Alors que le Salon International de l’Agriculture s’ouvre en fin de semaine, Générations Futures se penche sur la question de l’exposition des riverains aux pesticides agricoles et publie un nouveau rapport montrant l’inefficacité des Zones Non Traitées (ZNT) de 5 et 10 m. Voici pesticides dans l’air un nouveau rapport exclusif !

Le 21 octobre 2019 Mme Lambert, patronne de la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, alors en bagarre pour qu’aucune Zone Non Traitée (ZNT) ne soit introduite dans les textes sur l’utilisation des pesticides, assistait à une démonstration de pulvérisation dans la Manche organisée par la FDSEA du département. Elle a affirmé à cette occasion « qu’il n’y a pas de dérive des gouttes de produits phytosanitaires en bout de rampe … preuve à l’appui ! » (1), niant ainsi toute exposition possible, par voie aérienne, des riverains des zones traitées !

Pour rappel, suite aux actions juridiques menées par des associations contre des textes réglementaires jugés non protecteurs pour les riverains, Générations Futures en partenariat avec un collectif d’ONG, avait obtenu du Conseil d’état en 2019 que de nouvelles mesures de sécurité soient prises par les autorités. Finalement les textes sur l’utilisation des pesticides (2) n’ont retenu que des zones non traitées de 10 m (cultures hautes) et 5 m (cultures basses), avec la possibilité de déroger à ces distances notamment en adoptant un matériel soit disant adapté avec des buses anti-dérives. Ces distances ont été arrêtées sur la base d’un avis de l’ANSES (3) de juin 2019.

Générations Futures a donc voulu savoir si ces distances fixées (10 m et 5 m) étaient réellement protectrices pour les riverains habitant à proximité des zones d’épandage de pesticides agricoles. Nous avons publié un premier rapport (EXPORIP) en novembre 2021 réalisé avec le laboratoire Yootest qui a analysé des prélèvements effectués sur les vitres des habitations à l’aide de lingettes.

Le rapport montre que pour près de 80% des habitations testées, au moins un pesticide sur les 30 recherchés était retrouvé, ce pourcentage ne descendant nettement qu’au-delà de 100m de la zone de pulvérisation (4).

Pesticides dans l’air un nouveau rapport exclusif ! Avec ce nouveau rapport, et alors que de nouveaux textes sur l’utilisation des pesticides viennent d’être publiés suite à un nouveau recours victorieux de nos associations, nous avons voulu en savoir plus sur la dérive des pesticides et sur l’efficacité réelle d’une ZNT de 10m par rapport à cette dérive.

Pesticides dans l’air un nouveau rapport exclusif : les résultats

Sur les 77 pesticides recherchés, 20 pesticides ont été détectés et quantifiés au moins une fois dans le capteur 2 (à 1 m du champ) alors que 15 ont été retrouvés au moins une fois dans le capteur 1 (à 33 m du champ). Le PBO a été retrouvé uniquement dans le capteur 1 (à 33 m) alors que Fluopyram, cyprodinil, diféconazole, metazachlore, phosmet et 2,4 DB ont été retrouvés uniquement dans le capteur 2 (à 1 m).

Comme attendu, dans 5 périodes sur 6 les quantités de pesticides piégées dans le capteur 2 le plus proche du champ sont supérieures à celles piégées dans le capteur 1 le plus éloigné (33 m). Cependant, au cours de la période 4, le capteur le plus éloigné a piégé plus de pesticides que celui situé juste à côté des champs.

Au total sur l’ensemble de la période d’échantillonnage le capteur 1 le plus éloigné (33 m) a piégé 13490.8 ng de pesticides, (contre 25502.9 ng pour le capteur 2 situé à moins d’1 m du champ).

Cela représente 52.9% de la quantité piégée dans le capteur 2, le plus proche du champ et 34,5% de la quantité totale de pesticides piégée par les 2 capteurs sur toute la période. En comparaison, les quantités de pesticides retrouvés à 33m des champs sont donc loin d’être négligeables.

Dans toutes les périodes, le capteur le plus proche du champ a détecté et quantifié plus de pesticides différents que celui situé à 33m. Au total sur l’ensemble de la période d’échantillonnage le capteur 1 le plus éloigné (33 m) a piégé 7.8 pesticides différents en moyenne par période (maxi 10/mini 4) contre 10.8 en moyenne par période (maxi 14/mini 9) pour le capteur 2 situé à moins d’1 m du champ).

Comparaison des taux de pesticides piégés par les 2 capteurs: A 33m du champ le nombre de pesticides différents piégés pendant les 18 semaines de notre opération représente 47/65 X100 =72.3% du nombre de pesticides différents piégés à moins d’1 mètre du champ.

Que faire ?

Afin de limiter l’exposition des riverains pendant ou après application par pulvérisation l’Anses préconisait dans son avis (13) sur les mesures de protection des riverains à mettre en place : « la mise en place de distances de sécurité par rapport aux bâtiments occupés et aux parties non bâties contiguës à ces bâtiments. Elles devraient être au moins égales aux distances introduites dans l’évaluation des risques pour les résidents qui sont basées sur le type de culture et le matériel utilisé, ou supérieures, par mesure de précaution en particulier pour les produits classés cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. »

Ces distances sont 3, 5 et 10 m pour les grandes cultures avec un pulvérisateur à rampe et 10 m pour les vergers et par extrapolation, les vignes avec un pulvérisateur à jet porté (pulvérisation vers le haut). Elles ont été arrêtées après un avis de l’ANSES lui-même basé sur un document guide(14) de l’EFSA ne prenant en compte que des distances de 2 à 10 m et basé sur des données assez anciennes.

