La prise en charge et le traitement des leucémies aiguës myéloïdes (LAM) se sont beaucoup améliorés ces dernières années, mais la survie globale demeure encore faible. En effet, la résistance aux différents traitements représente toujours un défi clinique majeur. A partir de modèles animaux mais également en travaillant avec des patients, des scientifiques de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier au Centre de Recherches en Cancérologie de Toulouse ont identifié un nouveau biomarqueur prédictif de la réponse à une bithérapie (combinaison d’une chimiothérapie et d’une thérapie ciblée) utilisée dans le traitement des LAM, ainsi que des mécanismes de résistance permettant d’expliquer les rechutes. Les résultats de ces travaux sont publiés dans Nature Cancer.
Les leucémies regroupent plusieurs types de cancer du sang et touchent près de 10 000 personnes chaque année en France. Parmi-elles, les leucémies aiguës myéloïdes (LAM), qui affectent les cellules hématopoïétiques[1] de la moelle osseuse.
La chimiothérapie intensive a longtemps été le traitement de choix pour les patients atteints. Si la plupart d’entre eux y répond favorablement et entre en rémission, la survie globale à plus long terme reste faible. En effet, certaines cellules cancéreuses résistantes persistent dans l’organisme suite à la chimiothérapie, entrainant des rechutes.
Depuis quelques années, le développement de thérapies ciblées a permis d’améliorer la prise en charge et la réponse des patients, allongeant un peu la survie, notamment chez les personnes âgées non éligibles à la chimiothérapie. Toutefois, même avec ces thérapies, les rechutes constituent toujours une problématique importante. Comprendre les mécanismes qui sous-tendent les résistances aux traitements des leucémies et trouver un moyen de les lever sont au cœur des travaux du chercheur Inserm Jean-Emmanuel Sarry et de son équipe au Centre de Recherches en Cancérologie de Toulouse (Inserm/CNRS/Université de Toulouse III -Paul Sabatier).
Alors que la plupart des scientifiques qui travaillent sur le sujet s’intéressent plutôt aux mécanismes génétiques associées aux résistances, l’équipe étudie les mécanismes non génétiques pour comprendre pourquoi certains patients sont plus susceptibles de faire des rechutes.
Identification d’une « signature Mitoscore »
Dans leur nouvelle étude, les chercheurs se sont intéressés à une bithérapie (chimiothérapie conventionnelle combiné à une nouvelle thérapie ciblée) récemment approuvée et de plus en plus utilisée dans le traitement des LAM.
A partir des transcriptomes de patients (c’est-à-dire l’ensemble des ARN messagers issus de l’expression du génome), ils montrent que les personnes qui répondent le mieux à la bithérapie et qui ont un allongement de leur survie présentent un biomarqueur particulier – une « signature Mitoscore » – associée à une forte activité mitochondriale[2]. « Autrement dit, cette signature Mitoscore élevée, qui traduit une activité mitochondriale importante, serait prédictive d’une meilleure réponse à ces traitements », précise Jean-Emmanuel Sarry.
Enfin, grâce au séquençage à l’échelle de la cellule unique[3] de la maladie résiduelle[4] après cette bithérapie, les chercheurs ont constaté un remodelage particulier de la fonction mitochondriale permettant aux cellules cancéreuses de s’adapter aux thérapies et induire la rechute du patient. Chez la souris, l’équipe montre aussi qu’un traitement fondé sur une molécule qui inhibe l’action des mitochondries permet de bloquer ce remodelage de la fonction mitochondriale, de prévenir les rechutes et d’allonger la survie des animaux.
« L’objectif est maintenant de tester cette signature Mitoscore sur de très grosses cohortes afin de valider l’utilité de ce biomarqueur. A terme, l’idée serait de pouvoir l’utiliser pour améliorer le suivi des patients et pour proposer les thérapies de manière plus personnalisée, en donnant la bithérapie, en association ou non avec l’inhibiteur des mitochondries, aux personnes susceptibles d’en tirer un bénéfice. Ces travaux pourraient donc avoir un réel impact clinique dans les prochaines années », explique Jean-Emmanuel Sarry.
Sources :
[1] Les cellules souches hématopoïétiques sont fabriquées par la moelle osseuse et sont à l’origine des différentes cellules du sang : les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes. Source INCa
[2] Les mitochondries sont les organelles intracellulaires dont le rôle est de fournir aux cellules l’énergie dont elles ont besoin. Elles ont donc un rôle central dans le métabolisme énergétique cellulaire.
[3] Le séquençage de la cellule unique est un ensemble de techniques de biologie moléculaire pour analyser l’information génétique à l’échelle d’une seule cellule, avec des technologies du séquençage nouvelle génération.