Les essais nucléaires menés par la France pourraient être à l’origine de 2,3% des cas de cancer de la thyroïde. L’étude révélée dans JAMA Network Open jette la lumière sur cette problématique. Cette recherche unique s’appuie sur des documents internes précédemment classifiés secret-défense par l’armée française, spécifiquement liés aux 41 essais nucléaires atmosphériques réalisés entre 1966 et 1974 en Polynésie française, qui ont été déclassifiés en 2013.

De 1966 à 1974, la France a effectué 41 essais nucléaires atmosphériques en Polynésie. Depuis lors, des chercheurs étudient les conséquences potentielles de ces retombées radioactives sur la santé des habitants, en se concentrant sur les maladies liées à la radioactivité, comme les cancers, les troubles cardiovasculaires et la cataracte.

Un rapport de l’Inserm de 2021 cite deux études épidémiologiques, dont une sur le risque de cancer de la thyroïde. Ce cancer est considéré comme le principal risque sanitaire pour les personnes vivant près des sites d’essais nucléaires, en raison de l’iode radioactif libéré et absorbé par la thyroïde.

Les retombées radioactives endommagent l’ADN

L’iode radioactif peut endommager l’ADN et provoquer des tumeurs cancéreuses lorsqu’il se fixe dans la thyroïde. Une étude publiée en 2010 a montré une légère augmentation du risque de cancer de la thyroïde chez les Polynésiens exposés aux rayonnements avant l’âge de 15 ans.

Une deuxième étude a examiné 395 cas de cancer de la thyroïde diagnostiqués entre 1984 et 2016 en Polynésie et 555 témoins. Grâce à des documents déclassifiés et des données météorologiques, les chercheurs ont pu estimer la dose de radiation reçue par la thyroïde des participants. Ils n’ont pas trouvé de lien significatif entre la dose de radiation et le risque de cancer thyroïdien pour tous les cas, mais le lien était significatif pour les cancers invasifs nécessitant un traitement.

Les essais nucléaires en Polynésie Francaise sont responsables de cancers de la thyroïde

En croisant diverses données, les chercheurs ont estimé que les essais nucléaires français pourraient être responsables de 2,3% des cas totaux de cancer de la thyroïde.

« Ces résultats s’inscrivent dans la continuité de ce que nous avions préalablement conclu et confirment que les essais nucléaires sont très probablement à l’origine d’une augmentation, faible, de l’incidence des cancers de la thyroïde en Polynésie française. Ils doivent toutefois être considérés avec prudence car l’estimation des doses de radiation reçues à la thyroïde il y a plus de 50 ans est nécessairement imprécise », explique Florent de Vathaire, chercheur Inserm à Gustave-Roussy, premier auteur de l’étude.

 

[1] L’intervalle de confiance définit une valeur minimale et une valeur maximale entre lesquelles se situe, pour un risque d’erreur donné, la valeur exacte de l’ensemble de la population.

Les résultats sont publiés dans JAMA Network Open

Inserm