L’enquête de Générations futures présentée dans le présent rapport remet en cause grandement l’efficacité de ces distances puisque nous mesurons sur une période de 18 semaines à 11 fois 3 mètres une exposition à une quantité de pesticides encore supérieure à la moitié de celle observée en bordure de champ !

A 3m, 5m et 10 m du champ investigué ici, nul doute que la quantité de pesticides auxquels les riverains auraient pu être exposés aurait été encore bien plus importante et proche de celle observée en bordure de champ.

Ce fait est d’autant plus préoccupant que beaucoup des substances quantifies ici sont suspectées d’être des perturbateurs endocriniens ou des CMR pouvant agir à des doses très faibles.

Ces premières mesures de pesticides dans l’air de Générations Futures basées sur des prélèvements par capteurs passifs seront suivies par d’autres, afin de renforcer les conclusions que l’on peut en tirer. Un autre rapport sera ainsi prochainement publié, réalisé à partir de mesures effectuées en zone de culture de la vigne, particulièrement consommatrice de pesticides.

Néanmoins cette première publication, rendant compte de 4 mois de prélèvements et de mesures, montre clairement que même une distance supérieure à 30 mètres ne réduit l’exposition aérienne aux pesticides que de moins de la moitié par rapport à la limite de propriété sur l’ensemble de la période.

Générations Futures demande que des ZNT assurant une exposition négligeable aux pesticides soient mises en place. De toute évidence ni 10m, ni 5 met encore moins 3 m suffiront à assurer ce niveau de protection.

L’association renouvelle sa demande de mises en place de ZNT d’au moins 100 m, sous réserve que des dosages similaires à ceux mis en place dans ce rapport montrent une efficacité suffisante pour cette distance.

Pesticides dans l’air un nouveau rapport exclusif – Références :

  1. https://reussir.fr/fdsea-et-ja-de-la-manche-unis- dans-une-chaine-pour-demontrer-le-non-fondement- technique-des-znt-de
  2. Arrêtés et décrets du 26/01/22 https://www.generations- fr/actualites/reglementation-pesticides-riverains/
  3. https://generations-futures.fr/actualites/exporip- riverains-pesticides/
  1. https://www.generations- fr/actualites/reglementation-pesticides-riverains/
  2. Camoiras gonzales et Air monitoring with passive samplers for perfluoroalkane substances in developing countries (2017–2019). Chemosphere Volume 282, November 2021, 131069
  3. An application of passive samplers to understand atmospheric mercury concentration and dry deposition spatial distributions Huang at Journal of Environmental Monitoring, Issue 11, 2012
  4. Jaward, F.M., Farrar, N.J., Harner, T., Sweetman, A.J., Jones, C., 2004. Passive air sampling of PCBs, PBDEs, and organochlorine pesticides across Europe. Environ. Sci. Technol. 38, 34e41.
  5. Herkert N, Spak S, Smith A, Schuster J, Harner T, Martinez A, Hornbuckle K (2018) Calibration and evaluation of PUF- PAS sampling rates across the Global Atmospheric Passive Sampling (GAPS) Environ Sci:Processes Impacts 20:210–219.
  6. https://clu-in.org/download/issues/vi/VI-passive- samplers-600-R-14-434.pdf
  7. Herkert N, Spak S, Smith A, Schuster J, Harner T, Martinez A, Hornbuckle K (2018) Calibration and evaluation of PUF- PAS sampling rates across the Global Atmospheric Passive Sampling (GAPS) Environ Sci:Processes Impacts 20:210–219.
  8. https://clu-in.org/download/issues/vi/VI-passive- samplers-600-R-14-434.pdf
  1. Vom Winde verweht. Messung von Pestiziden in der Luft im Vinschgau 2018. Umweltinstitut München. https://umweltinstitut.org/fileadmin/Mediapool/Downl oads/01_Themen/05_Landwirtschaft/Pestizide/Messprojekt_Pestizide_Luft/20190306_Messprojekt_Vinschgau_Doppelseiten_web.pdf
  2. Résultats de la Campagne Nationale Exploratoire de mesure des résidus de Pesticides dans l’air ambiant (2018- 2019) https://atmo-france.org/wp- content/uploads/2020/06/Rapport_CNEP_DRC_20_172794_02007C VF_versionC.pdf
  3. Avis de l’Anses relatif à une demande d’appui scientifique sur les mesures de protection des riverains lors de l’utilisation des produits phytosanitaires. 14 juin 2019. https://anses.fr/fr/system/files/PHYTO2019SA0020.pd f
  4. Guidance of EFSA. Guidance of the assessment of exposure for Operators, Workers, Residents and Bystanders in risk
  5. assessment for plant protection Products. EFSA, 2014.
  6. Morshed MM, Omar D, Mohamad R, Wahed S (2011) Determination of glyphosate through passive and active sampling methods in a treated field Afr J Agricul Res 6(17):4010–4018.
  7. Kruse Plaß et al. Pesticides and pesticide related products in ambient air in Germany Environ Sci Eur (2021) 33:114