrouve BASF, Bayer, Corteva (DowDupont), Limagrain, Syngenta, etc. Et le nombre de brevet sur des « solutions » de Biocontrole a explosé ces dix dernières années.

Même son de cloche à l’Afaïa, le syndicat professionnel des biostimulants – dont l’actuel délégué général est un ancien sélectionneur de Monsanto. L’Afaïa souligne que « pour les fertilisants élaborés à partir de substances naturelles (…), il faut simplifier ces procédures (…) pour ouvrir l’accès plus facilement aux produits innovants ». Ce syndicat défend-il des positions proches de celle de l’Aspro ? Aucunement. L’Afaïa regrette la confusion entre biostimulant et PNPP3. Et ce syndicat s’est très clairement positionné contre l’idée d’un cahier des charges pour faciliter l’autorisation des PNPP consommées par l’être humain ou les animaux4. L’Afaïa, contrairement à l’Aspro, revendique que les biostimulants puissent être des micro-organismes, des substances naturelles ou d’origine naturelle (acides humiques, acides aminés, extraits d’algues ou de plantes) ou des substances de synthèse. Qui parlait de confusion ? Des biostimulants de synthèse, n’est-ce pas une manipulation du langage ? Au-delà de cette différence de contenu, l’idée est réellement de refuser les solutions qui renforcent l’autonomie paysanne. L’Afaïa affirme que ce qui est reproductible à la ferme, ce qui est «  issu de techniques empiriques ancestrales et sont obtenues par un procédé accessible à tous » est une distorsion de concurrence face à ce qui est « issu d’une fabrication industrielle et contrôlée, non reproductible pour un particulier ». L’usage des PNPP implique une évolution vers l’agroécologie, alors que le biocontrôle permet de ne pas changer de mode de production et de garder le modèle agricole actuel.

Ce débat sur l’évaluation masque le fond du problème : comment interdire des pratiques qui renforcent l’autonomie paysanne et qui permettent de sortir de l’impasse des produits de synthèse. PNPP une alternative aux pesticides en danger : combien de fermes ont été et pourront être sauvées en utilisant des solutions efficaces et peu coûteuses ? Combien de fermes s’enlisent dans une fuite en avant technologique, s’endettent pour acheter le nouveau pesticide miracle qui est censé résoudre le problème posé par le précédent ? Ce débat on le retrouve dans de nombreux domaines, l’herboristerie, les semences paysannes, etc.

 

Sources

1) Ainsi, pour être commercialisées, les substances composant les PNPP doivent être évaluées par l’Agence européenne de sécurité des aliments (AESA / EFSA) et listées au niveau européen pour les substances de base ou par l’Anses et présentes dans la liste tenue par le ministère de l’Agriculture pour le SNUB.

2) En 2017, les DDPP (directions départementales de la protection des populations) ont exigé le retrait des rayons de purins de consoude dans des magasins Botanic de Saint Etienne et de Villeneuve-lès-Avignon. Des producteurs ont aussi été contrôlés.

4) L’Afaia écrit le 3 avril 2019 dans une note que l’auteur détient : « Pour éviter une distorsion de concurrence et de la confusion chez les utilisateurs, la conformité à un cahier des charges comme voie de mise sur le marché doit être supprimée ».

 

Christophe Noisette d’ASPRO-PNPP